Politique

Fin de vie : « La volonté exprimée par le président de la République sera tenue » ou pas...

Par Philippe Oswald - Publié le 04/01/2024 - Photo : Shutterstock

Agnès Firmin Le Bodo est devenue le 20 décembre le sixième ministre de la Santé d'Emmanuel Macron, suite à la démission d'Aurélien Rousseau. Elle pourrait ne pas le rester très longtemps selon Le Quotidien du Pharmacien (2 janvier). Elle est en effet accusée d'avoir reçu des cadeaux substantiels de l'entreprise pharmaceutique Urgo entre 2015 et 2020, en tant que titulaire d'une pharmacie au Havre. Cette affaire révélée par Mediapart (29 décembre) rend incertain son maintien au sein du gouvernement après un remaniement annoncé comme imminent. Quoi qu'il en soit, elle était encore ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé lorsqu'elle a précisé, dans un entretien au Figaro (8 décembre), le calendrier et le contenu du projet de loi sur la fin de vie. Cette interview était destinée à répondre aux rumeurs selon lesquelles le président de la République hésiterait à mettre en œuvre ce projet de loi, rumeurs qu'Emmanuel Macron avait déjà démenties devant les francs-maçons réunis à l'occasion du 250e anniversaire du Grand Orient de France à Paris, le 8 novembre 2023 (cf. LSDJ n°2037).

« La volonté exprimée par le président de la République sera tenue », a assuré Agnès Firmin Le Bodo dans cet entretien. Emmanuel Macron s'est en effet dit à plusieurs reprises favorable à une loi autorisant l'euthanasie en France selon le « modèle belge ». Comme prévu, un avant-projet de loi lui a été remis à la fin de l'été. Se penchant sur ce texte, le gouvernement aurait réalisé qu'il fallait « approfondir la stratégie des soins d'accompagnement, plus encore que nous ne l'avions imaginé, ce qui a conduit à desserrer le calendrier » a expliqué Agnès Firmin Le Bodo. En effet, plaide-t-elle, « sur un sujet aussi complexe, il faut prendre le temps nécessaire, peser les mots. »

Le calendrier du projet de loi sur la fin de vie annoncé par Agnès Firmin Le Bodo n'est pas très précis. Le texte devrait être présenté courant février, mais la date de son examen à l'Assemblée nationale n'est pas encore arrêtée. Certains ministres, redoutant que les débats soient électrisés par l'approche des élections européennes, souhaiteraient le report de cet examen après le 9 juin 2024. Au grand dam d'associations favorables à la légalisation de l'euthanasie, telle l'association Les 184 rassemblant des membres de « La Convention citoyenne » qui a rendu son rapport sur la fin de vie en avril dernier. Cette association a adressé le 9 décembre une lettre ouverte au président de la République pour lui demander de tenir les « deux engagements » qu'il leur avait exprimés après le dépôt de leur rapport, à savoir ; un projet de loi sur « l'aide active à mourir » et « un plan décennal pour les soins palliatifs » Notons que cette association « Les 184 » a pour adversaire une seconde association issue de La Convention citoyenne : « 184 conventionnels pour une faim de vie (sic) ». A leurs critiques d'un texte pourtant présenté par le gouvernement comme « consensuel », se sont ajoutées celles de douze députés de tous bords qui, dans une tribune publiée par L'Express (28 septembre), ont réclamé que le projet de loi dissocie l' « aide active à mourir » des soins palliatifs. Une demande qui relaie celles d'une large majorité de soignants, à commencer par ceux de la Société Française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP). Sa présidente, Claire Fourcade, rappelle qu' « en France, les soins palliatifs sont nés d'un refus des pratiques euthanasiques dans les années 1980 (...) Placer la mort provoquée en continuité des soins palliatifs est donc une inquiétude majeure pour nous » ( « Ne dévoyons pas les soins palliatifs », article signé conjointement avec le philosophe Jacques Ricot dans la Revue Études d'octobre 2022 , cf. Gènéthique). Ajoutons la mise en garde que vient d'adresser dans une lettre ouverte à Agnès Firmin Le Bodo, la Société française de pédiatrie (SFP) sur les conséquences qu'une évolution législative pourrait avoir sur la prise en charge des enfants (en lien ci-dessous).

Ces demandes instantes finiront-elles par être entendues ? Agnès Firmin Le Bodo affirmait dans son entretien au Figaro que « faire deux textes, cela n'aurait pas de sens », arguant que « le nouveau modèle français de la fin de vie est un ensemble, qui va du renforcement des soins palliatifs jusqu'à l'aide active à mourir pour ceux qui le souhaitent, sous certaines conditions d'éligibilité qui ont été fixées par le président de la République ».Cette interview n'a pas un mois. Presque une éternité à la vitesse où défilent les ministres de la Santé ! Le remaniement ministériel donnera peut-être l'occasion d'y voir plus clair, non sur les intentions du président de la République, mais sur sa capacité à mettre encore en œuvre son projet de loi sur la fin de vie.




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1 commentaire
Christine
Le 04/01/2024 à 21:13
Un délai supplémentaire pour agir. Cela se prend avec plaisir.
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