Certes, les sondages sont à prendre avec prudence. Par définition, ils disposent d'échantillons qui ne peuvent jamais être parfaits, et Morning Consult (transparent sur sa méthodologie) ne se fonde que sur des enquêtes en ligne. Cependant, si l'on a déjà eu l'occasion de constater les bourdes des sondages par le passé, on notera que Morning Consult n'est pas sorti de la marge d'erreur (~3 %) lors des présidentielles américaines de 2024 (il sondait le vote populaire, finalement remporté de peu par Donald Trump, et non celui des grands électeurs, où la victoire fut écrasante). De plus, l'institut américain semble aligné sur les dernières enquêtes hexagonales. Plusieurs d'entre elles ont rapporté que le locataire de l'Élysée jouissait d'une cote peu enviable. L'un d'eux montrait même qu'Emmanuel Macron avait égalé le record d'impopularité de François Hollande (11 % d'avis favorables – Baromètre le Figaro Magazine, 30/10/2025).
En ce qui concerne l'enquête de Morning Consult, elle a comparé le président français avec ses interlocuteurs du G20 et certains pays européens souvent invités. Quatre pays sont absents du sondage : la Chine, la Russie, l'Arabie Saoudite et l'Indonésie. Un panel représentatif de répondants a en effet pu faire défaut, et il est évident que, dans des régimes plus ou moins autoritaires, internet est surveillé de près. Les habitants sont habitués à l'autocensure quand elle n'est pas directement imposée. Notons tout de même que Vladimir Poutine reçoit 85 % d'avis positifs en Russie, selon les sources disponibles.

Le sondage mis à jour par Morning consult, le 13 novembre dernier (cf. notre sélection), présente les résultats (arrondis) suivants :

Narendra Modi (Inde) : 71 % d'opinions favorables / 7 % ne se prononcent pas / 22 % défavorables

Sanae Takaichi (Japon) : 62 % / 15 % / 23 %

Lee Jae-myung (Corée du Sud) : 58 % / 9 % / 32 %

Anthony Albanese (Australie) : 58 % / 9 % / 33 %

Javier Milei (Argentine) : 56 % / 4 % / 40 %

Mark Carney (Canada) : 49 % / 12 % / 39 %

Karin Keller-Sutter (Suisse) : 44 % / 23 % / 32 %

Donald Trump (États-Unis) : 41 % / 7 % / 52 %

Claudia Sheinbaum (Mexique) : 41 % / 7 % / 53 %

Luis Inácio Lula da Silva (Brésil) : 39 % / 6 % / 55 %

Giorgia Meloni (Italie) : 39 % / 7 % / 54 %

Donald Tusk (Pologne) : 37 % / 9 % / 54 %

Bart de Wever (Belgique) : 35 % / 13 % / 21 %

Ulf Kristersson (Suède) : 35 % / 10 % / 55 %

Recep Tayyip Erdogan (Turquie) : 35 % / 15 % / 50 %

Pedro Sánchez (Espagne) : 34 % / 5 % / 60 %

Jonas Gahr Støre (Norvège) : 33 % / 5 % / 63 %

Cyril Ramaphosa (Afrique du Sud) : 30 % / 8 % / 63 %

Friedrich Merz (Allemand) : 29 % / 6 % / 65 %

Christian Stocker (Autriche) : 29 % / 14 % / 57 %

Dick Schoof (Hollande) : 28 % / 19 % / 52 %

Keir Starmer (Grande-Bretagne) : 23 % / 9 % / 68 %

Petr Fiala (République tchèque) : 22 % / 7 % / 71 %

Emmanuel Macron (France) : 12 % / 7 % / 80 %

Force est de constater le bon classement de dirigeants constamment vilipendés par une majorité de médias français, quand ils ne sont pas directement traités de fascistes (Javier Milei, Donald Trump, Giorgia Meloni). On ne peut cependant pas simplifier au point d'établir un lien entre popularité et couleur politique : Anthony Albanese (gauche), en Australie, ou Mark Carney (centre gauche), au Canada, sont dans le haut du tableau. Le plus surprenant reste l'écart abyssal qui sépare le dernier de l'avant-dernier. Emmanuel Macron se trouve 10 points en dessous de Petr Fiala (République tchèque). Rappelons que la marge d'erreur oscille autour de 3 points. On pourrait toujours opposer que le président français arrive en fin de mandat et ne bénéficie plus de l'effet fraîcheur ayant séduit de nombreux électeurs en 2017. Mais Donald Trump, lui aussi, en est à son second mandat…

Le paradoxe est cruel : en France, pays de la démocratie et des droits de l'homme, le président est rejeté par 80 % de la population. Simple déception au fil des années ou crise d'un système à bout de souffle ? La démocratie n'est-elle pas le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple ? On notera qu'Emmanuel Macron s'était qualifié avec 28 % des voix au second tour de 2017, puis avec 24 % en 2022. Il est devenu difficile d'occulter que la concurrence contre un adversaire abondamment diabolisé couronne un vainqueur choisi par défaut plus que par vraie adhésion.
Notons qu'entre temps, plusieurs crises ont émaillé les deux mandats : des Gilets jaunes à la gestion controversée du Covid, jusqu'à la paralysie politique récente. La seule réforme majeure, celle des retraites, vient d'être suspendue. Le président semble reléguer au second plan les préoccupations essentielles des Français : criminalité et violence, inflation, impôts et taxes, pauvreté et inégalités, flux migratoires, système de santé… (Ipsos, 30/09/2025). Aujourd'hui, le gouvernement fait distribuer un manuel de survie pour temps de crise, quand le chef d'état-major des armées parle d'entrer en guerre contre la Russie.
Le locataire de l'Élysée pointe Moscou comme une menace existentielle, visiblement loin du quotidien de la population. Au point de confondre comme Don Quichotte des géants menaçants et des moulins à vent ?