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Victoire électorale de Javier Milei grâce au soutien du peuple argentin et du parrain américain

Par Ludovic Lavaucelle. Synthèse n°2589, Publiée le 03/11/2025 - Photo : Javier Milei sur scène à Washington, le 24 février 2024. Crédits : Shutterstock (photo de Lev Radin).
Contredisant les pronostics, Javier Milei a remporté, le 26 octobre, une grande victoire aux élections législatives. Son parti double le nombre de ses sièges au Congrès. Le peuple argentin a donc plébiscité sa politique, malgré les sacrifices consentis. L'autre vainqueur est Donald Trump, qui encourage le virage ultra-libéral argentin, alors qu'il a remis à l'honneur le protectionisme dans son pays.

Les grands médias européens prédisaient le désaveu, le « retour à la raison » d'un peuple argentin rejetant le programme proposé par l'excentrique Javier Milei. Son arrivée au pouvoir, en décembre 2023, avait déjà choqué de nombreux observateurs, qui y ont vu la progression du « populisme », à l'image de l'élection de Donald Trump aux États-Unis. Ces élections de mi-mandat – le 26 octobre dernier – visaient le renouvellement du corps législatif, le Congrès argentin. Loin d'être sanctionné, Javier Milei a remporté une victoire éclatante avec près de 41 % des bulletins de vote à l'échelle nationale pour son parti, alors que les prédictions ne promettaient pas plus de 30 %... Il a donc les mains libres pour continuer son programme de redressement, dans un pays où l'économie a été ravagée par des décennies de « péronisme ». C'est-à-dire un mélange de socialisme – faisant la part belle aux transferts sociaux – et de dirigisme étatique, le tout plongé dans une corruption généralisée et dans une inflation galopante pendant la dernière décennie. L'Argentine était un État failli, affichant une dette abyssale. Moins de deux ans après son élection, la thérapie de choc de Milei montre des résultats positifs en termes macroéconomiques. Pour la première fois depuis plus de 10 ans, l'Argentine affiche un excédent budgétaire, grâce à des coupes massives dans la dépense publique, et l'inflation – toujours élevée – suit une courbe maîtrisée. L'amélioration de la balance commerciale – grâce au retour d'investisseurs étrangers et aux exportations attendues – a permis de montrer un meilleur contrôle de la dette publique. La diminution des subventions et la libéralisation du cours des loyers ont en parallèle conduit à la paupérisation de la population : le taux de pauvreté, déjà élevé, atteindrait près de 50 %. Le pouvoir d'achat des ménages a subi une rude baisse, provoquant une chute de la consommation et une contraction du PIB.

Les Argentins ont donc fait ce que de nombreux politiciens européens pensaient impossible : ils ont approuvé une politique qui leur coûte cher à court-terme. Certes, la situation de leur pays en décembre 2023 semblait désespérée, mais ils ont démontré leur capacité à faire des sacrifices pour ne pas réitérer les erreurs du passé. Quitte à prendre des risques... Javier Milei est qualifié de « populiste » dans les grands médias européens, accusé de mettre à terre « l'État providence ». On peut déceler une incongruité sémantique : est-ce « populiste » de proposer une politique de redressement sévère à son peuple ? Le théâtre politique argentin est plus compliqué qu'il n'y paraît. Javier Milei a, comme principal allié au Congrès, l'ancien président Mauricio Macri : un homme policé, qui n'est pas du genre à brandir une tronçonneuse devant ses partisans, et surtout bien vu par le FMI et la Banque mondiale... C'est l'opposition de gauche : un bloc hétérogène (« Fuerza Patria »), mais revendiquant sa filiation avec l'ère péroniste (et plus récemment l'ancien couple présidentiel Nestor et Cristina Kirchner), qui se targue d'être « populiste », prônant le retour à une politique de nationalisations, de subventions et de transferts sociaux. C'est en effet Perón (1895–1974), trois fois président à Buenos Aires, qui a mené une politique autoritaire et populiste, utilisant les largesses de l'État pour s'assurer le soutien des masses laborieuses, et ruinant un pays disposant à la fois de grandes richesses naturelles et d'un système éducatif de qualité. Derrière la victoire de Javier Milei, c'est le soutien des classes moyennes, prêtes à des sacrifices pour relever leur pays, alors qu'une forte abstention (13 millions d'électeurs) montre que le « péronisme » ne mobilise plus sa base.

Cette victoire dans les urnes a été saluée par Donald Trump : les États-Unis se sont impliqués massivement, en promettant une aide de 40 milliards de dollars. On peut s'émouvoir d'une implication aussi directe de Washington dans les affaires d'un pays souverain. Rien de nouveau pourtant : la « doctrine Monroe », qui est le guide de la politique étrangère américaine depuis le 19e siècle, fait de l'Amérique latine une zone d'influence prioritaire. La victoire du libertarien Javier Milei – si elle n'est pas une avancée « populiste », mais plutôt celle d'un réformisme radical – pose des questions géopolitiques. Au-delà de leurs styles (y compris capillaires), Donald Trump et Javier Milei mènent en réalité des politiques économiques divergentes. D'un côté, la grande puissance américaine opère un virage protectionniste, remettant en question les dogmes du libre-échange – en vigueur depuis 50 ans – et remettant la force de l'État à l'honneur. De l'autre, l'Argentine déshabille sa puissance publique avec une politique ultra-libérale. À moyen-terme, les Argentins devraient retrouver une prospérité... mais à quel prix ? Le risque est de perdre en souveraineté en se soumettant au grand frère américain. C'est un dilemme qui traverse l'Amérique latine...

À retenir
  • Le parti de Milei, "La Libertad Avanza", a remporté un large succès avec 40,7 % du vote national, et double le nombre de ses sièges au Congrès.
  • Les grands médias annonçaient plutôt une sanction, à cause des coupes sévères dans les subventions et transferts sociaux.
  • Les Argentins montrent ainsi une capacité de consentir à des sacrifices, pour tourner la page de décennies d'instabilité et de faillite économique.
  • L'appui massif américain au programme ultra-libéral de Javier Milei fait peser le risque d'une soumission aux intérêts de Washington.
La sélection
In Argentina, America secures a libertarian client state
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