Le feuilleton judiciaire de Nicolas Sarkozy secoue aussi la Justice
Nicolas Sarkozy a été libéré le 10 novembre sous contrôle judiciaire. L'ancien président de la République avait passé presque trois semaines en détention à la prison de la Santé. Il avait été condamné en première instance, le 25 septembre, à cinq ans de prison ferme, avec mandat de dépôt provisoire, pour « association de malfaiteurs » dans l'affaire du supposé financement libyen de sa campagne victorieuse de 2007. Sur la base d'un « faisceau d'indices », le Tribunal correctionnel de Paris l'avait reconnu coupable d'avoir sciemment laissé ses collaborateurs démarcher l'État libyen sous Kadhafi pour solliciter un financement occulte de sa campagne présidentielle.
Ce chef d'inculpation, « association de malfaiteurs », fut un véritable coup de théâtre, car les juges avaient préalablement écarté les trois principales charges élaborées par le Parquet national financier : l'enrichissement personnel, le recel de fonds publics libyens et le financement illégal effectif de campagne présidentielle (cf. LSDJ n°2559). Nicolas Sarkozy ayant fait appel de sa condamnation, il est présumé innocent. Mais cela n'a pas empêché son incarcération consécutive à l'« exécution provisoire » prononcée lors du jugement. Ses avocats avaient aussitôt demandé sa libération.
La Cour d'appel de Paris a rendu partiellement sa liberté à l'ancien chef de l'État le 10 novembre. Elle a motivé sa décision en jugeant improbable que l'ancien président se dérobe à son procès en appel. En outre, les juges n'ont pas constaté « qu'il existerait, au stade de l'appel, un risque de dissimulation de preuve, de pressions, de concertations et de réitération qui ne puisse être contré par une mesure de contrôle judiciaire ». Bref, ils n'ont trouvé aucun des motifs de détention préventive prévus par l'article 144 du Code de procédure pénale (20 minutes, 10/11/2025).
Pour la Cour d'appel de Paris, la détention provisoire en attente de l'appel n'est donc pas justifiée. « Pourquoi, alors, l'était-elle il y a trois semaines ? » s'interroge Vincent Trémolet de Villers (Le Figaro, 10/11/2025). La Cour d'appel désavouerait-elle « l'exécution provisoire » ordonnée par le Tribunal correctionnel ? Nombre de juristes affirment que le Tribunal et la Cour ont respecté le droit à la lettre... mais estiment que la contradiction entre le jugement en première instance et l'arrêt en attente de l'appel exige une révision de la loi (cf. l'article du Club des juristes en lien ci-dessous). La balle est donc renvoyée aux députés qui avaient fait assaut de rigueur en introduisant dans la loi « l'exécution provisoire », sans trop se soucier de sa compatibilité avec la présomption d'innocence.
La Cour a assorti son arrêt de l'interdiction de quitter le territoire national et d'entrer en contact avec des autorités judiciaires en France, y compris avec le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, pour préserver « la sérénité des débats ». C'est un avertissement lancé au Garde des Sceaux, en réponse à la visite qu'il avait rendue en prison à Nicolas Sarkozy. Rémy Heitz, le procureur général près la Cour de cassation, avait estimé que cette visite « pourrait porter atteinte à l'indépendance des magistrats ».
Peu après sa sortie de prison, Nicolas Sarkozy a indiqué sur X et sur Facebook qu'il allait préparer son procès en appel, afin de prouver son innocence. « Le droit a été appliqué. Je vais maintenant préparer le procès en appel. Mon énergie n'est tendue que vers le seul but de prouver mon innocence », affirme l'ancien chef de l'État, avant de conclure : « La vérité triomphera. C'est une évidence que la vie enseigne. La fin de l'histoire reste à écrire. »
Si l'histoire n'est pas close, c'est aussi parce que d'autres procédures judiciaires visant Nicolas Sarkozy se poursuivent. Après que la Cour de cassation a confirmé, en mai dernier, sa condamnation à trois ans de prison, dont un an ferme pour corruption et trafic d'influence dans l'affaire dite « Bismuth », le condamné a saisi la Cour européenne des droits de l'homme. L'ancien président a également été condamné en 2021 à un an de prison ferme dans l'affaire Bygmalion, portant sur les dépenses excessives de sa campagne présidentielle de 2012. La peine a été confirmée, mais réduite à un an, dont six mois ferme en 2024. La décision de la Cour de cassation est attendue pour le 26 novembre prochain.
Au total, le feuilleton judiciaire auquel Nicolas Sarkozy est soumis remonte à 2007. Dix-huit ans de procédures ! Difficile de ne pas soupçonner un acharnement judiciaire rendant vraisemblable « la haine » dénoncée par l'ancien chef de l'État après sa condamnation à la prison. Nicolas Sarkozy est le troisième chef de l'État incarcéré après Louis XVI et Philippe Pétain, et le premier président de la République. C'est un pic historique dans l'affrontement séculaire entre l'autorité judiciaire et le pouvoir politique. Mais cet antagonisme a-t-il jamais servi le bien commun de la France ?
En lien ci-dessous, Didier Rebut, professeur à l'Université Paris-Panthéon-Assas et directeur de l'Institut de criminologie et de droit pénal de Paris, analyse pour Le Club des juristes le décret ordonnant la libération de Nicolas Sarkozy.
- Nicolas Sarkozy a passé presque trois semaines en détention à la prison de la Santé.
Il avait été condamné en première instance à 5 ans de prison ferme avec exécution provisoire. Nicolas Sarkozy est accusé d'« association de malfaiteurs » sur la base d'un « faisceaux d'indices » dans l'affaire du supposé financement libyen de sa campagne victorieuse de 2007.
- D'autres procédures judiciaires visent l'ancien président, déjà condamné dans l'affaire Bismuth et dans l'affaire Bygmalion. Au total le feuilleton judiciaire de Nicolas Sarkozy remonte à 2007. Dix-huit ans de procédures !
- Nicolas Sarkozy est le troisième chef de l'État incarcéré après Louis XVI et Philippe Pétain, et le premier président de la République.