
Sarkozy condamné pour « association de malfaiteurs », un jugement révolutionnaire
Coup de tonnerre judiciaire et politique ! Nicolas Sarkozy a été condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement pour « association de malfaiteurs » en vue d'un financement libyen de sa campagne électorale de 2007. Le tribunal correctionnel de Paris a assorti cette condamnation d'un mandat de dépôt différé avec exécution provisoire, ce qui signifie que l'ancien chef de l'État ira prochainement en prison. Une « mesure de sûreté » dont on ne voit pas la justification (aucun risque de fuite, de récidive ou de trouble à l'ordre public), sinon la volonté d'infliger à Sarkozy une nouvelle humiliation – la précédente étant le bracelet électronique et la suppression de la Légion d'honneur, après sa condamnation dans la rocambolesque affaire « Paul Bismuth » (cf.LSDJ n°2509). Même s'il devait être relaxé en appel, on aura vu arriver au tribunal, menotté, le premier ex-président de la République française jeté en prison. « La France est humiliée à la face du monde », déplore Alexis Brézet sur Europe 1 (26/09/2025).
Ce n'était pas la première fois que la présidente du tribunal (ne la nommons pas, puisqu'elle reçoit d'inqualifiables menaces de mort) s'intéressait à Nicolas Sarkozy, remarque le JDD (25/09/2025) : en 2011, lorsque celui-ci était chef de l'État, et elle, juge d'instruction à Nice, elle avait conduit une manifestation contre lui en tant que représentante locale de l'Union Syndicale des Magistrats. On retrouve cette magistrate en poste au tribunal correctionnel de Paris, qui avait condamné François Fillon.
Par quel procédé la 32e chambre correctionnelle de Paris a-t-elle condamné Nicolas Sarkozy ? Les juges ont écarté les trois principales charges transmises par le Parquet national financier (PNF, créé sous François Hollande après l'affaire Cahuzac) : l'enrichissement personnel, le recel de fonds publics libyens et le financement illégal de sa campagne présidentielle. « Pour le tribunal, les éléments matériels de l'infraction de corruption ne sont pas constitués », avait annoncé la présidente. Le procès semblait donc s'acheminer, sinon vers un non-lieu, du moins vers une peine symbolique, assortie de sursis. Mais c'eût été désavouer les dix ans d'enquête du PNF... sur la base d'un document publié par Mediapart en 2012. À ce sujet, le tribunal déclare : « Le plus probable est que ce document Mediapart soit un faux »... Il fallait donc trouver un nouveau chef d'inculpation : ce fut l'association de malfaiteurs, pour avoir « laissé ses proches collaborateurs agir en vue d'obtenir des soutiens financiers » de la part du régime libyen, a expliqué la présidente. « Un délit ajouté in extremis dans la procédure », rapporte Le Figaro (25/09/2025).
« Volonté d'humilier », « jugement politique », « décision insensée » : surtout chez Les Républicains (le parti fondé par Nicolas Sarkozy), « des voix s'élèvent contre le jugement », constate sur X Public Sénat. Mais ce sont généralement des condoléances peu compromettantes... « Ils ont peur », estime l'ancien magistrat et ancien député LR Georges Fenech sur Cnews (25/09/2025).
La peur n'a pas paralysé François-Xavier Bellamy. Le chef de file LR au Parlement européen a résumé en un tweet ce verdict hors norme : « Le tribunal juge qu'il n'y a eu ni corruption, ni détournement, ni financement illégal de campagne électorale. Mais Nicolas Sarkozy est condamné à cinq ans de prison – et privé d'un appel suspensif : ce traitement exceptionnel, que rien ne justifie, dit tout de ce jugement politique... S'ils croyaient tant à leur sentence, qu'est-ce que les juges avaient à craindre d'attendre une décision d'appel ? Alors que tant d'auteurs de violences graves sont chaque jour remis en liberté, les Français ne seront pas dupes sur le sens de cette décision », a commenté le député européen sur X. Marine Le Pen, elle-même frappée, le 31 mars, d'une peine d'inéligibilité de cinq ans avec exécution provisoire, a déclaré sur LCI et sur X : « La décision qui intervient pour Nicolas Sarkozy – comme celle qui me concerne – marque une rupture avec les grands principes de notre droit, et notamment, la présomption d'innocence. »
À gauche, on ne se trompe pas non plus sur le caractère politique du message envoyé par cette condamnation. Sur X, Alexis Corbière – l'ex-Insoumis brouillé avec Jean-Luc Mélenchon – s'en réjouit : « Après Chirac, cette nouvelle condamnation d'un ex-président de la République doit sonner la fin de la monarchie présidentielle, de son irresponsabilité, la fin de la Ve République. » Cependant, plusieurs personnalités classées à gauche ont le courage de dénoncer ce verdict. Notamment le journaliste Jean-Michel Apathie dans un tweet dont voici la conclusion : « [...] franchement, je ne comprends pas comment des juges ont pu rendre, au nom du peuple français, une décision aussi aberrante, inquiétante et finalement injuste. » Signalons aussi ce dessin éloquent de Plantu (ici sur X).
« Le principe général, en droit français, est qu'on ne saurait condamner une personne sur le fondement de la seule intention qu'elle aurait pu avoir de commettre une infraction », explique Bertrand Saint-Germain, docteur en droit et essayiste, interviewé par Atlantico (en lien ci-dessous).
Nicolas Sarkozy a été condamné à cinq ans d'emprisonnement pour « association de malfaiteurs ».
La « mesure de sûreté » de l'exécution provisoire consiste à l'incarcérer sans attendre l'appel.
Jamais un président de la République n'avait été emprisonné.
François Bayrou avait été relaxé dans l'affaire des assistants parlementaires de son parti, sous prétexte qu'une hypothèse ne peut pas fonder une culpabilité. Désormais, avec Nicolas Sarkozy, on constate l'inversion d'un des principes fondamentaux du droit français : la charge de la preuve incombe à l'accusé et non plus à l'accusation.