Présidentielle : la revue Mission confesse les candidats
Spiritualité

Présidentielle : la revue Mission confesse les candidats

Par Louis Daufresne - Publié le 01/04/2022
Dans la course à la présidentielle, il y a 12 candidats, comme les apôtres, alors pourquoi ne pas leur demander ce qu’ils pensent de Jésus ? La revue Mission leur pose la question à la manière de l’Évangile : « Et vous que dites-vous ? Pour vous qui suis-je ? » Cela donne un hors-série tiré à 11 000 exemplaires, disponibles en kiosque pour 4,90€, soit deux fois moins que celui des slow media édités par Première Partie, comme la revue écolo conservatrice Limite ou le magazine Jésus, connu pour sa une avec le footballeur Olivier Giroud.

Ce numéro « spécial présidentielle » s’appelle « 9 candidats face à Jésus », trois d'entre eux ayant décliné l’invitation (Fabien Roussel, Nathalie Arthaud et Philippe Poutou). Pour Emmanuel Macron, l’interview provient de deux essais de Samuel Pruvot, directeur de la rédaction de ce hors-série, Conversations avec le président (Cerf, 2022) et Les candidats à confesse (Le Rocher, 2017). C’est « un coup éditorial », fait valoir ce responsable de Famille Chrétienne, artisan du projet. Un coup d’autant plus osé que la revue Mission n'a que deux numéros au compteur.

Mais l'idée ne sort pas de nulle part. Elle s'inspire du Congrès Mission, créé en 2015 par le mouvement d’évangélisation Anuncio. Á la fois forum et festival, c'est l’un des événements du tout-catho hexagonal. Le risque de vendre du papier en kiosque est ainsi pondéré par la mobilisation potentielle de communautés zélées qui, sans être mues par un sens politique, cherchent à sortir le catholicisme de ses catacombes, même en allant draguer les âmes devant les bouches de métro. C’est ici, sur une forme de militance, que les deux milieux – politique et religieux – se rejoignent, à défaut de se comprendre.

La revue Mission fait mentir les « catholiques zombies » pointés par l’anthropologue Emmanuel Todd, interviewé dans le second numéro. Un tiers des pratiquants d’avant Covid ne reviendront pas à l’Église. Les milieux se disant « missionnaires » ne se satisfont pas de cette démobilisation générale ni de l’apathie de l’institution.

Côté candidats, on jugea utile d’aller chasser la sociologie permettant d’approcher le vote catholique, si difficile à définir. Le fait que la revue Mission existe depuis peu fut sans doute un atout pour convaincre les postulants à l’Élysée de s’y exprimer. L’attrait de la nouveauté s’ajoute au côté intime du concept : ce n’est pas « que pensez-vous de la place de la religion ou de l’Église ? » mais « qui est Jésus pour vous ? »

Sans déflorer ces confessions, dont le seul regret est qu’elles ne soient pas plus longues, on y décèle – et c’est normal – un double message subliminal : un appel du pied électoral et, parfois, un coup de frein philosophique. Citons-les par ordre d’apparition :

– Nicolas Dupont-Aignan renvoie à son livre France, lève-toi et marche ! (Fayard, 2016), passage de l’Évangile correspondant « tout à fait à la réalité de la France ». Pour lui, « Jésus, c’est Celui qui sauve l’homme ». Une tonalité humaniste dit : « Chaque être est égal en dignité », même si tous les candidats ne seront pas égaux en voix ;

– dans le même esprit, Anne Hidalgo se décrit comme « une femme humaniste ». À ses yeux, Jésus est « un homme capable d’ouvrir un chemin complètement improbable ». Comme le sien ?

– pour Yannick Jadot, « Jésus serait écolo aujourd’hui » – c'est tellement évident –. Ce qu’il apprécie chez lui, « c’est la radicalité », laquelle est « christique ». Pas sûr que la sienne le soit tout autant ;

– Jean Lassalle qualifie Jésus de « petit frère » et le trouve un peu « couillon » car « il parle quand il devrait se taire ». Son propos est l’un des plus personnels ;

– Marine Le Pen voit Jésus comme « le symbole même du sacrifice » fondamental, tous les autres en étant le reflet. Ainsi « on peut sauver son pays par le sacrifice consenti de sa propre vie ». Jeanne d'Arc, sors de ce corps !

– Emmanuel Macron dit « nous les catholiques », cite Paul Ricoeur et saint Augustin mais pas Jésus. « Il y a une part de mystique dans la politique », juge-t-il. Lui, il n'est pas près d'atterrir ;

– sans surprise, Jean-Luc Mélenchon retient dans Jésus « la figure subversive (…) qui embrasse la conflictualité » et l’universalisme. Il sait nous toucher quand il parle de sa mère et de son « expulsion de la communauté catholique de Tanger » ;

– Valérie Pécresse se dit « profondément laïque » puis voit dans l’Évangile « un amour déraisonnable qui [l]'inspire ». « Je me suis engagée en politique pour donner », ajoute-t-elle. En recevra-t-elle autant ?

– enfin, Éric Zemmour relève qu’« avec Jésus, (…) on conçoit une séparation entre le spirituel et le temporel. La religion devient quelque chose de l’ordre de la foi ». Selon lui, ces deux points créent « une distinction entre ceux qui les acceptent et ceux qui les récusent ». Cliver, c’est gagner. Mais appartenir au peuple élu ne signifie pas qu'on le soit dès le premier tour...

Bien illustré par Nicolas de Palmaert, ce hors-série fut fabriqué en dix jours. Une belle prouesse, et qui sait, un petit miracle.
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