Chine : forage au centre de la Terre
Il n'y a pas qu'en archéologie que les réponses se trouvent sous nos pieds, ou sous les flots. La China National Petroleum Corporation a réalisé cette année, dans le désert de Taklimakan (nord-ouest de la Chine), un forage vertical de près de 11 000 mètres de profondeur. Objectif : une meilleure compréhension géologique des profondeurs de notre planète. Un forage extrême, tant en matière de pression que de température, débuté en mai 2024 et achevé en février 2025, qui sera finalement parvenu à atteindre une profondeur de 10 910 mètres. Les scientifiques sont-ils parvenus à découvrir l'Agartha, la mythique terre creuse, digne des romans d'anticipation d'Edgar Rice Burroughs ? Leurs découvertes pourraient, du moins peut-on l'espérer, transformer notre connaissance de l'intérieur de notre planète.
En atteignant une telle profondeur, ce puits, baptisé Shenditake 1, aura traversé dix strates continentales avant d'atteindre le système Crétacé. Pour y parvenir, la foreuse, pesant plus de 2 000 tonnes, a dû être en mesure de résister à des températures de 200° C et à des pressions 1 300 fois supérieures à celles de la surface. Des contraintes dignes des héros du blockbuster Armageddon, chargés de forer la surface d'une météorite en plein espace… Au total, ce forage automatisé de pointe aura pris 580 jours, dont 300 pour les 900 derniers mètres. À l'heure où la guerre économique pour l'accès aux terres rares reprend entre États-Unis et Chine, la Chine va ainsi bien au-delà de la seule exploitation des réserves de gaz et de pétrole du bassin du Tarim. Outre qu'elle permet d'approfondir les connaissances sur les changements climatiques de jadis et sur les mouvements des plaques tectoniques pour améliorer la prévision des séismes, une telle cartographie souterraine vise surtout, en réalité, à découvrir de nouveaux gisements de ressources. Aujourd'hui, le champ de forage de Tarim compterait 191 puits de plus de 8 000 mètres et a déjà produit 20,47 millions de tonnes de pétrole et de gaz ultra-profonds par an. De quoi en faire la plus grande base de production de pétrole et de gaz ultra-profonds du pays. À environ 10 000 mètres sous terre, ce forage aura permis de découvrir du gaz naturel en ultra-profondeur, entre 10 851 et 10 910 mètres, première découverte mondiale de ce genre à plus de 10 000 mètres de profondeur.
Pour autant, ce puits vertical n'est pas le plus profond jamais creusé. Un précédent, abandonné depuis longtemps, existe également en Russie, dans le cadre d'un vaste projet scientifique mené sur différents sites, afin d'inspecter les couches les plus profondes de la Terre. Surnommé « le puits de l'enfer », le forage de Kola a été patiemment réalisé entre 1978 et 1990. D'une largeur de seulement 23 cm et d'une profondeur de 12 226 m, son emplacement a été choisi avec précision dans la partie supérieure du Bouclier de la Baltique. Ce substrat rocheux est l'un des socles les plus anciens de la Terre, composé de granites et de minéraux projetés des profondeurs il y a environ trois milliards d'années. Ce forage a été abandonné et condamné, suite à une explosion d'origine inconnue dans le puits en 1995. Mais les légendes les plus étranges circulent à son sujet. Ce forage aura en tout cas permis de constater qu'au-delà de 4 km de profondeur, la température augmente de manière spectaculaire, pour finalement atteindre plus de 220° C à 12 km de profondeur.
La nouvelle initiative de forage chinoise, elle, n'est pas seulement à visée scientifique. Elle s'inscrit plus largement dans le cadre d'une stratégie technologique globale sur tous les fronts : non content de tendre à l'exploitation d'une source d'énergie propre et inépuisable en créant un réacteur de fusion nucléaire « soleil artificiel », l'empire du Milieu vise à explorer à la fois l'espace et la croûte terrestre, à aller tant au plus profond qu'au plus haut. De quoi contribuer à faire de la Chine, et telle est son intention, le nouveau leader quant à l'exploration de la Terre et à la recherche de ressources énergétiques nouvelles et durables.
- Le forage dans le désert de Taklimakan, en Chine, a atteint 10 910 mètres de profondeur.
- Au-delà des objectifs scientifiques, il vise surtout à découvrir de nouveaux gisements en ultra-profondeur.
- Mais le forage russe de Kola, en Russie, reste le plus profond au monde.