Spiritualité

Bientôt l'ère des animaux connectés : entre science, ésotérisme et business

Par Raphaël Lepilleur. Synthèse n°2592, Publiée le 06/11/2025 - Photo : L'IA pourrait bientôt vous aider à comprendre votre chien. Crédits : ChatGPT.
Récemment, l'entreprise chinoise Baidu a déposé un brevet pour une technologie censée traduire les animaux. L'homme, qui peine parfois à comprendre ses semblables, veut désormais discuter avec son chien. Derrière le fantasme d'un Google translate qui « connecterait » l'animal, c'est un marché immense qui s'ouvrirait.

Si nous imitons le monde animal à travers le biomimétisme, la signification de sa communication nous reste étrangère. Il s'agirait donc de comprendre pourquoi le chat a encore défoncé le canapé du salon ou pourquoi le chien continue de nous fixer avec un air hébété alors qu'on a tout tenté... Mais si tant d'entreprises s'y intéressent, c'est surtout parce que cela ouvrirait un nouveau segment sur le marché des animaux de compagnie (régi par l'émotionnel et quand on aime…). Dans un monde où la technologie avance à grande vitesse, Baidu semble en tête. Beaucoup de spéculations ont circulé, mais, au risque de décevoir, le but n'est pas de donner la parole à votre animal ni de le traduire mot à mot (on imagine des vidéos sur les réseaux du type : « Mon chien tient des propos d'extrême-droite, vous allez être choqué »).

L'aspect révolutionnaire tient à une association inédite d'acteurs et de technologies. En fait, il s'agit d'un système d'analyse émotionnelle et comportementale. L'idée est de fusionner plusieurs données issues de l'animal (sons, gestes, mouvements, rythme cardiaque, température corporelle, jusqu'aux pupilles), puis de les traiter à l'aide de l'IA, pour aboutir à des messages tels que « je veux sortir », « je suis anxieux » ou « je suis content ». Le brevet évoque un usage pour les animaux de compagnie et une possible intégration dans des objets connectés type colliers, caméras domestiques, capteurs portatifs… Aucun exemple d'application pour la « grande faune » (baleines, éléphants, primates…) ni pour un usage vétérinaire n'est mentionné. Et pour cause, la médecine animale utilise déjà les mêmes outils que pour les humains, et la bioacoustique est déjà bien avancée.

Cette innovation s'inscrit dans un mouvement plus large. En France, par exemple, Aivancity – école reconnue par l'État – a lancé en 2025 un centre de recherche interdisciplinaire (IA, neurosciences, éthologie et sciences du langage), pour tenter de « faciliter la communication entre humains et animaux domestiques », avec une approche similaire à celle de Baidu. Plusieurs usages sont envisagés, notamment le dressage ou la thérapie assistée par l'animal lui-même… À terme, les chercheurs imaginent une interface interactive, où l'IA deviendrait un interprète en temps réel. L'école souligne néanmoins qu'il faut éviter l'anthropomorphisme (attribuer à l'animal des intentions humaines), garantir la validité scientifique des interprétations, définir la responsabilité en cas d'erreur, et veiller à ce que ces outils servent le bien-être animal, non son contrôle ou son exploitation.

Le lien entre l'homme et l'animal a toujours existé, dans de nombreuses cultures, il reste fondamental. Dans le bouddhisme theravāda, par exemple, l'animal peut être une étape de réincarnation (considérée comme négative, car il y est difficile d'améliorer son karma). C'est ce lien, de l'ordre de l'indicible, qu'explorent encore certains praticiens à travers la « communication animale intuitive ». Parmi eux, Laila Del Monte, Américaine francophone, auteure, conférencière et formatrice, considérée comme pionnière dans le domaine. Elle affirme communiquer avec les animaux au-delà du langage. En France, Aurore Pramil a même fondé une école dédiée à cette approche qui repose, selon ses partisans, sur une résonance énergétique entre deux consciences. Elles revendiquent des résultats probants et semblent très sollicitées.

Ce courant, qui s'apparente à de l'ésotérisme, s'oppose de fait au christianisme (voir LSDJ n°2447) et suscite des critiques plus vastes. Certains y voient même une « dérive sectaire ». Une hostilité qui semble traduire une méfiance envers ce qui échappe à la rationalité. Monde matériel, monde immatériel… Éternelle querelle de croyances. Ce texte n'est pas un plaidoyer : si des dérives existent, elles doivent être dénoncées. Mais s'il est un domaine où la science reste désarmée, c'est bien celui de la conscience. Le Dr Jean-Jacques Charbonier, ancien ponte anesthésiste-réanimateur, l'a illustré avec sa théorie de la conscience intuitive extra-neuronale, selon laquelle la conscience ne se limiterait pas à l'activité cérébrale. Ses recherches sur les expériences de mort imminente et la vie après la mort, saluées puis rejetées, rappellent que tout n'est pas mesurable. Il parle aussi de « communication hypnotique animale télépathique ». Il souligne lui même que ses travaux rentrent dans le champ de la croyance.

Suggérer que la conscience pourrait dépasser le support biologique est une hypothèse insupportable pour la pensée matérialiste. Mais la science elle-même repose sur un acte de foi : celui que la raison peut tout expliquer, que tout est mesurable, et surtout que le réel se limite à ce que nos instruments captent. C'est pourquoi ces approches dérangent. On tente souvent de les discréditer, parfois de les faire taire. Charbonier dit avoir été (et être) persécuté, alors qu'il prône la coopération entre science et spiritualité, arguant que les deux sont complémentaires. Peut-être qu'entre ceux qui feront confiance à une IA pour diagnostiquer le stress de leur chien et ceux qui tenteront de se mettre à son niveau de conscience, il n'y a qu'une différence de foi.

À retenir
  • Au delà de donner la parole aux animaux de compagnie, ce serait un marché immense qui s'ouvrirait.
  • La technologie est très globale et prend en compte de nombreuses données issues de l'animal (par des objets connectés type collier), pour les retranscrire en phrase intelligible comme "je veux sortir".
  • Une méthode d'un autre ordre existe, il s'agit de la "communication animale intuitive". Comme souvent avec ce type d'approche, elle est très clivante. Certains allant jusqu'à la qualifier de "dérive sectaire".
  • Elle rentre dans une démarche plus globale, qui consiste à suggérer que la conscience pourrait dépasser le support biologique...
La sélection
Can AI help you talk to your pet ? China's Baidu wants to turn barks and meows into human language
A lire sur le site du Economic Times
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