L'investisseur redouté Michael Burry parie plus d'un milliard de dollars contre l'IA
Il n'a jamais été un homme lambda. Né en 1971 à San José (Californie), il perd l'œil gauche à deux ans suite à un cancer. Son père lui montre les pages boursières du journal alors qu'il est à l'école primaire, ce qui deviendra un centre d'intérêt exclusif. Il étudie l'économie, puis la médecine, obtient un doctorat en 1997 et entame une résidence en neurologie à Stanford, qu'il ne terminera pas. Sa passion, c'est la finance. Au début des années 2000, il s'auto-diagnostique autiste Asperger après que son fils ait été diagnostiqué. Ce qui ne remplacera jamais un diagnostic mené par une équipe pluridisciplinaire, rappel utile dans une époque où certains utilisent cela comme une étiquette identitaire ou comme une manière de donner du sens à leur ressenti. Il dira plus tard que cette différence lui « permet de voir le monde d'une manière unique », ce qui se retrouve dans son analyse des marchés, avec une indifférence au conformisme et à la pression sociale, et une capacité à maintenir une conviction envers et contre tout. Ce n'est pas du génie, juste une approche différente.
Pendant son internat à Stanford, il publie ses analyses sur des forums, puis crée son blog. Il y expose gratuitement ses idées d'investissement, calculs et raisonnements. Il devient viral et s'impose comme une référence, ce qui attire l'attention de grands noms de Wall Street. Joel Greenblatt, référence de l'investissement « value » (acheter des entreprises solides mais sous-évaluées) et White Mountains Insurance, poids lourd du secteur, décident de lui confier plusieurs millions de dollars. En 2000, il quitte la médecine et fonde Scion Capital. Les performances dépassent les attentes : +55 % la première année quand le S&P500 (indicateur de référence du marché américain) s'effondre de 11 %, puis +16 % en 2002 contre –22 %, et +50 % en 2003 contre +28 %. Sa stratégie repose sur l'achat de ce que tout le monde fuit. Il appelle cela le Ick investing (investissement beurk).
En 2005, il se concentre sur le marché immobilier américain. Il analyse les prêts subprimes (accordés massivement à des ménages modestes) et repère un mécanisme évident : les taux d'appel bas vont expirer, les mensualités vont grimper et beaucoup d'emprunteurs ne pourront plus payer. Là où banques et agences de notation rassurent, il voit un système gangrené. Sa conclusion est que tout va s'effondrer. Il cherche alors un moyen de miser sur son intuition. Il utilisera le « Credit Default Swap » (CDS), une assurance contre la faillite d'un actif. Il paie une somme régulière à la banque : si le marché tient, il perd sa mise, mais s'il s'écroule, la valeur du CDS explose. Il demande à Goldman Sachs, Deutsche Bank et Morgan Stanley de créer des CDS sur les produits financiers les plus fragiles, selon lui (ceux remplis de prêts subprimes). Elles acceptent, convaincues de la solidité. Pendant deux ans, il reste seul dans sa conviction. Ses clients s'inquiètent de voir l'argent sortir sans retour et certains veulent se retirer. Il maintient sa position. En 2007, la bulle éclate, provoquant la plus grande crise financière moderne. Scion Capital engrange plus de 700 millions de dollars pour ses clients (environ 100 pour lui). Le film The Big Short raconte cette aventure.
Il ferme Scion Capital en 2008, officiellement pour se consacrer à sa famille. Il continue d'investir pour son compte, souvent à contre-courant, et gagne beaucoup d'argent. En 2013, il revient avec Scion Asset Management. Il s'exprime peu, mais à chaque fois attire l'attention. On lui attribue des alertes précoces sur la dette étudiante, l'inflation post-Covid ou la spéculation autour des crypto « memes ».
En 2025, il récidive avec un pari historique contre deux symboles de l'IA, Palantir et Nvidia. Son fonds annonce que près de 80 % du portefeuille est engagé dans des options de vente sur ces deux titres, pour une valeur notionnelle d'environ 1,1 milliard de dollars. La valeur notionnelle correspond au montant du pari, pas à la somme investie. Dans son cas, il a payé environ 9,2 millions pour obtenir ces options. Elles prennent de la valeur quand une action baisse. L'investisseur paie pour avoir le droit de vendre le titre à un prix fixé à l'avance. Si le cours passe sous ce prix avant l'échéance, il gagne la différence. Si ce n'est pas le cas, l'option expire et il perd la mise. « Chacun de ces petits trucs me permet de vendre du Palantir à 50 $ en 2027 » (pas de précision pour Nvidia). Il mise aussi sur Pfizer, qu'il estime sous-valorisé. Il annonce la fermeture de son fonds après ce pari. Un geste rare, pour l'instant inexpliqué. Ses succès passés ne garantissent rien, et ses motivations peuvent dépasser ce qu'il montre ou ce qui est visible.
Il ne parie pas contre l'IA, mais contre son prix en bourse qu'il juge déconnecté des réalités. Pour lui, Palantir incarne un effet de mode, avec une valorisation portée plus par le récit que par du factuel. Le PDG de Palantir va jusqu'à le qualifier de fou. Il reproche également à Nvidia de gonfler ses bénéfices en allongeant la durée de vie de ses puces IA, alors qu'elles deviendraient rapidement obsolètes, ce qui conduit à sous-évaluer les coûts et surestimer les profits. Pour lui, il s'agit d'une bulle où les marchés achètent des promesses et un engouement plutôt que du réel.
- Auto-diagnostiqué autiste Asperger, Michael Burry retrouve dans cette différence la clé de son approche, à savoir un raisonnement méthodique, une indifférence au conformisme et une résistance aux pressions sociales qui façonneront toute sa carrière.
- Analyste déjà redouté, il est l'un des seuls à voir venir l'effondrement du marché immobilier. Il trouve un moyen de miser sur sa conviction et, envers et contre tout, remporte 700 millions pour ses clients et près de 100 pour lui. Le film The Big Short racontera cette histoire.
- Après avoir fermé son fonds et s'être fait remarquer par plusieurs alertes justes, Burry reste en retrait tout en conservant son rôle d'observateur contrarien. En 2025, il réapparaît avec un pari spectaculaire qui relance l'attention autour de lui.
- Il concentre près de 80 % de son portefeuille sur des options de vente visant Palantir et Nvidia, pour une valeur notionnelle d'environ 1,1 milliard de dollars. Un pari contre des valorisations qu'il juge déconnectées des réalités, et qui le place une nouvelle fois seul contre tous.