
Cette France qui ne dort plus
Le 22 juillet 2025, au ministère de la Santé, l'heure n'est pas à somnoler sur ses dossiers. Le grand plan Sommeil 2025-2026 est présenté à la presse avec une urgence : comment faire dormir les Français ? Car les chiffres sont alarmants.
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En 50 ans, nous avons perdu 1 h 30 de sommeil en moyenne. C'est énorme. Cela équivaut à une nuit blanche par semaine.
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Les Français dorment en moyenne 7 h par nuit et un Français sur 5 dort moins de 6 h par nuit.
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Un Français sur deux ressent du stress qui impacte son sommeil.
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Ce mal du sommeil touche aussi les plus jeunes. 30 % des enfants et 70 % des adolescents manquent de sommeil.
Dormir, c'est d'abord une affaire de chimie et d'hormones. Les deux hormones connues qui influencent notre cycle de sommeil sont le cortisol le matin et la mélatonine le soir. Le cortisol d'abord. C'est l'hormone du stress, mais c'est surtout celle qui dit à notre corps : « Réveille-toi et mets-toi en activité ». Si l'on sort le matin et que l'on s'expose tôt à la lumière naturelle, on booste notre production de cortisol et c'est une bonne chose. Car, quand on est bien éveillé dans la journée, on sera davantage disposé, le soir, à sécréter de la mélatonine, cette hormone qui dit à notre corps : « Endors-toi ! ».
Voilà pour le mécanisme, mais la question reste entière : pourquoi dormons-nous si mal ? Les spécialistes s'accordent sur plusieurs choses. D'abord, il y a une part de génétique : certains d'entre nous sont petits dormeurs, d'autres de gros dormeurs, certains ont un très bon sommeil, d'autres pas. Ensuite, notre sommeil s'est détérioré depuis la période Covid et les confinements. Le fait de ne plus sortir de chez nous, d'avoir moins – voire plus du tout – de lien social, nous a rendus mauvais dormeurs. Enfin, les écrans « flinguent » littéralement notre horloge biologique, en mettant notre cerveau en mode ON quand il devrait être en OFF : ils stimulent la sécrétion de cortisol le soir, alors qu'il serait l'heure de produire de la mélatonine. Résultat : on dort moins pendant la semaine – les spécialistes appellent cela le jetlag social – et on se rattrape le week-end. Très mauvais calcul, car le rythme est durablement perturbé.
Parmi les troubles du sommeil, on pense en premier à l'insomnie, qui consiste à dormir très peu alors même que l'on est épuisé. Le « philosophe » Bernard-Henry Lévy en souffre au point d'en avoir fait un livre – Nuit blanche, chez Grasset – où il raconte son impuissance à « lâcher prise ». Il déclare sur le plateau de CNews : « C'est une maladie épouvantable : ne pas savoir retirer la prise du cerveau. »
Et il n'y a pas que l'insomnie. Plus rare, mais très invalidante : la narcolepsie concerne 30 000 personnes en France. La personne qui en souffre est somnolente en permanence, alors même qu'elle n'est pas vraiment fatiguée. Elle peut s'endormir de façon soudaine, plusieurs fois et n'importe où : dans les transports, à table, en pleine conversation.
L'apnée du sommeil, elle, touche souvent les hommes d'un certain âge et d'un certain poids. Monsieur ronfle comme un sonneur la nuit ? Il fait peut-être ces apnées qui sont des pauses respiratoires involontaires, parfois longues et aux conséquences délétères. Car, quand, pendant de longues secondes, la personne ne respire plus, elle dort moins bien, le sommeil n'est plus réparateur, le risque de troubles cardiaques et de diabète est augmenté. Le témoignage de Bruno, 42 ans (à 5 min 50 dans ce reportage), est éloquent : à cause de son apnée du sommeil, il ne peut plus ni travailler ni même conduire une voiture à cause des risques de somnolence.
Que ce soit une maladie du « pas assez » ou du « trop » dormir, les effets sur la santé sont constatés. Les personnes qui dorment plus de 9 heures ou moins de 7 heures par nuit meurent plus tôt que les autres. Les risques sont augmentés pour le diabète, la santé cardiovasculaire et aussi la santé mentale. Comme l'explique très bien le Pr Pierre Philip dans cette vidéo d'Hugo Décrypte, la recherche a avancé sur cette question du lien avec la santé mentale : avant, on pensait que c'était la dépression qui provoquait un mauvais sommeil (et cela reste sûrement vrai), mais désormais on sait aussi qu'un mauvais sommeil est une cause réelle et suffisante pour engendrer un état dépressif. Et le Pr Pierre Philipe d'ajouter de précieux conseils pour mieux dormir. Le premier, c'est finalement avoir conscience qu'un bon sommeil n'est pas juste une affaire de durée, mais aussi de qualité – contrairement à nos apnéistes du sommeil qui dorment beaucoup, mais mal. C'est enfin une question de régularité : idéalement, on devrait se lever et se coucher toute la semaine à la même heure, week-end compris. Vous voulez faire une grasse matinée le week-end ? Soit, mais en dormant une heure de plus, pas deux, au risque d'abîmer cette régularité.
Pour finir, il serait peut-être temps de se réconcilier avec le sommeil. Nous sommes trop nombreux à penser que dormir, c'est perdre son temps. Le sommeil est la base de la santé, au même titre qu'une alimentation saine et que l'exercice physique.
- En 50 ans, les Français ont perdu 1h30 de sommeil
- Parmi les maladies du sommeil, l'insomnie reste la plus répandue et toucherait 15 à 20% de la population.
- Dormir trop est aussi délétère pour la santé que dormir peu. Pour un adulte, le temps de sommeil doit être entre 7 et 9 heures.
- Cortisol et mélatonine sont les deux hormones qui régulent nos temps d'éveil et de sommeil.