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Face au tournant fédéral, un projet relance l'idée d'une Europe des nations

Par Raphaël Lepilleur. Synthèse n°2610, Publiée le 27/11/2025 - Photo : Europe des nations ou Europe fédérale, la question semble ne pas se poser...  Crédits : Alamy via Reuters connect.
Alors que l'UE étend ses compétences et ses instruments de contrôle, un projet – discret en France, mais discuté à l'international – relance une question taboue : une autre Europe est-elle possible ? Rédigé par des acteurs d'Europe centrale, le projet « La grande réinitialisation » propose deux voies, de la réforme interne à une union intergouvernementale. Une proposition qui mériterait plus d'attention.

LSDJ suit de près l'évolution de l'UE. À partir de documents officiels, nous avons exposé la création récente de nombreuses agences supranationales de contrôle, une politique de centralisation qui s'impose progressivement, ainsi que la montée d'une gouvernance idéologique pouvant être perçue comme totalitaire (« En coulisse, l'UE resserre son contrôle… », « L'UE a lancé son ministère de la Vérité », « Un traité mondial, une gouvernance sanitaire et peu de débats », « L'ère de l'identité numérique européenne commencera en 2026 », « Une définition européenne d'un féminisme universel », « La Commission contre le racisme et l'intolérance dicte la politique... »). Rappelons que les Français ont dit NON (référendum de 2005) à une Constitution européenne (signe d'un rejet d'une direction fédérale). Refus que l'on a, de fait, contourné, ce qui reste pour beaucoup une trahison historique. Nous présentons ici un projet de refonte de l'UE (à retrouver en sélection), porté par des acteurs hongrois et polonais. Il propose une alternative axée sur une « Europe des nations », qui n'a jamais existé, l'objectif fédéral étant là dès l'origine et clairement formulé dans le manifeste de Ventotene de 1941, corédigé par Altiero Spinelli, figure du fédéralisme et acteur de la construction européenne (une partie du Parlement porte son nom).

Les auteurs affirment que l'UE glisse vers une centralisation du pouvoir, au détriment des souverainetés nationales et des principes démocratiques. Pour eux, le temps n'est plus aux ajustements et, sans réorientation profonde, l'UE pourrait devenir un pays unique dirigé par une technocratie. Deux scénarios sont avancés. Le premier, dit « Retour aux fondamentaux », propose 23 mesures pour recentrer l'Union sur la coopération entre États, restaurer la primauté du droit national (pour éviter que des décisions externes et potentiellement nuisibles prévalent) et placer les gouvernements élus au cœur du projet. Concrètement, l'UE serait limitée aux compétences prévues par les traités : les décisions majeures ne pourraient plus être imposées sans unanimité, la Commission serait réduite à un rôle technique sous contrôle des gouvernements, le pouvoir politique reviendrait au Conseil des chefs d'État, la Cour de justice se limiterait au règlement des litiges et le Parlement européen conserverait une fonction consultative. Le second scénario, « Nouveau départ », assume une refonte sur le principe de la table rase. Les structures actuelles seraient progressivement dissoutes au profit d'une organisation intergouvernementale plus légère, fondée sur la souveraineté intégrale, la participation volontaire et des domaines intouchables au niveau national (famille, culture, institutions, choix de société), hors de portée de toute autorité supranationale. Selon ces auteurs, le choix dépendrait de la possibilité de transformer le système existant, le second scénario devenant l'alternative si la réforme s'avère impossible.

Ils estiment que le système démocratique s'est affaibli, avec des institutions clés non élues et hors de contrôle (Commission, Cour de justice), des décisions prises dans une relative opacité, hors du débat public, et un Parlement européen qui ne répond pas à un électorat commun (chaque citoyen vote dans son pays, donc aucune majorité ne correspond à un même peuple). Selon eux, la souveraineté s'efface, car l'UE s'est attribué des compétences qui dépassent largement ce qui était prévu. La Cour de justice joue un rôle crucial en créant du droit qui s'impose directement aux États, sans passer par leurs processus démocratiques. Le rapport affirme aussi que des libertés nationales sont fragilisées, notamment sur des sujets sociétaux et culturels, où une orientation progressiste encouragerait l'uniformisation. Il évoque une érosion des identités et une réponse insuffisante aux enjeux de sécurité. Enfin, le système est jugé trop bureaucratique, ce qui freinerait sa compétitivité.

Selon eux, tout doit être repensé en partant des États, avec l'idée centrale que la souveraineté devienne la règle et que l'UE n'intervienne que si on l'y autorise. Le pouvoir resterait entre les mains des responsables mandatés par les citoyens. Enfin, le rapport rejette l'idée d'un modèle culturel uniforme et chaque nation conserverait son identité, ses choix de société et ses priorités. Il s'agit de faire de l'Europe un outil au service des nations et non une structure qui les remplace. Le 4 novembre, le projet a été présenté à Paris. « Il nous semble essentiel que ce type de proposition puisse être entendu et discuté chez nous », souligne Brice Hamard (Bourse Tocqueville), l'un des organisateurs. Olivier Bault (Ordo Iuris, coauteur du projet) résume l'enjeu entre « super-État détaché des peuples » et « défense des identités nationales et de la souveraineté », tout en déplorant que « la France soit désormais bastion du fédéralisme, et même du centralisme européen, sous l'impulsion d'Emmanuel Macron ». Si certains dénoncent une initiative « d'extrême droite » et un « risque de droitisation », la critique s'arrête à l'étiquette et aucun contre-projet ne semble émerger, ni aucun débat sur la question. Pendant ce temps, le fédéralisme avance sans se nommer, porté par un silence qui questionne.

À retenir
  • Les auteurs affirment que l'UE glisse vers un pouvoir centralisé, qui affaiblit les souverainetés nationales et contourne les principes démocratiques.
  • Six dérives identifiées : Déficit démocratique, empiètement sur les compétences des Etats, activisme judiciaire par la Cour de justice, pression politique de la Commission, uniformisation idéologique et fragilisation des identités nationales.
  • Les principes essentiels à mettre en avant : Souveraineté nationale, primauté des droits nationaux, décisions politiques entre les mains des élus, compétences strictement limitées à ce que prévoient les traités, respect des identités et des choix de société.
  • Deux scénarios sont évoqués : soit réformer l'UE en profondeur pour la ramener à une coopération entre États, soit créer une nouvelle union intergouvernementale fondée sur la souveraineté intégrale et une participation volontaire.
La sélection
la grande réinitialisation : rétablir la souveraineté des états membres dans l'UE
Document PDF en Français à lire sur le site d'Ordo Iuris
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