Le Japon de retour, une dame de fer à sa tête
À Tokyo, la demi-soeur de la Tour Eiffel était illuminée de bleu, de blanc et de rouge, en cette fin de mois d'octobre. Mais c'était pour rendre hommage au président américain Donald Trump, venu rencontrer celle qui vient de prendre ses fonctions de Premier ministre du Japon – le 21 octobre 2025 –, Sanae Takaichi.
Le symbole que représente cette première femme à la tête du Japon est fort, même si sa nomination déplait à une part des féministes. Pourtant, selon un sondage récent, trois Japonais sur quatre considèrent que son ascension à la tête de l'État « aide à promouvoir le statut des femmes », et 64 % des Japonais soutiennent ce nouveau gouvernement. Sur place, aux antipodes de ce qui peut se lire en Europe, on explique que le soutien à ses positions politiques est en fait encore plus fort au sein de la jeune génération japonaise. Les marchés financiers, eux, ont en tout cas apprécié sa nomination.
Globalement, la majeure partie des idées qu'elle prône font, de cette fidèle de l'ancien Premier ministre Shinzo Abe, assassiné en juillet 2022, une représentante classique de la droite japonaise. Et ce, bien que certaines de ses prises de position marquent la montée en puissance d'une ligne plus dure. Pour prendre la tête du PLD, le Parti Libéral Démocrate, qui domine le paysage politique nippon depuis 70 ans, elle qui n'est issue ni de Tokyo ni d'une lignée politique, aura dû battre Shinjiro Koizumi (44 ans), fils de l'ancien Premier ministre Junichiro Koizumi. Âgée de 64 ans, déjà députée en 1993, elle ne cache pas puiser son inspiration dans le parcours de Margaret Thatcher – malgré l'impopularité croissante du PLD, notamment en raison d'un scandale financier, provoquant ces derniers mois la perte de sa majorité dans les deux chambres du Parlement. Sanae Takaichi aura donc dû former une alliance avec le Parti japonais pour l'innovation (Ishin), formation réformatrice de centre droit. « C'est une coalition beaucoup plus logique que la précédente, lorsque le PLD partageait le pouvoir avec un parti bouddhiste, pacifiste et plutôt bienveillant envers les étrangers », observe un lobbyiste étranger.
La visite du président américain était un test diplomatique majeur, alors qu'elle n'était en fonction que depuis une semaine. Cette réception lui aura permis d'annoncer un « nouvel âge d'or pour l'alliance entre les deux pays ». « Tout ce que je peux faire pour aider le Japon, nous le ferons », a déclaré le locataire de la Maison Blanche. « Nous sommes un allié au niveau le plus fort. » Une rencontre qui se sera soldée par la promesse de 550 milliards de dollars d'investissements japonais aux États-Unis, des marchandises importées du Japon taxées à hauteur de 15 %, et un accord garantissant l'approvisionnement américain en minéraux critiques et en terres rares.
Signal clair envoyé quant à l'importance du sujet : le Japon se dote pour la première fois d'un ministère dédié à l'immigration. Un poste confié par Sanae Takaichi à Kimi Onoda, son ancienne directrice de campagne, par ailleurs en charge de la Sécurité économique, née aux États-Unis d'un père américain et d'une mère japonaise. Selon Kyodo News, il s'agit d'une tour de contrôle interministérielle chargée de « répondre aux préoccupations liées à l'augmentation du nombre des étrangers ». Sa mission officielle : promouvoir une « société de coexistence ordonnée avec les étrangers ». Le sujet est crucial dans un pays où près de 30 % de la population a plus de 65 ans, et où la réduction de la population active oblige à faire entrer 300 000 travailleurs étrangers par an. Un défi complexe : comment ne pas « ouvrir les vannes » tout en protégeant l'identité japonaise ? Les acquisitions de terres ou de biens immobiliers par des étrangers feront l'objet d'un contrôle accru, tandis que le fonctionnement des visas de long séjour va être revu. La philosophie est claire : accueillir ceux qui respectent les règles, sanctionner ceux qui ne s'y conforment pas.
À peine au pouvoir, Sanae Takaichi inquiète déjà la Chine. Le quotidien chinois Jiefang Ribao parle ainsi d'elle comme « niant ouvertement le massacre de Nankin. Elle prône un amendement à la Constitution pacifiste du Japon, ouvrant la voie à une augmentation substantielle des dépenses militaires et à une expansion de sa puissance militaire. » Il faut dire que ses prises de position claires sur la question de Taïwan ont tout pour déplaire, face aux ambitions expansionnistes de la Chine. En avril dernier, lors de sa rencontre à Taïpei avec le président taïwanais, elle avait en effet souligné que « défendre Taïwan revient à défendre le monde libre ». « Si Taïwan tombe, le Japon perdra la paix. Ce n'est pas une question de distance géographique, mais une question de survie. » Le Japon, où environ 60 000 militaires américains sont stationnés, dépend largement des États-Unis pour sa sécurité. Il devrait accélérer ses dépenses militaires, et viser un objectif de 2 % du PIB pour les dépenses militaires en mars prochain. Le pays s'était déjà engagé, à acquérir des capacités de contre-attaque, notamment des missiles de croisière Tomahawk auprès des États-Unis.
- Pour la première fois, une femme dirige le Japon.
- Sanae Takaichi est la digne héritière de Shinzo Abe, assassiné en 2022.
- Elle représente la ligne politique de la droite japonaise classique.
- Ses positions, notamment sur l'immigration, sont largement soutenues dans le pays.