« Visit Rwanda », une belle vitrine pour faire oublier le pillage du Congo
Les élections de 2024 au Rwanda auront peu laissé la place au suspense. Paul Kagame, qui dirige le pays depuis 25 ans, a été réélu avec 99,18 % des voix. Le dirigeant mène, depuis son accès au pouvoir, une politique économique ambitieuse, fondée notamment sur le tourisme et la diplomatie du sport. Dans une société où règne l'image, 300 millions de téléspectateurs auront pu découvrir les somptueux paysages vallonnés autour de Kigali, à l'occasion des championnats du monde de cyclisme qui ont offert, à cette petite enclave de la région des Grands Lacs, la lumière qu'elle attendait et le storytelling parfait. Aujourd'hui, le sport est utilisé pour promouvoir l'idéal d'une « société pacifique » active, où la population mène « une vie saine ». Les investisseurs affluent, en même temps que les touristes. Efficace, si l'on regarde le taux de croissance du pays (plus de 8 %). L'UNESCO se surprend à parler de « miracle rwandais ». Moins nombreux sont ceux qui rappellent que la part des importations illégales de ressources congolaises dans le Produit intérieur brut (PIB) a atteint des niveaux « sans précédents », d'après un rapport confidentiel des Nations Unies. Tantale, étain, tungstène, cobalt, lithium (essentiels pour l'industrie électronique), or et diamants, le Rwanda exporte ces minerais critiques dans des volumes incroyablement supérieurs à ses extractions (55 fois plus pour l'or !). Grâce à un contrat récent, l'UE est devenue un partenaire privilégié en échange de près d'un milliard d'euros. Les États-Unis sont aussi une source abondante de financements. L' Aide Française au Développement emboîte le pas (un demi-milliard d'euros), mais sans contrepartie affichée. Paul Kagame continue d'accuser la France d'une « participation » au génocide des Tutsi. Emmanuel Macron s'était rendu sur place en 2021 pour battre la coulpe française, sans oser, jusqu'à présent, lever le ton contre les massacres en RDC.
« Visit Rwanda »… Aujourd'hui, le slogan est floqué sur les maillots du PSG, sur les manches des joueurs d'Arsenal, et sur les équipements de l'Atlético de Madrid. Il apparaît depuis fin septembre en NBA (la principale compétition de basketball mondiale), porté par Los Angeles Clippers et en National Football League par les bonnes grâces des L. A. Rams. Cela représente des millions d'euros par franchise, mais offre au Rwanda une vitrine trop efficace pour être négligée. Il y a de quoi s'indigner à la vue d'un État qui dépouille impunément son voisin pour être adoubé d'une telle visibilité. Sauf à considérer qu'il ne s'agit de rien d'inhabituel, surtout dans le monde du sport… « L'argent n'a pas d'odeur », disait Vespasien.
Si le partenariat avec le club londonien prendra vraisemblablement fin en 2026, le Qatar, propriétaire du PSG, est un allié de poids. L'État du Golfe est devenu actionnaire principal de Rwand'Air, et premier financeur du prochain aéroport international à Kigali, s'impliquant également dans la médiation avec la RDC.
Pour le moment, les accords imposés début décembre par l'administration Trump n'ont pas stoppé l'offensive rwandaise au Congo. Ceux-ci prétendent pacifier la région du Kivu et mettre fin au commerce des « minerais de sang », illégalement acquis par des groupes armés. Le texte parle de sécuriser le territoire et les « réserves stratégiques de minéraux », ouvrant la voie à « un investissement américain accru afin de diversifier le secteur minier congolais ». En bref, la paix permet d'ouvrir en grand les écluses des richesses congolaises aux entreprises américaines. Et pour cause : le concurrent chinois est déjà implanté depuis belle lurette grâce au géant minier Sicomines…
L'accord paraît équilibré : la RDC s'engage à cesser son soutien au Front de Libération du Rwanda (groupe armé hutu qui s'est réfugié au Congo après la prise de pouvoir de Kagame), tandis que le Rwanda promet de retirer ses milices du Kivu. Mais en réalité, le document est à l'avantage de Paul Kagame : le M-23, soutenu par le Rwanda, est évoqué comme un groupe armé à part, et donc non concerné. Tout récemment, la presse faisait état de 500 000 Congolais déplacés, plus de 60 000 ayant rejoint le Burundi, aligné militairement aux côtés de la RDC. Dans la foulée de la signature des accords, le M-23 s'est emparé d'Uvira, 2e ville du Sud-Kivu, même s'il a proposé de s'en retirer face à la colère américaine. Les tortures et les massacres continuent, le pillage avec. Jusqu'à quand ? Paul Kagame continue de nier son soutien au M-23, tout en soulignant l'impératif de lutter contre les autorités congolaises prêtes, selon lui, à perpétrer un génocide contre les Tutsi du Congo. 30 ans après le génocide, les conflits ethniques sont très loin d'être apaisés, et le Rwanda soutient des massacres prétendant en prévenir d'autres. Près de 7 000 morts depuis janvier 2025, selon le gouvernement congolais.
Depuis la fin du génocide rwandais en 1994, près de 6 millions de personnes seraient décédées, victimes des nombreux conflits qui ont opposé le Front patriotique rwandais au pouvoir et la RDC (cf. LSDJ n°2388).
- Grâce au pillage systématique de son voisin congolais, le Rwanda peut exporter 50 fois plus d'or qu'il n'en extrait de son sol.
- L'Occident investit dans les minerais critiques vendus par le Rwanda, choisissant d'ignorer ce pillage.
- Le slogan "Visit Rwanda", déjà mis en avant par plusieurs grands clubs européens, dont le PSG, vient de débarquer sur le marché américain : en NBA et en NFL.
- Malgré les accords imposés par l'administration Trump. La milice M-23, soutenue par le Rwanda, continue ses massacres en RDC.