Télétravail, la nouvelle fracture sociale ?
Économie

Télétravail, la nouvelle fracture sociale ?

Par Judikael Hirel - Publié le 06/01/2022
Il y a ceux qui peuvent, et ceux dont le métier fait que c’est impossible. Il y a ceux qui le souhaitent, et ceux qui le subissent. La pandémie aura fait entrer la pratique du télétravail au cœur des entreprises de toute taille. Plus par obligation que par choix, il faut bien le reconnaître. Mais cette frontière du télétravail pourrait bien marquer une nouvelle fracture sociale, mais aussi générationnelle, comme elle pouvait exister jadis entre cols bleus et cols blancs, entre métiers manuels et emplois de bureau, fonctions postées et tâches pouvant être exercées à distance. Aux salariés postés la contrainte des transports en commun, des bouchons, des loyers élevés pour une surface de vie plus réduite en ville ou aux alentours. Aux télétravailleurs le nouveau luxe de pouvoir travailler à distance, depuis la campagne, la montagne ou le bord de mer, sans perdre de temps dans les transports, et avec toute la place souhaitée.

Les conséquences sur le marché de l’immobilier au lendemain des confinements se font déjà ressentir : la dernière étude Century 21 sur les chiffres 2021 du marché souligne déjà l’explosion des prix et la hausse de population vers l’Aquitaine et la Bretagne, ainsi que dans la grande couronne des principales métropoles. Pour autant, la fracture générationnelle est également réelle : selon une récente étude menée par YouGov pour le cabinet de recrutement Nicholson Search & Selection, 61% des 18-34 ans se déclarent pour le 100% travail à distance. Un « virage inédit », selon les auteurs de cette enquête, lié au fait que certains jeunes salariés n’ont connu que le télétravail depuis leur entrée dans la vie active. Travailler plus intensément, mais de façon plus flexible, telle serait l’idée. Mais penser que tout salarié se réjouit de pouvoir travailler seul depuis chez lui devant un écran serait une erreur. D’autant plus que le temps de travail réel à domicile tend rapidement à dépasser les limites légales, s’immisçant peu à peu dans le quotidien familial.

Selon la Dares, en 2019, seuls 4% des salariés pratiquaient régulièrement le télétravail, au moins une fois par semaine, et jusqu'à 9% occasionnellement, au moins quelques jours ou demi-journées par mois. Les chefs d'entreprise, eux, n’y sont guère favorables, craignant sans doute l’émergence d’une génération de purs « mercenaires », sans sentiment réel d’appartenance à l’entreprise ou ses valeurs, et guère à même de cultiver l’esprit d’équipe. Et si le télétravail faisait encore s’accroître l’un des maux du siècle, l’individualisme forcené ? 59% des chefs d’entreprises se déclarent favorables au 100% télétravail, mais paradoxalement 52% souhaitent que leurs salariés soient présents au bureau une ou plusieurs fois par semaine. Quitte à devoir disposer de deux résidences principales ? Un grand écart qui pourrait s’avérer onéreux, au-delà des nouveaux coûts induits par le travail à domicile.

Fin avril 2020, jusqu’à 5 millions d’actifs en France ont été contraints de rester chez eux et de s’adonner au télétravail. La vague du variant Omicron vient de faire repasser nombre de sociétés à trois voire quatre jours de télétravail par semaine, sous peine d’amendes salées. Qu’en pensent les salariés ? Selon une étude d'Opinionway pour Slack, 38% des employés se disent prêts à changer d'employeur si celui-ci choisissait de revenir en 100% présentiel. 57% des moins de 35 ans sont du même avis. D’ores et déjà, outre-Atlantique, de grands noms de la high tech, notamment californienne, ont fait passer leurs milliers de salariés au 100% télétravail. Là aussi, en France, cette nouvelle fracture sociale est appelée à se creuser entre salariés des grandes entreprises, notamment publiques, dispensés de présence, et ceux qui, pour certains, vivront désormais comme une punition le seul fait de devoir se rendre au travail. Quelle étrange époque…
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