
Donald Trump a obtenu l'assentiment du Congrès sur le « Big, beautiful bill »
Le président Trump avait mis la pression : il voulait pouvoir annoncer l'adoption de son « Grand et beau décret » le 4 juillet, jour de la fête nationale. Chose faite, malgré le rejet de l'opposition démocrate et les critiques véhémentes de quelques élus républicains – sans compter la sécession d'Elon Musk. Cette résolution budgétaire porte bien son nom, car elle pèse près de 900 pages ! Au-delà d'une multitude de mesures, c'est un virage idéologique profond qui s'opère. Ce projet budgétaire suit la ligne traditionnelle du Parti républicain « pro affaires » en poursuivant des allègements de l'imposition et des dépenses sociales. Mais en même temps, il prévoit des investissements publics importants dans la défense tout en favorisant les classes moyenne et populaire avec l'augmentation de certaines allocations.
Parmi les mesures phares, les réductions des impôts fédéraux, décidées en 2017, sont reconduites au lieu d'expirer cette année (comme prévu au départ). Pour les ménages, c'est une baisse de 2 à 4 points d'imposition en moyenne. Les pourboires et les heures supplémentaires sont exemptés de taxation. L'impact du quotient familial va augmenter (crédit par enfant) et une nouvelle épargne non taxée est ouverte pour chaque naissance. L'imposition locale (par les États) est, elle aussi, plafonnée. À l'inverse, les impôts pour les plus aisés (400 000 dollars et plus) vont augmenter. Les impôts sur les sociétés ayant déjà été baissés (de 35 % à 21 % !), c'est donc une mesure qui favorise les ménages modestes – la consommation plutôt que l'offre (alors que le Parti républicain favorise traditionnellement les entreprises). D'énormes investissements publics sont prévus : 175 milliards de plus pour la protection des frontières et 160 milliards de plus dans la défense pour atteindre 1 000 milliards au total (le plus haut budget jamais atteint en temps de paix). En comparaison, le budget de la défense française devrait dépasser les 50 milliards d'euros cette année.
Dans le même temps, l'accès au Medicaid va être sévèrement réduit : 930 milliards de moins d'ici 2034, dans un pays où se soigner coûte cher. Pour être éligibles, les Américains devront prouver qu'ils travaillent (y compris dans le bénévolat). Près de 11,8 millions de personnes d'ici 2034 pourraient être exclues de cette couverture sociale. L'argument invoqué est de limiter les fraudes. Les critiques se concentrent sur l'impact social dans les territoires déjà en souffrance, car ce sont les hôpitaux ruraux qui pourraient disparaître en conséquence, avec un transfert de responsabilité sur les autorités locales. Le désinvestissement dans les énergies renouvelables est un autre de poste d'économies : finis les crédits d'impôt, et des règles et limitations plus strictes pour les opérateurs. Une nouvelle taxe (1 %) va être introduite sur tous les virements envoyés à l'étranger, visant à décourager les clandestins renvoyant de l'argent chez eux.
La critique principale exprimée par les milieux d'affaires, les ténors du Parti démocrate et plusieurs figures du Parti républicain : la dette publique déjà abyssale (1,9 mille milliards) pourrait se creuser de 3,3 à 4 mille milliards de dollars en 10 ans. Le taux d'endettement fédéral est aujourd'hui supérieur à celui de 1944 en pleine guerre mondiale. Elon Musk est très critique de cette mesure : il considère que la priorité devrait être de réduire ce déficit. Le « One big beautiful bill » augmente les dépenses publiques d'un côté tout en réduisant les recettes fiscales. L'argument de la Maison-Blanche est que cette stratégie d'ensemble devrait relancer l'économie américaine en favorisant la consommation, l'entrepreneuriat tout en ouvrant d'énormes marchés aux industries de défense et de nouvelles technologies. De plus, les nouvelles taxes douanières s'inscrivent dans cette logique : récupérer sur les importations ce que l'administration fiscale perdra en impôts...
Le « trumpisme » ferme la parenthèse de la révolution libérale à la Reagan qui était focalisée sur la simplification et la baisse des impôts tout en favorisant les entreprises. Le « Big beautiful bill » inscrit le tournant idéologique d'un parti dominé par les « populistes » et il essaie (en 900 pages) de les satisfaire sans s'aliéner ses soutiens institutionnels (les grandes fortunes et les multinationales). D'une part, selon la ligne traditionnelle républicaine, alléger le poids de l'État fédéral dans la vie locale. D'autre part, donner des gages à la base électorale « MAGA », et aux classes populaires jadis privilégiées par le Parti démocrate. Le projet n'est donc pas exempt de contradictions dans cet exercice de refonte globale et met en lumière les luttes à venir au sein du Parti républicain. Pour simplifier : les milieux d'affaires, Elon Musk et les cadres supérieurs du Parti, face au vice-président JD Vance (a priori l'héritier de Trump) et au mouvement « MAGA ».