Quelles chances pour Rishi Sunak, nouveau premier ministre britannique ?
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Quelles chances pour Rishi Sunak, nouveau premier ministre britannique ?

Par Peter Bannister - Publié le 07/11/2022 - Wikimedia Commons : Lauren Hurley / No 10 Downing Street
Après le mandat très éphémère de Liz Truss, son ancienne rivale pour succéder à Boris Johnson en tête du parti conservateur britannique, l'arrivée de Rishi Sunak comme nouveau premier ministre du Royaume-Uni n'est pas une surprise. Premier choix des députés conservateurs cet été, ouvertement opposé à l'expérimentation économique de Truss et de son chancelier de l'Echiquier Kwasi Kwarteng qui a fait paniquer les marchés financiers en septembre, l'ex-ministre des Finances Sunak est largement considéré comme le politicien conservateur le mieux placé pour restaurer la confiance dans l'économie britannique. À 42 ans, il devient le plus jeune chef du gouvernement depuis 200 ans et le premier issu de la diversité ethnique. Hindou pratiquant, sa nomination a été saluée en Asie du Sud avec enthousiasme comme une sorte de revanche historique sur Winston Churchill, opposant acharné de l'indépendance de l'Inde. Mais qui est Rishi Sunak et quelles sont ses chances de réussite ?

Né à Southampton en Angleterre, les racines de sa famille se trouvent dans l'Inde à l’époque du Raj britannique, ses grands-parents ayant habité à Gujranwala au Pendjab (dans l'actuel Pakistan) avant d'émigrer vers l'Afrique de l'Est en 1935, où ses parents se sont rencontrés avant de venir au Royaume-Uni dans les années 1960. Sa mère tenait une pharmacie, tandis que son père travaillait comme médecin, prenant un emploi supplémentaire pour pouvoir inscrire son fils au très exclusif Winchester College (frais annuels actuels de 43 000 £). Par la suite, Rishi Sunak a fréquenté l'université d'Oxford, puis Stanford en Californie après avoir travaillé pendant 3 ans comme analyste chez Goldman Sachs. La suite de sa carrière, avant de devenir député en 2015, s'est déroulée dans les services bancaires d'investissement. Sa fortune exceptionnelle, estimée à 730 millions de livres sterling, dépassant de loin celle du Roi Charles III, n'est pourtant pas due principalement à ses activités professionnelles. Elle résulte plutôt de son mariage avec Akshata Murthy, qu'il a rencontrée à Stanford et épousée en 2009, fille du « Steve Jobs de l'Inde » Narayana Murthy, fondateur du géant informatique Infosys basé à Bangalore.

Paradoxalement, l'immense richesse de Sunak est peut-être son plus grand handicap, comme le soulignent ses détracteurs à gauche et à droite (dont Nigel Farage, éminence grise du Brexit). Pour les premiers, l'ascension de Sunak scelle la domination croissante de la politique britannique par la City, tandis que Farage et d'autres souverainistes le rejettent comme un produit de l'élite mondialiste, bien considéré par le Forum Economique Mondial (dans les vidéos duquel Sunak est apparu au sujet du changement climatique et de la transition Net-Zéro) mais incapable de s'identifier aux Britanniques de la classe ouvrière. En particulier à ceux qui habitent les régions de ce qu'on appelle le « mur rouge », des électeurs traditionnellement fidèles au parti travailliste mais qui ont voté pour Boris Johnson en 2019. Propriétaire de multiples propriétés de luxe, dont une résidence à Santa Monica évaluée à 6 millions d'euros, et dont l'épouse a su profiter du statut « non-domicilié » pour éviter les impôts britanniques, Sunak arrivera-t-il à convaincre l'électorat d'accepter des mesures d'austérité apparemment inévitables ? Une austérité exigée par l'orthodoxie financière que Truss et Kwarteng avaient défiée avec leur annonce fatale de réductions d'impôts et d'emprunts en septembre, provoquant une crise de la livre sterling et des marchés obligataires.

Quelle que soit la solidité de sa réputation dans le monde de la finance, Rishi Sunak se trouve d'emblée confronté à une réalité économique des plus sombres. En augmentant son taux directeur à 3% pour lutter contre une inflation supérieure à 10%, la Banque d’Angleterre prévoit une récession historique en Grande Bretagne (8 trimestres consécutifs de contraction à partir de mi-2022). Face à l’envolée des prix de l’alimentation et de l’énergie, 4 millions d’enfants ainsi que 9,7 millions d’adultes (un foyer sur cinq) ont réduit leur consommation alimentaire pour des raisons budgétaires, selon des statistiques publiées par la Food Foundation le 18 octobre. Ces chiffres ont doublé depuis janvier. Avec des prix de l’électricité nettement supérieurs à ceux en vigueur en France, beaucoup de britanniques devront faire un choix radical entre chauffage et nourriture cet hiver. Le pays doit également faire face à d’autres problématiques qui mettraient n’importe quel premier ministre à rude épreuve, en partie liées au Brexit, dont Rishi Sunak était un partisan de la première heure. Ici on peut citer les appels à l’indépendance en Ecosse (très pro-européenne), mais aussi la question épineuse du protocole avec l’Irlande du Nord, censé maintenir la stabilité politique mais vivement critiqué. On verra aussi comment Sunak – sans expérience diplomatique – réagira face à Moscou, de plus en plus incliné à traiter le Royaume-Uni comme son ennemi numéro un en Europe, dont témoignent les dernières accusations directes contre Londres dans l’affaire du sabotage du Nord Stream.
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