Bioéthique

La reprise annoncée du « combat » sur la fin de vie

Par Philippe Oswald. Synthèse n°2593, Publiée le 07/11/2025 - Photo : Laurent Panifous, ministre des relations avec le Parlement, a annoncé aux sénateurs qu'ils pourront examiner les propositions de loi sur la fin de vie dès janvier 2026. Crédits : Daniel Perron / Hans Lucas via Reuters Connect.
Le gouvernement Lecornu vient d'annoncer le retour des débats sur la fin de vie à l'Assemblée nationale en février 2026. Il s'agit d'examiner deux propositions de loi, l'une relative aux soins palliatifs, l'autre à l'instauration d'un « droit à mourir » par l'euthanasie et le suicide assisté. Celui-ci divise les parlementaires comme les médecins et juristes.

« Le gouvernement a inscrit les débats sur la fin de vie à l'Assemblée nationale en février prochain », a annoncé sur X, le 28 octobre, Laurent Panifous, ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement. Il a ajouté : « Ce combat, que j'avais porté aux côtés du rapporteur général Olivier Falorni et de l'ensemble des rapporteurs, me tient profondément à cœur. Je me réjouis qu'il puisse se poursuivre. »

Rappelons que deux propositions de loi sur la fin de vie – l'une relative aux soins palliatifs, l'autre à l'instauration d'une « aide à mourir » – avaient été adoptées en première lecture à l'Assemblée nationale, le 27 mai 2025. Celle sur les soins palliatifs avait fait l'unanimité : 560 voix pour, aucune contre. La proposition de loi du député Olivier Falorni (Les Démocrates, ex-MoDem), consacrant un « droit à l'aide à mourir », avait recueilli 305 voix pour et 199 contre, sur 561 votants. Elle reprenait les dispositions sur l'aide à mourir du projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie, présenté en avril 2024 par le gouvernement. Ce projet de loi, qui réunissait dans un texte unique soins palliatifs et aide à mourir, avait été débattu à l'Assemblée nationale au printemps 2024. En plein débat, l'Assemblée avait été dissoute par Emmanuel Macron. Les mois suivants, la chute des gouvernements de Michel Barnier (4 décembre 2024), de François Bayrou (8 septembre 2025) puis de Sébastien Lecornu (6 octobre 2025 – renommé le 12 octobre) reportait l'examen des deux propositions de loi.

Ce « combat », relancé par le gouvernement Lecornu 2, rejoint une position constante du président de la République. Malgré l'instabilité politique, qui menace à tout moment le maintien en place du gouvernement, l'exécutif reste déterminé à faire voter le permis de donner la mort par le suicide assisté et l'euthanasie. Répondant aux questions du Sénat, le Premier ministre Sébastien Lecornu a promis « que le débat aura lieu jusqu'au bout », tout en ajoutant : « Je souhaite néanmoins préciser que l'ensemble des membres du gouvernement bénéficieront d'une liberté de ton, de prise de position, de liberté de parole totale sur un texte qui touche à l'intime, qui touche des questions qui sont parfois délicates » (Public Sénat, 22/10/2025).

L'association Alliance Vita voit, dans cette relance du processus législatif, « un acharnement déconnecté de la réalité au détriment de la solidarité ». Soulignant que la demande d'accès aux soins reste insatisfaite, elle estime que « l'urgence commande au contraire de s'attaquer enfin à la reconstruction d'un système de santé à bout de souffle, en rompant avec les politiques menées jusqu'à présent ». En effet, relève encore Alliance Vita, « le véritable risque, c'est que des personnes fragilisées choisissent la mort faute de soins et d'accompagnement appropriés. Les soins palliatifs, eux, restent malheureusement sous-développés, avec un plan de financement étalé sur dix ans : une éternité pour ceux qui en manquent aujourd'hui. » Pour Tugdual Derville, porte-parole d'Alliance Vita et auteur de Docteur ai-je le droit de vivre encore un peu – L'euthanasie et le suicide assisté démasqués : « Il est grand temps de mettre fin à l'hypocrisie d'un “en même temps” qui entretient encore la confusion entre soin et euthanasie. Car soigner, c'est aider à vivre jusqu'au terme de la vie ; c'est soulager et apaiser, sans acharnement thérapeutique ni euthanasie. C'est aussi la seule façon de préserver l'universalité de la prévention du suicide, qui est un impératif de solidarité. Voilà l'exigence qui appelle un consensus politique. »

Pour qu'elles soient soumises en seconde lecture au vote de l'Assemblée, les propositions de loi sur la fin de vie doivent être débattues au Sénat. Le ministre des Relations avec le Parlement, Laurent Panifous, a annoncé aux sénateurs, le 5 novembre dernier, qu'ils pourront les examiner à partir du 12 janvier 2026. À moins qu'une nouvelle chute du gouvernement sur le budget retarde encore le vote d'une loi sur la fin de vie. « La navette parlementaire sera-t-elle achevée avant la fin de la législature en 2027 ? » s'interrogeait déjà le site Gènéthique (27/05/2025) après l'adoption en première lecture des deux propositions de loi. « C'est loin d'être assuré. » Le président de la République pourrait aussi décider de recourir au référendum, dans l'objectif de parfaire son tableau de chasse sociétal. « Emmanuel Macron avait lui-même évoqué au mois de mai la possibilité d'un référendum, en cas d'"enlisement" au Parlement, tout en précisant qu'il le ferait "avec beaucoup de précautions" », rappelle Ouest-France (06/11/2025). Cependant, l'effondrement de la cote de popularité d'Emmanuel Macron (11 % donc 89 % d'insatisfaits, selon le baromètre du Figaro Magazine du 30/10/2025) devrait rationnellement écarter cette hypothèse. Mais la rationalité inspire-t-elle encore la conduite de la politique française ?

Sur le site Le Club des juristes (16/10/2025 en lien ci-dessous), Yvonne Flour, professeur émérite des facultés de droit Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, expose les « raisons de s'inquiéter de la légalisation possible de l'aide à mourir ».

À retenir
  • Le gouvernement Lecornu vient d'annoncer le retour des débats sur la fin de vie à l'Assemblée nationale en février 2026.

  • Il s'agit d'examiner deux propositions de loi, l'une relative aux soins palliatifs, l'autre à l'instauration d'une "aide à mourir".
  • Leur examen avait été interrompu par la dissolution de l'Assemblée, puis retardé par les chutes successives des gouvernements Barnier, Bayrou et Lecornu 1.

  • Si le renforcement des soins palliatifs fait l'unanimité, le « droit à mourir » par l'euthanasie et le suicide assisté divise les parlementaires comme les médecins et juristes.

La sélection
Pourquoi les juristes (et les autres) ont quelques raisons de s'inquiéter de la légalisation possible de l'aide à mourir
Le Club des juristes
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1 commentaire
Jean-Marie
Le 07/11/2025 à 20:36
Merci d’avoir joint à votre lettre le remarquable article de Mme Flour
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