Quand David Lisnard fait l'éloge de la subsidiarité
Politique

Quand David Lisnard fait l'éloge de la subsidiarité

Par Louis Daufresne - Publié le 03/06/2023
Qu’est-ce qu’une société subsidiaire ? David Lisnard, maire de Cannes et président de l’Association des maires de France (AMF), était invité à répondre à cette question dans le cadre de la 120e rencontre de l’Institut Éthique et Politique (IEP), laboratoire d’idées inspiré du catholicisme social. L’événement eut lieu le 9 mai à Paris au cercle national des Armées devant quelque 300 personnes. La figure montante de la droite LR illustra avec aisance et passion ce « sujet très méconnu » dont « la société française, si on parle de refondation politique, a vraiment besoin », selon Ludovic Trollé, président de l’IEP – qui en fait sa priorité, ainsi que l'atteste cette note de 38 pages intitulée Penser la subsidiarité, à la recherche du bien commun.

Dans une précédente LSDJ (n°1873), nous expliquions pourquoi ce principe nous est si étranger, alors que tant de pays le vivent naturellement. Aussi, qu’un politique français accepte d'en parler n’est pas si fréquent.

Son enracinement l’explique pour une part. Bien qu’il soit né à Limoges, David Lisnard a des racines azuréennes. Son arrière-grand-père fonde le marché Forville, situé au cœur du village historique de Cannes, au pied du quartier du Suquet. Ses grands-parents y tiennent une pension de famille. Son père footballeur professionnel débute à l’AS Cannes et sa mère, danseuse étoile, se produit à Bordeaux, Lille et Besançon. Après leurs carrières sportive et artistique, ses parents se reconvertissent dans le petit commerce. David Lisnard reprend l’une des boutiques familiales et fonde parallèlement un portail numérique destiné aux TPE-PME – qu’il vend avant de devenir élu.

Ce profil d’homme de terrain, l’édile cannois va s’employer à l’étoffer par une réflexion théorique, comme s’il cherchait à se doter d’un corpus dont il n’a pas hérité. L’élu veut « donner un sens parfois spirituel ou au moins intellectuel à des expériences de vie en confrontant tout le temps la décision et la documentation ». N’est-ce pas déjà l’antidote aux errements de la seule idéologie ?

Lisnard affirme être « un Monsieur Jourdain de la subsidiarité » dont il a « découvert très tard la quintessence philosophique, notamment du thomisme qui est magnifique d'ailleurs, ou des encycliques de Rerum Novarum ». Ses références peu habituelles marqueront le public.

Lisnard associe la subsidiarité à « la liberté, donc à la dignité, donc à la responsabilité », trois principes malmenés par les exécutifs, « gauche, droite, centre ». « Depuis une vingtaine d'années, il y a, dénonce-t-il, une recentralisation, une tutélisation à la fois financière et juridique ». La suppression de la taxe professionnelle, de la taxe d'habitation et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) n'empêche pas les prélèvements obligatoires d'augmenter. « Ce n'est pas en déresponsabilisant l'impôt que vous baisserez la pression fiscale », observe l’édile. Plus l'impôt s'éloigne, moins on le maîtrise.

Or, « en tant que maire, je veux rendre des comptes sur ma politique fiscale ! », s’écrie-t-il, d'autant qu'« en nous faisant quémander l’argent de l'État qui lui-même est surendetté, on amplifie la crise civique, qui est la seule crise majeure ».

Cette liberté diminuée s’ajoute au bridage juridico-administratif. Lisnard égratigne « toutes ces lois d'inspiration très soviétique » (lois SRU, Alur) ainsi que la loi climat et résilience, qualifiée de « bombe à fragmentation sur le zéro artificialisation net ». Car la lutte technocratique pour la biodiversité crée la pénurie de fonciers.

Lisnard s’en prend aussi au projet de loi industrie verte, « qui nous privera une fois de plus du droit de l'urbanisme, puisqu'une industrie décidée par des sachants de l'État (…) échappera à tout pouvoir d'urbanisme du maire ». Et de souligner un paradoxe : l’élu « ne peut pas s'opposer à une éolienne sur sa commune mais se voit refuser un panneau solaire sur sa mairie [située à] moins de 500 mètres d'un monument historique ». Le verdict tombe – qui résume tout : « C'est ça, la France. »

Lisnard vend le dynamisme des collectivités territoriales – qui ne représentent que 19% de la dépense publique (contre 39% en moyenne européenne) et 8,8% de la dette publique. Là-dessus, le bloc communal, « c'est 4,5% » seulement. Or, se félicite-t-il, « nous représentons presque 75% de l'investissement public ».

Par contraste, le maire de Cannes pointe la faillite d’un État obèse : « Les hôpitaux n'ont jamais coûté aussi cher aux contribuables et on a les soignants parmi les moins bien payés d'Europe, avec 34,2% de postes administratifs, là où c'est 25 en Allemagne et 24% en Suède, pour prendre des pays très administrés. » Le mal français se manifeste dans l'émiettement des compétences, la suradministration. Et « plus l’État prélève, moins il y a de régaliens. » Lisnard préconise, comme en son temps Michel Debré, d’avoir des communes et de grands départements. Des communes où, citant Tocqueville, « réside la force des peuples libres ». Nul doute que, dans son esprit, cette citation exprime au plus juste ce qu'est la subsidiarité.
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