
Anne Hidalgo, la folie des grandeurs
Fluctuat nec mergitur… La devise de la ville de Paris (qui se traduit : « Il est battu par les flots, mais ne sombre pas ») semble aussi s'appliquer à celle qui occupe le poste de maire, depuis maintenant dix ans, et ne va pas tarder à le quitter. Mais flotter ne suffit pas pour éviter de faire des vagues, et la question de ses frais de représentation a été mise en lumière par l'association Transparence Citoyenne, présidée par Guillaume Leroy. Une association désormais menacée de 200 000 euros d'amende pour avoir affiché les relevés de frais municipaux, non seulement dans les rues de la ville, mais aussi sur les réseaux sociaux.
La ligne du juriste pointilleux, sur les notes de frais injustifiées et le gaspillage d'argent public, est claire : « la corruption n'a pas de camp, et la transparence n'a pas de couleur politique ». Il faut dire que, pour Anne Hidalgo, malgré son côté impavide, les soucis volent en escadrille. En effet, la chambre régionale des comptes vient de souligner, dans un rapport dévoilé le 24 septembre, que la dette de la capitale s'élève désormais à 9 milliards d'euros. Un chiffre qui souligne l'absence de maîtrise des dépenses publiques de la ville depuis 2020. Un rapport qui paraît à la veille de la campagne des municipales, au moment même où les notes de frais personnelles de la maire ont été dévoilées : près de 210 000 euros en quatre ans, dont 84 000 euros de frais de représentation (essentiellement dédiés à sa garde-robe), et 125 000 euros pour ses voyages. Des montants obtenus au terme d'une longue bataille juridique, et qui font légitimement réagir, même si Maître Klugsman, l'avocat d'Anne Hidalgo, estime que ces dépenses sont restées dans le cadre des 20 000 euros annuels autorisés. Car la question de leur légitimité est au cœur du sujet : comment justifier d'aller faire du shopping au moment même d'un conseil municipal, ou d'acheter des vêtements de différentes tailles ? À quoi bon acheter deux robes Dior à 6 320 euros au moment des Jeux Olympiques, un manteau Burberry à 3 067 euros en 2023, une blouse Dior à 1 120 euros en 2021 ou bien une veste Burberry à 1 087 euros en 2020 ? Des goûts de luxe qui font jaser pour une élue socialiste, entre autres achats moins dispendieux, mais tout aussi réguliers. Et ce alors que, dans le secteur privé, acheter la moindre tenue – de luxe ou non – sur le compte de son entreprise relèverait de l'abus de biens sociaux. « A-t-elle besoin d'un manteau Burberry pour exercer son mandat ? », enragent électeurs, salariés et entrepreneurs. « Pourquoi Mme Hidalgo se fait-elle rembourser des manteaux de luxe à 3067 euros avec l'argent de nos impôts, tandis que l'administration fiscale refuse l'inclusion d'un costume ou tailleur en frais professionnels ? », fulmine Philippe Prigent, avocat au barreau de Paris, contacté par Le Figaro.
Quant aux déplacements à l'étranger, pour un total d'environ 125 000 euros entre 2020 et 2023, ils prêtent tout autant le flanc à la polémique : ceux à New York relevaient-ils de son mandat ou de son plan de carrière futur, eu égard au poste de Haut Commissaire aux Réfugiés qu'elle vise auprès de l'ONU ? Quid de son voyage à Tahiti, prolongé de deux semaines pour rendre visite à sa fille sur place ? « Une erreur de maman », selon son entourage, qui aura coûté la bagatelle de 59 490 € (entre 40 955 € de billets d'avion et 18 545 € de frais d'hébergement et de restauration).
Ces montants qui, quand on les analyse dans le détail, semblent plus personnels que professionnels, choquent d'autant plus que les revenus de l'édile parisienne lui permettraient largement d'y faire face, au-delà d'un quotidien largement pris en charge du fait de ses fonctions. En effet, Anne Hidalgo, en tant que maire, perçoit une indemnité de fonction mensuelle brute de 9 204,23 euros, majorée du fait du statut particulier de Paris, à la fois ville, département et capitale. Hors plafonnement, cotisations sociales et prélèvements fiscaux, le montant net perçu pour cette fonction est estimé à environ 6 500 euros mensuels. À cela s'ajoute une pension civile d'environ 1 840 euros nets mensuels, Anne Hidalgo touchant sa retraite d'inspectrice du travail depuis juillet 2011, à sa demande.
Par ricochet, cette polémique sur les « somptueuses folies d'Anne Hidalgo » met en lumière une autre, indirectement, qui en revanche n'existe pas, mais devrait : dans un communiqué, la mairie de Paris s'est défendue en arguant que ces dépenses représentaient « un montant bien inférieur à celui alloué à d'autres responsables publics : 100 000 euros pour un secrétaire d'État et 150 000 euros pour un ministre ». Mais la France n'est, hélas, pas un pays où une ministre démissionne pour avoir fait usage de l'argent public à des fins personnelles...
- Le montant des notes de frais d'Anne Hidalgo fait scandale.
- Au-delà des montants, on peut aussi largement douter de leur légitimité.
- En France, les montants alloués à un secrétaire d'État et à un ministre pour leurs frais de représentation sont respectivement de 100000 et de 150000 euros annuels.