Spiritualité

Les « miracles eucharistiques » : légendes pieuses ou réalité ?

Par Peter Bannister - Publié le 09/09/2023 - Image : hostie, Lanciano, Italie. Crédit photo : AFC photo / Wikimedia Commons

Périodiquement, la relation entre science et religion devient un sujet de débat public, comme l'ont montré les diverses réactions au livre à succès récent Dieu, la science, les preuves. Pour certains, croyants ou non, juxtaposer les mots « preuve » et « Dieu » est une contradiction logique. Pour un athée convaincu, l'idée d'une preuve d'un être inexistant serait risible, tandis que certains croyants affirment que la foi et les « preuves de l'existence de Dieu » sont des concepts irréconciliables, dans le sens où le second écraserait le premier. Selon cet argument, un Créateur qui obligerait les gens à croire par des preuves irréfutables de son existence ôterait toute liberté religieuse à ses créatures. Pour d'autres, cependant, une religion qui ne s'appuie sur aucune preuve vérifiable appartient aux « croyances » (comme l'affirmation de l'existence des fées) et bascule dans l'irrationnel pur. Dans ce contexte, la question des « miracles » comme signes de l'action divine est particulièrement épineuse, surtout lorsque la science est appelée à se prononcer sur les faits. C'est précisément ce qui s'est passé récemment au Honduras, où l'Église a demandé à deux laboratoires de tester un « miracle eucharistique » survenu en 2022 dans le petit village d'El Espinal.

Pour l'Église catholique, ces « miracles » (dont plus de 130 ont été officiellement approuvés) confirment que le pain (l'hostie) et le vin consacrés au cours de la messe deviennent réellement le corps et le sang du Christ. Dans certains cas, il s'agit d'hosties consacrées laissées mystérieusement intactes par le feu (comme à Faverney en 1608) ou échappant au processus normal de décomposition (Sienne, 1730). Dans d'autres cas, on découvre du sang humain sur une hostie ou sur du matériel en contact avec elle. Un des plus célèbres événements de ce type a eu lieu à Lanciano, en Italie, au 8e siècle, où un moine sceptique aurait vu le pain et le vin changés en chair et en sang. Ce n'est toutefois qu'à notre époque, grâce aux avancées de la recherche médico-légale, que la science a pu tester la tradition religieuse. À Lanciano, le professeur Linoli d'Arezzo a examiné en 1970-71 un échantillon vénéré comme miraculeux par les franciscains locaux. Au départ, ces derniers craignaient qu'un tel test rigoureux ne déconstruise leur tradition ancestrale, mais l'étude de Linoli confirma que ce qu'on présentait comme la chair du Christ était effectivement du tissu musculaire cardiaque d'un être humain du groupe sanguin AB (un groupe parmi les plus rares). Une conclusion étonnante qui s'est reproduite dans d'autres cas décrits dans un livre récent du cardiologue Francesco Serafini, dont celui de Buenos Aires (1992-1996), testé par le Dr Frederick Zugibe (Columbia University) sans savoir la provenance de l'échantillon concerné.

En juillet 2023, plus de 1200 ans après l'événement à Lanciano, l'évêque hondurien Mgr Walter Guillén Soto a ratifié des faits analogues à El Espinal. Le 9 juillet 2022, José Elmer Benitez, un laïc catholique chargé de distribuer des hosties déjà consacrées pour une communauté sans prêtre, a découvert un linge d'autel taché d'un liquide rouge dans le tabernacle où les hosties étaient conservées. Le linge a été envoyé à l'évêque Soto, qui l'a transféré au centre médical de Santa Rosa de Copan pour évaluer les niveaux d'oxydation et de dilution du « sang ». D'autres tests plus approfondis ont ensuite été effectués au centre de toxicologie de Tegucigalpa. La conclusion a été que les taches étaient bien du sang humain, type AB - le groupe sanguin trouvé non seulement à Lanciano, mais aussi dans tous les cas de miracles eucharistiques approuvés, ainsi que sur le suaire de Turin. L'évêque a déclaré qu'il ne doutait pas de la crédibilité des tests ni des rapports des témoins oculaires, parlant du « signe extraordinaire, tangible, sensible, vérifiable de cette manifestation du sang du Seigneur ».

Les « miracles eucharistiques » devraient-ils être considérés comme des « preuves » de la vérité de la foi chrétienne, et plus spécifiquement de la doctrine catholique concernant l'Eucharistie ? Tout dépend de la définition du mot « preuve ». Si on se limite aux démonstrations mathématiques, aux déductions logiques imparables ou aux phénomènes reproductibles en laboratoire, alors non. En revanche, si par « preuve » on veut dire « indices suffisants pour arriver à des conclusions raisonnables », le mot paraît plus utilisable. Dans des cas comme Lanciano et El Espinal, la science se heurte à ses propres limites face à des questions auxquelles la recherche empirique seule ne saurait répondre. Pourquoi ces phénomènes mystérieux sont-ils presque identiques à travers le temps et l'espace , jusque dans les moindres détails, révélés par la science moderne, dont ceux qui y ont cru dans le passé (dans le cas de Lanciano) ne soupçonnaient même pas l'existence ? Et quand assisterons-nous à un vrai débat ouvert et sans a priori entre croyants et sceptiques à ce sujet ?


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1 commentaire
Bruno
Le 10/09/2023 à 12:40
Trés heureux du miracle eucharistique d'El Espinal, qui se produit dans le cadre d'une célébration sans prêtre présent et justifie le port de la communion aux communautés isolées.
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