
En coulisse, l'UE resserre son contrôle… jusqu'à votre portefeuille
Dans ce document officiel de présentation du projet, la commission commence par planter le décor, évoquant le changement climatique, le vieillissement démographique, les tensions géopolitiques et la compétition technologique. Face à ces défis, elle estime que l'Europe doit se doter d'un outil puissant pour mobiliser ses ressources privées à l'échelle continentale. Elle identifie une réserve clé, les 10 000 milliards d'euros d'épargne détenus par les citoyens européens, aujourd'hui considérés comme « inefficacement utilisés ». « Si les ménages européens alignaient leur ratio dépôts/actifs financiers sur celui des ménages américains, jusqu'à 8 000 milliards d'euros pourraient être redirigés vers les marchés ». L'ambition affichée est donc d'orienter cette épargne privée vers des projets considérés comme « à impact » par l'UE (transition énergétique, numérique, défense, santé ou encore infrastructures stratégiques).
La stratégie repose sur quatre axes principaux, qui définissent les contours d'un changement profond dans la gouvernance de l'UE. Le premier concerne la supervision financière, que la Commission souhaite recentrer à l'échelle de l'UE. Les autorités européennes de supervision (ESAs), à savoir l'ESMA (marchés financiers), l'EIOPA (assurances et retraites) et l'EBA (banques), verront leurs prérogatives considérablement élargies. Celles-ci pourraient, à terme, prendre le relais des régulateurs nationaux. Le texte affirme explicitement que « dans certains cas, un transfert de la supervision directe au niveau de l'UE est d'ores et déjà approprié ». Il précise que « les ESAs devront utiliser davantage leurs outils pour corriger les pratiques nationales divergentes ». Cette logique marque un tournant, car les États pourraient progressivement perdre la main sur la surveillance de leurs banques, assurances et marchés financiers.
Le deuxième repose sur l'orientation de l'épargne des citoyens européens vers des produits et secteurs définis comme prioritaires par l'UE. Pour cela, la Commission prévoit plusieurs leviers. Elle propose la création de comptes d'investissement harmonisés à l'échelle de l'UE, le développement de produits financiers labellisés par Bruxelles, l'alignement fiscal progressif de ces placements, et le lancement de campagnes « d'éducation financière » dès le troisième trimestre 2025 (car elle a identifié que « seuls 18% des citoyens de l'UE sont financièrement bien informés »). L'objectif est établi, « l'UE veut orienter les décisions des ménages en matière d'épargne vers des produits d'investissement plus efficaces ».
Le troisième vise à supprimer les obstacles nationaux à la création d'un marché financier unifié. Le texte critique les réglementations nationales trop strictes, en particulier ce qu'il appelle le « gold-plating », soit les normes locales qui vont au-delà des exigences européennes. Il affirme que « trop souvent, les pratiques de supervision nationales créent des exigences supplémentaires menant à la fragmentation » (traduit de l'anglais, mais la « fragmentation » signifie que chaque pays applique ses règles, ce qui empêcherait le marché européen de fonctionner de manière fluide). L'objectif est donc d'uniformiser, en retirant aux États la possibilité d'imposer des normes.
Enfin, le quatrième repose sur un pilotage centralisé. La mise en œuvre du projet sera coordonnée via le Semestre européen, un mécanisme existant qui permet à la Commission d'évaluer et d'orienter les politiques économiques des États membres. « Il faut créer des conditions équitables pour les participants au marché à travers toute l'Union », indique le document, affirmant ainsi la nécessité d'un niveau de gouvernance unique. Cette orientation confirme que l'objectif n'est pas simplement de faciliter les investissements transfrontaliers, mais bien de mettre en place un socle commun, piloté par les institutions européennes.
La stratégie repose sur un calendrier clair et établi (que vous pouvez consulter dans le document), avec des actions législatives et non législatives programmées. Un rapport d'étape est prévu en 2027. On lit aussi que « les bénéfices de cette Union ne peuvent être obtenus qu'au prix de décisions courageuses et de l'abandon de pratiques établies de longue date. »
Malgré l'ampleur du projet, aux conséquences majeures sur la souveraineté des États et sur l'orientation de l'épargne des citoyens, il est absent du débat public. Aucun débat majeur n'a permis de le porter à la connaissance des citoyens. Les rares réactions identifiées émanent d'acteurs directement impliqués, comme les gestionnaires d'actifs, les fédérations bancaires, ou encore l'économiste Atanas Pekanov.
Lors de son discours au Forum économique mondial de Davos en janvier 2025 (notre sélection), aux côtés de Klaus Schwab, Ursula von der Leyen a évoqué, avec d'autres mesures, comme le « 28e régime », un cadre juridique unique pour les entreprises innovantes, contournant les 27 législations nationales au profit d'un droit commun. Elle y expose son plan pour les cinq prochaines années, sans débat public, ni mandat démocratique. Il devient crucial de lire les choix français à travers cette dynamique européenne irréversible, très liée à l'arrivée de l'euro numérique.