Heure d'été ou heure d'hiver : le débat sans fin
Tout avait si bien commencé. En 2019, les États membres de l'Union européenne votaient pour la suppression du changement d'heure saisonnier. Avec la possibilité pour chaque état de choisir son heure définitive. Dans la foulée, en France, une consultation publique posait cette question à qui voulait bien y répondre : « Êtes-vous pour ou contre le changement d'heure ? » Les personnes sondées étaient aussi invitées à donner leur préférence entre l'heure d'été et l'heure d'hiver. Verdict : plus de deux millions de participants, une écrasante majorité de ras-le-bol face au changement d'heure (84 %) et une victoire par KO de l'heure d'été (59 %) contre l'heure d'hiver (37 %). Est-ce à dire que – pour une fois dans ce pays – tout le monde était d'accord et que les jeux sont faits ? Absolument pas.
Mais d'abord, revenons 50 ans en arrière, à l'origine du débat. La France de Valéry Giscard d'Estaing sort brutalement des Trente Glorieuses, le choc pétrolier de 1973 rend chère une denrée dont on ne peut plus se passer : l'énergie. Les prix s'envolent et toute économie est bonne à prendre. Même quelques bouts de chandelles. On ressort alors une idée datant de 1784, dont le père est Benjamin Franklin : décaler l'heure en été afin de profiter de l'ensoleillement. Benjamin Franklin écrit en son temps : « L'épargne de cette somme qui se dépense en bougies et chandelles n'est pas le seul avantage de mon économique projet ». Deux cents ans plus tard, les kilowattheures ont remplacé les bougies, mais l'idée reste la même. Comme l'explique cet article de Sciences et Avenir, Giscard reprend en 1976 l'idée de prolonger la journée officielle pour profiter de la lumière naturelle. Si, à l'époque, l'argument pouvait s'entendre, aujourd'hui, le gain ne serait plus aussi évident. Les ampoules basse consommation LED ont réduit de 80 à 85 % notre dépense d'énergie pour nous éclairer. D'où la remise en cause de l'Europe en 2019. Mais depuis, la crise du Covid est passée par-là, les décisions patinent et la situation semble complètement enlisée.
Faut-il persévérer et arrêter le changement d'heure saisonnier ? Aujourd'hui, le débat se déplace du terrain économique à celui de la santé… et plus personne n'est d'accord. D'un côté, le grand public est – comme on l'a vu – majoritairement pour l'heure d'été. Face à eux, la communauté scientifique plaide pour l'heure d'hiver, plus proche de nos rythmes naturels. En effet, l'heure d'hiver est décalée d'une heure par rapport à l'heure naturelle, quand l'heure d'été est décalée de deux. En restant tout le temps à l'heure d'été, les journées sont effectivement plus longues le soir, mais commenceraient plus tard le matin, et c'est bien le problème.
Pour exemple, le 21 décembre 2025, nous serons en heure d'hiver. Le soleil va se lever à 8 h 41, sachant qu'il faudra encore quelques longues minutes pour que la lumière fasse véritablement son apparition. Si l'on restait toujours en heure d'été, le soleil se lèverait à 9 h 41. Autrement dit, il ferait véritablement jour vers 10 h du matin, une heure où bon nombre d'entre nous avons commencé à travailler. Étant enfermés dans nos bureaux, écoles et autres, notre premier contact avec la vraie lumière naturelle se ferait dans le meilleur des cas à l'heure du déjeuner, donc beaucoup trop tard. Pourquoi est-ce si important ? Pour avoir un sommeil de qualité, l'exposition à la lumière naturelle est essentielle. C'est elle qui régit notre horloge biologique. Plus tôt cette exposition survient dans la journée, et meilleur sera, le soir, notre endormissement. Les médecins recommandent de s'exposer à la lumière naturelle au moins trois fois dans une journée : une fois le matin, une fois à la mi-journée et une fois dans l'après-midi.
Les troubles du sommeil sont un enjeu de santé publique dans notre pays, on l'a vu dans cet article de La Sélection du Jour. Parmi ces troubles du sommeil, les problèmes d'endormissement sont légion, et reculer l'heure du coucher n'arrangerait certainement pas les choses, surtout pour les personnes les plus vulnérables que sont les enfants, les personnes âgées, les adolescents et les travailleurs de nuit. Mais que l'on se rassure pour cette fois : le passage à l'heure d'hiver est plus doux pour notre santé que le passage à l'heure d'été. On peut lire sur le site de l'Inserm : « Selon l'avis des spécialistes, comme le neurobiologiste et chercheur Inserm Claude Gronfier, Président de la Société française de Chronobiologie, et la neurobiologiste et chercheuse Inserm Armelle Rancillac, le passage à l'heure d'été serait plus compliqué à gérer pour l'organisme que le passage à l'heure d'hiver, compte tenu de la perte d'une heure de sommeil, et qu'il est généralement plus difficile d'avancer son l'horloge biologique d'une heure, que de la reculer. » Bon passage à l'heure d'hiver, et souvenez-vous : à 3 h du matin, il sera en fait 2h.
- L'heure d'hiver est plus proche de l'heure naturelle que l'heure d'été.
- 59 % des Français restent néanmoins favorables à l'heure d'été.
- Le temps pour que notre corps s'habitue à un changement d'heure saisonnier est entre un jour et une semaine, selon les personnes.
- Quand on s'expose à la lumière naturelle, il est conseillé de ne pas porter de lunettes de soleil, sauf cas particulier comme le fait d'être en haute montagne.