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Syrie : la reprise de la guerre civile et le sort incertain des chrétiens

Par Max George. Synthèse n°2423, Publiée le 15/03/2025 - Photo : Des membres des forces de sécurité du gouvernement syrien entrent dans la ville de Baniyas, dans la province syrienne de Tartous, pour renforcer les troupes gouvernementales dans les affrontements, le 7 mars 2025. Crédits : AFP PHOTO / HO / SANA
La guerre civile en Syrie n'a jamais véritablement pris fin. La conquête de Damas par le groupe islamiste Hay'at Tahrir al-Sham (HTS), dont le leader, Ahmed Hussein al-Charaa, est désormais président de la Syrie, n'est qu'un épisode de plus dans un cycle de violences permanentes.

L'heure de la vengeance contre le régime de Bachar al Assad a sonné : la semaine dernière, des centaines d'Alaouites ont été massacrés à Lattaquié, à la suite de l'insurrection d'un nouveau groupe armé alaouite, le Conseil militaire pour la libération de la Syrie. En réponse à une attaque coordonée, les miliciens d'Hayat Tahrir al-Sham ont bombardé et attaqué la ville de Lattaquié et les villages voisins à partir du 4 mars. Selon un expert de la Syrie, l'attaque massive de HTS, en réponse à celle du Conseil militaire est un prétexte pour se venger du régime d'Assad. Le Conseil militaire, dirigé par le général de brigade Ghiat al-Dali, est incapable de prendre à lui tout seul la région côtière.
D'autres sources indiquent que HTS s'est appuyé sur l'Armée Nationale syrienne (un rassemblement de groupes rebelles contre le régime d'Assad, basés dans le nord du pays et soutenus par la Turquie), pour riposter à l'attaque du Conseil militaire. Les groupes les plus virulents aurait été quelques brigades turkmènes et des groupes djihadistes composés aussi de combattants étrangers. En somme, HTS a demandé et participé à la riposte mais les milices qui ont massacrés des civils par la suite n'étaient pas sous son contrôle. La multiplicité des acteurs impliqués traduit l'absence d'une armée centralisée obéissant directement à ses ordres.

La controverse autour du nombre de morts a aussitôt éclaté. Le 6 mars, l'Observatoire syrien des droits de l'homme a reporté plus de 1 450 victimes civiles et militaires en Syrie. Une semaine plus tard, le Syrian Network for Human Rights (SNHR) n'en a recensé que 803 et l'Aide à l'Église en détresse (AED) a estimé le chiffre autour de 1 000. Ils ont essentiellement eu lieu dans la région de Lattaquié et Tartous, des bastions alaouites, l'ethnie à laquelle appartenait Bachar al Assad et son père, Hafez al Assad.

Le choc pour les populations de cette région est d'autant plus grand qu'elle avait connu moins de combats que le reste du pays. Une vidéo montre des victimes allongées sur le sol, dans une rue avec des taches de sang, tandis qu'un homme barbu les massacre à coups de bâton. Deux des vidéos publiées sur les réseaux sociaux ont été prises dans le village alaouite d'Al-Mukhtariyah. Les forces armées du nouveau régime ont fini par permettre aux habitants d'enterrer leurs morts deux jours plus tard.

Dès que la nouvelle des massacres a émergé, la crainte que des chrétiens aient aussi été persécutés s'est exprimée. Le présentateur star de Fox News, Tucker Carlson est allé jusqu'à affirmer que « des chrétiens étaient massacrés et leurs lieux de culte vandalisés ». Les chefs des communautés chrétiennes de Syrie ont immédiatement nié ces affirmations à la suite d'une réunion avec le département chargé de la sécurité. « Pendant cette réunion ont-ils affirmé, les inquiétudes, les sentiments et les souffrances de notre peuple ont été portés auprès de notre gouvernement. » Les leaders chrétiens ont ensuite réfuté les rumeurs selon lesquelles les églises de Lattaquié avaient ouvert leurs portes pour accueillir des réfugiés, rajoutant que « la situation actuelle de la ville de Lattaquié ne nécessite pas de prendre de telles mesures. » Le vicaire apostolique de la communauté latine de Syrie a lui aussi diffusé un communiqué : « avec tous les fidèles nous prions pour qu'une paix juste et globale soit trouvée dans la région, surtout pour notre Syrie bien aimée. »

Si les chrétiens sont toujours tolérés par le nouveau gouvernement, ils sont éparpillés à travers le pays et sans défense (les nouvelles violences ont fait entre 30 et 40 000 déplacés). Contrairement à d'autres minorités, ils ne disposent pas de territoire propre ni de forces armées. Leur place dans la société est menacée, 65% des fonctionnaires chrétiens en Syrie auraient été licenciés depuis l'arrivée de HTS au pouvoir. Pourtant, les communautés chrétiennes attendent du nouveau gouvernement qu'il assure pour le moins leur sûreté et leur tranquillité, comme le confirment les témoignages de la conférence « Chrétiens de Syrie, entre espoir et exode », organisée par la région Île de France.

Les rumeurs de massacres de chrétiens ne sont pas infondées. Des sources sur place ont affirmé que des chrétiens auraient bien été tués, non pas en raison de leur foi, mais parce qu'ils se trouvaient dans des quartiers alaouites. En revanche, le village chrétien de Belma, situé au nord de Hamma, a été pillé par des groupes armés. Le patriarche grec orthodoxe d'Antioche, Jean X, a de son côté dénoncé la profanation de symboles religieux à Banyas, situé entre Lattaquié et Tartous, où « une icône de la Sainte Vierge a été détruite, piétinée et profanée. »

Les chrétiens ne sont certes pas directement concernés par les nouveaux raids, mais leur situation demeure fragile, si ce n'est dangereuse. Ils sont parfois considérés comme des soutiens du régime de Bachar, dont ils bénéficiaient de la protection. Après les Alaouites, ils pourraient bien être les prochaines victimes de groupes extrémistes, si le gouvernement d'Ahmed Hussein al-Charaa ne prend pas des mesures fermes pour les protéger comme il l'avait promis.

La sélection
Le nombre de morts chrétiens en Syrie a été exagéré par la frénésie médiatique — mais ils ont encore beaucoup à craindre
Lire l'article sur le site du Catholic Herald
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