Le 10 octobre 2025, Léon XIV rappelait fermement la liberté religieuse, à l'occasion des 75 ans de l'œuvre pontificale AED (Aide à l'Église en détresse) : « Il ne peut y avoir de paix sans liberté religieuse. La liberté religieuse ne dépend pas des gouvernements ni des circonstances politiques : elle est un droit intrinsèque, enraciné dans la nature même de l'homme. » Dans le même temps, la SNCF et la RATP interdisaient en France une campagne d'affichage pour la sortie du film « Sacré Cœur », invoquant le « caractère confessionnel et prosélyte » du projet, « incompatible avec le principe de neutralité du service public ».

Un contraste notoire qui nous interroge sur la laïcité en France. Le PDG de SAJE Distribution, Hubert de Torcy, déplore un excès de zèle. « Le sujet du film relève de l'histoire de France et de la culture française ». Il poursuit : « Qui a décidé à un moment de la définition de la laïcité ? Nous nous sommes trop habitués à être censurés, c'est peut-être la première leçon que je retiens. Le deuxième enseignement. Un nombre grandissant de personnes ont un ras-le-bol de cette vision étriquée de la laïcité. Sur les plateaux d'Hanouna, ou de Morandini, nous avons pu échanger sur cet état de fait. » Effectivement, pour des plus anciens, nous avons eu régulièrement des affiches de Jésus-Christ dans le métro et les espaces publics. Rappelons-nous, par exemple, les spectacles de Robert Hossein ou la comédie musicale « Les dix commandements ».

Hubert de Torcy s'étonne encore du caractère « prosélyte » qui est reproché, au nom de la laïcité. « En quoi est-elle tout simplement prosélyte ? Sur le mot prosélyte, personne ne prend la peine de le définir. Je dirais que toute publicité est prosélyte. Dans ces cas-là, mon affiche, effectivement, est prosélyte, puisqu'elle fait la publicité de quelque chose, mais tout comme ces affiches dans le métro qui font la promotion de l'infidélité (sites de rencontre ou de sextoys), ou encore de films ésotériques ou d'horreurs. Je dirais que le seul prosélytisme en vigueur, c'est le prosélytisme de la pensée laïque qui bâillonne toute expression religieuse, alors qu'il y a une soif en fait de plus en plus manifeste. »

La laïcité « exclusive » n'est-elle pas une démarche qui veut réviser l'histoire ? À force de prôner la neutralité, nous risquons d'assister à un phénomène de nettoyage systématique, dont le résultat n'est pas moins que l'anéantissement de l'intelligence et du cœur, l'affaiblissement de la conscience, et la disparition de la question du Bien et du Bien commun. Le phénomène s'amplifie, et gagne même l'île de Beauté, jusque-là reconnue pour son attachement à sa foi et à ses traditions populaires. Le vendredi 10 octobre, le tribunal administratif de Bastia a ordonné le retrait de la croix de Quasquara, érigée en novembre 2022 à l'entrée du village. Cette décision, inédite en Corse, illustre la dérive d'une laïcité devenue instrument d'effacement des racines chrétiennes du pays.
« Pourtant, on le voit bien quand on a des films français, on a de bien meilleurs résultats : c'est ‘Vaincre ou mourir' qui a fait 315 000 entrées », rappelle le patron de SAJE. « Sacré Cœur reprend quelques éléments de l'histoire de la France, de la dévotion au Sacré-Cœur, avec de nombreux témoignages bouleversants à travers le monde », ajoute Steven Gunnell, le réalisateur. Le film est sorti sur les écrans le mercredi 1er octobre, jour de la fête de Ste Thérèse de Lisieux, patronne secondaire de la France, et des missions, coup du sort ou de la providence, certains diront.

« Le monde crève de ne pas se savoir aimé », nous disent encore Steven et Sabrina Gunnell, convertis et consacrés au Sacré-Cœur en 2023. Très vite, l'interdiction de l'affichage dans des lieux publics excite la curiosité, et provoque à l'inverse un engouement fort. Le succès du film « Sacré Cœur », diffusé en France depuis le 1er octobre, se confirme avec 170 000 entrées dans plus de 400 salles au dernier décompte. Un record pour ce film au petit budget ayant démarré avec 155 salles.

Que penser finalement de cet épisode ? Le film s'inscrit parfaitement dans l'histoire de notre pays, avec en particulier les apparitions du Sacré-Cœur à Ste Marguerite-Marie, au monastère de Paray-le-Monial, et dont on a fêté les 350 ans. Le jubilé s'est terminé le 29 juin par le renouvellement de la consécration de la France aux Cœurs de Jésus et Marie, faisant écho au message de Ste Marguerite-Marie au roi Louis XIV, et au vote du 24 juillet 1873 décidant de la construction de la basilique de Montmartre. Une laïcité qui se refuse à reprendre l'histoire de son pays risque de basculer dans l'idéologie ou le nihilisme. Dans le film, il nous est raconté l'histoire d'Alicia Beauvisage, née au Salvador, convertie au christianisme au lendemain de la mort de Jean-Paul II, alors qu'elle tombe sur un petit reliquaire de Ste Marguerite-Marie dans une brocante. Elle aura l'audace plus tard, le 6 septembre 2006, de porter les reliques de la sainte au parlement salvadorien, témoignage puissant qui nous fait entrevoir qu'il est possible de penser la laïcité autrement.