Octobre, un mois pas tout rose
Une femme qui est revenue d'un cancer du sein a souvent dans le regard cette petite flamme qui dit : « J'en ai vu d'autres, j'ai combattu le crabe – c'est ainsi qu'elles appellent le cancer du sein –, et désormais je me concentre sur l'essentiel. » Car on ressort forcément différente de cette maladie qui touche une femme sur 8.
Le cancer du sein est la deuxième cause de décès chez la femme en France, juste derrière les maladies cardio-vasculaires. En 2023, on compte 61 214 nouveaux cas en France métropolitaine, d'après les chiffres de l'Institut national du Cancer. Mais surtout, ce chiffre est en augmentation. Il a presque doublé entre 1990 et 2018. La bonne nouvelle est que la mortalité, elle, baisse. Entre 2012 et 2022, le nombre de décès a baissé de 1,2 % par an, même si, en 2022, 12 757 femmes sont mortes d'un cancer du sein.
La prévention et le diagnostic précoce par mammographie sont présentés comme le moyen le plus sûr pour survivre à un cancer du sein, assurant un taux de survie de 88 %, 5 ans après le diagnostic. En effet, plus un cancer est détecté tôt, et meilleures seront les chances pour la patiente. Les recommandations officielles de prévention sont : sauf cas particulier, une femme est invitée à faire une consultation annuelle à partir de 25 ans. Dans cette consultation, un examen par palpation manuelle est pratiqué par un médecin généraliste, un gynécologue ou une sage-femme. En plus de cet examen annuel, une mammographie est recommandée tous les deux ans à partir de 50 ans et jusqu'à 74 ans. Une fenêtre de tir ajustée, quand on sait que l'âge médian au moment du diagnostic est de 64 ans. Ce message de prévention est au cœur du dispositif Octobre Rose.
Communication archi-rôdée, cause importante, sujet consensuel : Octobre Rose a tout pour être une réussite totale, et, pourtant, des voix s'élèvent régulièrement pour questionner cet événement. Voici les principales critiques que l'on peut entendre ou lire.
· Le message ne passe pas si bien que ça : une femme sur deux ne fait pas sa mammographie de dépistage organisé. Comme le déplore ici Santé Publique France, le taux de participation serait encore trop bas. De 44,8 % en 2022, il est passé à 48,2 % en 2023. Pour quelles raisons ? Entre oubli, peur d'apprendre une mauvaise nouvelle ou crainte d'avoir mal pendant l'examen, il faut croire que les messages d'Octobre Rose n'ont pas rassuré tout le monde.
· L'injonction à être belle et résiliente face au cancer n'est pas toujours bien reçue. Comme l'explique Lucie dans cet article du média Madmoizelle : « J'ai été confrontée à cette nécessité de conserver sa féminité et rester belle à grand renfort de perruques et franges nouvelle génération, bonnets et turbans, crèmes hydratantes et gel douche hors de prix, vernis protecteurs colorés et maquillage semi-permanent. »
· Octobre Rose serait une formidable opération de pink washing. Comme l'explique le docteur Jean Doubovetzky dans son blog Anti-Dr Knock, « cette opération de communication a été importée en France en 1994 par le groupe Estée Lauder et le magazine Marie Claire, dans le but d'améliorer leur image de marque à des fins commerciales. On peut donc soupçonner que le "pink washing" n'est pas accidentel, mais constitutif d'Octobre rose. » Un pink washing à grand renfort de sororité et de petits rubans roses, un peu comme le green washing dans lequel se drapent certaines grandes entreprises pour mieux polluer par derrière ? Là encore, cette critique revient régulièrement.
· La mammographie est trop systématique ! Le collectif Cancer Rose (dont fait partie notre Anti-Dr Knock précédemment cité) jette régulièrement ce pavé dans la mare : à trop faire de dépistages systématiques, on en vient à repérer des petits cancers qui auraient disparu d'eux-mêmes. « Les femmes ignorent souvent que les petits cancers détectés à la mammographie et confirmés par les biopsies disparaissent souvent sans traitement ou n'évoluent jamais. » comme on peut l'entendre dans ce podcast santé de France Inter. Pourquoi est-ce un potentiel problème ? Parce que ces traitements restent une véritable épreuve pour la femme qui les traverse.
· Enfin, dernier reproche que l'on doit au bien nommé collectif Cancer Colère : Octobre Rose est trop bisounours ! Les discours rose bonbon ne s'attaquent pas au fond du problème, que sont l'exposition aux pesticides et les inégalités sociales. Comme on peut le lire sur leur page Instagram : « La lutte contre le cancer se limite au dépistage (encore très insuffisant) et au traitement. Rien n'est fait pour combattre les causes. L'État doit prendre ses responsabilités et proposer une politique de santé publique qui nous protège tous et toutes. » Le lien entre pesticides et cancer du sein est-il avéré ? « Actuellement en Europe, certains pesticides, utilisés en grandes quantités dans l'agriculture, sont suspectés d'effets délétères sur la santé humaine reproductive, et pourraient avoir un rôle notamment dans la survenue de cancers du sein et de la prostate », semble dire cet article de l'Inserm publié en 2021.
- Une femme sur 8 est ou sera touchée par le cancer du sein.
- La consommation d'alcool et de tabac restent deux facteurs majeurs favorisant ce cancer.
- La mammographie est l'examen de référence pour dépister un cancer du sein.
- Malgré un indéniable succès, la campagne annuelle Octobre Rose cache des failles dans notre système de santé.