Culture

Tatouage : la foi à fleur de peau

Par Judikael Hirel. Synthèse n°2622, Publiée le 11/12/2025 - Photo : Mikael de Poissy, le tatoueur français connu dans le monde entier pour son art du tatouage vitrail. Crédits : Mikael de Poissy.
Une autre façon d'afficher sa foi : le tatouage à motif religieux. En la matière, l'artiste français Mikael de Poissy est le maître incontesté du tatouage vitrail, à mi-chemin entre imagerie religieuse, iconographie médiévale et art japonais.

Le tatouage n'a pas qu'un visage. Jadis, ne servait-il pas aux pèlerins à prouver qu'ils avaient bien atteint leur but ? Un acte de foi d'ailleurs rappelé par un salon baptisé Encre sacrée, né en septembre 2024 au Mont-Saint-Michel. Un événement célébrant le lien entre tatouage et tradition spirituelle, réunissant les maîtres en la matière autour du tatouage religieux. Dont un féru d'histoire, Mikael de Poissy, qui s'est récemment rendu à Jérusalem pour tatouer des pèlerins. Car, au-delà du phénomène du tatouage dans la société en général, la foi s'invite également de plus en plus sur la peau. Des vitraux, « des tatouages du Christ, de la Vierge Marie ou encore du Sacré-Cœur, les demandes de symboles chrétiens sont en hausse », notait déjà le quotidien La Croix en 2023. « Les demandes de symboles chrétiens sont en hausse. Face à la sécularisation et à la disparition de la religion chrétienne dans l'espace public, la peau devient un nouveau lieu où inscrire et affirmer sa foi. » En soi, le phénomène n'est pas nouveau : à Jérusalem, le tatoueur Wassim Razzouk représente la 27e génération à perpétuer la tradition, à deux pas du Saint-Sépulcre…

Comment ne pas penser, en voyant ces œuvres d'art à fleur de peau, à l'imposant tatouage de Saint-Michel Archange dans le dos de Monte-Cristo, incarné sur grand écran par Pierre Niney ? Fort d'une trentaine d'années d'expérience, Mikael de Poissy vient de publier un ouvrage sur l'histoire du tatouage en France de 1700 à 1960. Celui qui est parfois surnommé « le Michel-Ange des tatoueurs » collectionne et répertorie toute l'histoire de son art, du 18e siècle à nos jours. Une initiative qui a même pris la forme d'un musée virtuel en ligne. « L'histoire du tatouage français ?! Mais qui connaît son histoire ? », interroge-t-il. « Je veux dire son histoire longue, à travers les âges et les siècles ? Qui s'est réellement et doctement penché sur ce vaste sujet qui relève de multiples sciences sociales, à la fois de l'anthropologie, de l'ethnologie, des œuvres de l'art humain, de l'art premier, de la criminologie et enfin de la mode ? Un art, pictural et primitif, venu du plus profond des âges, bien avant que l'homme ne sache écrire. »

Pour autant, après l'explosion de ces dernières décennies, la tendance semble marquer le pas. En 2023, un Français sur cinq est tatoué, contre un sur dix au début des années 2000. Mais ils sont également de plus en plus nombreux à se faire détatouer, en partie à cause des risques pour la santé (cf. LSDJ n°2505). Spécialisé dans le tatouage vitrail, religieux et médiéval, celui qui a récemment reçu en 2013 la médaille vermeille de l'Académie Arts-Sciences-Lettres s'est pour sa part taillé une réputation mondiale. Il peut passer plus d'une année à peaufiner l'une de ses créations sur le dos d'un client. « Dans son atelier des Yvelines, Américains, Japonais, Mexicains viennent se faire graver sur la peau un peu du patrimoine français », le prix d'une seule séance peut représenter plusieurs centaines d'euros… Lui qui estime avoir créé une demande qui n'existait pas a commencé par de simples dessins au style médiéval, avant de se tourner vers des modèles de plus en plus imposants et fidèles aux personnages historiques. Sa formation de photographe lui aura aiguisé le regard, mais c'est sa rencontre à l'âge de 16 ans avec le tatoueur londonien Dennis Cockell qui fera office de déclencheur de sa vocation, puis sa visite chez Marcel, célèbre tatoueur parisien des années 1990. « Quand je disais que j'étais tatoueur, c'était comme si je disais que j'étais cracheur de feu », se souvient-il. Aujourd'hui, il « habille le corps de ses clients avec des scènes médiévales colorées et parfois surréalistes », mélangeant « l'iconographie médiévale et l'art japonais traditionnel pour aboutir à un style audacieux. » En 2010, son triptyque de dos tatoués posera sa renommée mondiale. Vu la beauté et la complexité de ses tatouages façon vitrail, elle n'est pas retombée depuis. « Je me rends compte qu'en France, on possède 98 % du patrimoine mondial du vitrail. Je me dis que c'est ça qu'il fallait que je fasse. »

À retenir
  • Le tatouage religieux, une autre façon d'afficher sa foi.
  • Le phénomène remonte aux pèlerins du Moyen Âge.
  • Mikael de Poissy est le spécialiste du tatouage vitrail.
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