Politique

Fin de vie : Emmanuel Macron interrompt sa valse-hésitation devant les francs-maçons

Par Philippe Oswald - Publié le 16/11/2023 - Photo de Thibault Camus / POOL / AFP Le président français Emmanuel Macron s'exprime lors d'une réunion avec les dirigeants des organisations franc-maçonniques françaises lors du 250e anniversaire du Grand Orient de France à Paris, le 8 novembre 2023.

Le président de la République devait réunir, le 14 novembre, les ministres concernés par le futur projet de loi sur la fin de vie : Aurélien Rousseau, ministre de la Santé, Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée aux professionnels de Santé en charge du texte, Aurore Bergé, ministre des Solidarités, et Sylvie Retailleau, ministre de l'Enseignement supérieur. Mais, au dernier moment, « cette réunion de cadrage a été différée parce que le président de la République se déplace là où on a besoin de lui, là où on l'attend en urgence c'est à dire dans le Pas-de-Calais » a expliqué Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, avant d'affirmer : « Mais ça ne remet pas du tout en cause le projet de loi. » Il a ajouté : « Les informations que j'ai portent sur la présentation d'un texte de loi d'ici à la fin de l'année 2023, avec un examen au Parlement au cours du printemps ». Notons que la présentation du texte avait déjà été repoussée de la fin de l'été à décembre. De son côté, Aurélien Rousseau, le ministre de la santé, a assuré au micro de Sud-Radio (14 novembre) : « Le président de la République s'est engagé. Il y aura un projet de loi qui sera examiné ». Toutefois, selon le ministre de la Santé, s'agissant de l'introduction dans la loi d'un « droit à l'aide active à mourir », « aujourd'hui on ne peut pas dire que c'est tranché ». Bref, le président hésiterait à sauter le pas du suicide assisté, Aurélien Rousseau lui-même souhaitant prioritairement que « le plan soins palliatifs » soit « extrêmement solide, extrêmement précis, sur tous les territoires ».

Sur ce sujet comme sur d'autres -par exemple, les répercussions en France de l'affrontement entre Hamas et Israël- Emmanuel Macron cherche l'équilibre dans le fameux « en même temps ». Dans le projet de loi sur la fin de vie, cette posture inconfortable a été décrite ainsi par l'Élysée à La Croix (14 novembre) : « ...le chef de l'État souhaitait un texte « très court », au « barycentre de l'avis du Comité consultatif national d'éthique, de la Convention citoyenne sur la fin de vie et de l'avis du corps médical ». Il ne voulait pas que son choix soit « accaparé » par les clivages politiques. » Selon la confidence d'un ministre à France info (14 novembre), Emmanuel Macron aurait envie « d'aller le moins loin possible, et le moins vite possible ». « Le président de la République (...) ne semble pas vouloir s'emparer d'un dossier qu'il a lui-même mis sur la table. » regrette Le Nouvel Observateur (13 novembre) : « Le 3 avril dernier, au lendemain de la fin des travaux de la convention citoyenne sur la fin de vie, qui s'était prononcée à 76 % en faveur de l'ouverture de l'aide active à mourir, le président de la République avait demandé au gouvernement de lui remettre un projet de loi d'ici la fin de l'été. Le texte est arrivé sur son bureau en septembre et depuis, plus rien. Sa présentation, initialement prévue trois semaines après la rentrée, avait été repoussée à cause de la visite du pape François, très hostile à l'aide active à mourir, à Marseille. » Cette hostilité est également exprimée par beaucoup de soignants, à commencer par ceux qui sont engagés dans les soins palliatifs, mais aussi par une douzaine de députés de tous les partis qui ont déploré la cohabitation dans un même texte d'un volet sur les soins palliatifs et d'un autre sur « l'aide active à mourir » dans une tribune, publiée par L'Express (28 septembre) : « La clarté est une question démocratique fondamentale » affirment-ils. « C'est essentiel lorsqu'il s'agit d'enjeux anthropologiques et éthiques ». Mais Emmanuel Macron a-t-il envie de sortir du flou ?

Envie ou pas, il semble tout de même que le président n'ait pas renoncé à « y aller ». Quitte à faire un pas en arrière après deux pas en avant. Exemples : le 31 mars 2022, lors d'un déplacement en Charente-Maritime, Emmanuel Macron s'était prononcé en faveur d'une évolution de la loi française « vers le modèle belge ». Le 23 septembre 2023, devant le Pape, à Marseille, il avait confié qu'il « n'aimai[t] pas le mot d'euthanasie » et que « la mort, c'est un moment de vie, pas un acte technique ». Le plus récent des discours du président de la République sur ce projet de loi est celui qu'il a tenu le 8 novembre devant les francs-maçons réunis à l'occasion du 250e anniversaire du Grand Orient de France : « Le droit de mourir dans la dignité [est] une cause qui doit trouver une traduction dans une loi de liberté et de respect. » Après avoir évoqué la mémoire de deux hommes politiques francs-maçons, Henri Caillavet et Pierre Simon, qui ont milité pour le « droit de mourir dans la dignité », le président de la République a remercié le grand maître du Grand Orient, Guillaume Trichard, « pour les contributions (…) produites en lien avec le gouvernement [qui vont] permettre de faire cheminer dans les prochains mois ce texte ». Cette fois, en reconnaissant ce « lien » entre le gouvernement et les francs-maçons, le président de la République est sorti du flou.


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Fin de vie : une loi coconstruite avec les francs-maçons
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