Macron tel qu’en lui-même, la France dans tous ses états
Politique

Macron tel qu’en lui-même, la France dans tous ses états

Par Philippe Oswald - Publié le 24/03/2023 - Photo : Emmanuel Macron pendant son intervention télévisée du 22 mars (Ludovic Marin / AFP) (
Il n’y avait aucun suspense...et pourtant le président de la République aura réussi à surprendre les téléspectateurs lors de son intervention du mercredi 22 mars à 13h. Pour l’essentiel, Emmanuel Macron avait tout dit la veille, à l’Élysée, devant les députés de son camp : après le passage au 49,3 de la réforme des retraites à l’Assemblée nationale, après la motion de censure évitée de justesse, pas de changement de Premier ministre, pas de dissolution, pas de référendum. Le tout pimenté par une saillie sur « la foule » qui n'a « pas de légitimité face au peuple qui s'exprime souverain à travers ses élus ». Mais loin de tempérer son discours de mardi, son intervention télévisée de mercredi ne s’est pas départie de l’aspect provocateur qui colle à la personnalité d’Emmanuel Macron. Il n’avait pas cherché à cacher son peu de sympathie pour les « Gaulois réfractaires », ou les non vaccinés qu’il s’agissait d’« emmerder » ; il continue à toiser les Français hostiles à sa politique sociale (83% selon un sondage Cnews) non, à l’en croire, parce que la réforme des retraites serait injuste ou inopportune dans le contexte actuel, mais parce qu’il ne la leur avait pas assez bien expliquée. « S’il faut endosser l’impopularité aujourd’hui, je l’endosserai », a-t-il affirmé dans cet entretien télévisé. « Je n'ai pas de regrets », sauf celui de ne «  pas avoir réussi à convaincre sur la nécessité [de la réforme] » , a-t-il assuré tout en soulignant que l'évolution démographique ne lui donnait pas d'autre choix que d'allonger l'âge légal de départ à la retraite (ce qui paraît incontestable à moyen et long terme mais fort contestable dans les circonstances actuelles – sauf à avouer que la véritable urgence tient aux exigences des créanciers de la France). Le texte qu’il veut voir entrer en application avant la fin de l'année s’il obtient le feu vert du Conseil constitutionnel, sera toutefois assorti de quelques mesures «  sociales » d'accompagnement. Pas de quoi amortir la contestation.

Le président a offert à celle-ci une cible déjà copieusement criblée : Élisabeth Borne. Si la première ministre garde la « confiance » du président, elle doit encore faire ses preuves. Selon le président, c’est elle qui aurait « souhaité engager sa responsabilité » en recourant au 49.3 (comme si elle avait pu mettre en œuvre cette procédure sans son accord…) Elle doit à présent « continuer à élargir cette majorité autant qu’elle le pourra », annonce Emmanuel Macron, sans trop paraître y croire car il ajoute : « J’espère qu’elle y arrivera »... Comment en effet ce qui s’est avéré être une mission impossible au lendemain des législatives de juin 2022, pourrait-il être réalisé dans l’atmosphère quasi insurrectionnelle de ce printemps 2023, à l’Assemblée comme dans la rue ? Par un réflexe de salut public, un retournement de l’opinion excédée et effrayée par l’état du pays ? Pari risqué… mais dont on ne jurerait pas qu’Emmanuel Macron ne saurait l’envisager.

Que va faire le président de la République des quatre années restantes de son second quinquennat ? Assurant qu’il n’a pas « droit à l’immobilisme », il énumère les chantiers : l’école, l’hôpital, l’écologie, l’ordre républicain, la réindustrialisation... Mais la loi sur l’immigration, un des sujets qui préoccupent le plus les Français, se voit reportée et découpée en « plusieurs textes » … probablement pour être plus discrètement enterrée. Après avoir fait adopter à la hussarde un allongement de l’âge de la retraite rejetée par une majorité de Français dans sa forme actuelle, le président Macron va-t-il faire passer à la trappe une demande identitaire et sécuritaire exprimée par quasiment autant de citoyens ?

Selon un sondage Odoxa-Backbone consulting réalisé pour Le Figaro (23 mars) au lendemain de l’intervention télévisée du président, celle-ci a eu des effets contre-productifs auprès du trois-quarts (76%) des quelque dix millions de Français qui l’ont suivie, et « semble avoir aggravé le climat social. » Le président a donné l'impression de ne pas comprendre leurs préoccupations (71%) et de ne pas prendre « la mesure de la gravité de la situation » (70%). Enfin, et peut-être surtout, tant le pouvoir a besoin d’une incarnation, Emmanuel Macron est perçu comme n'ayant été ni rassurant (79%), ni modeste (78%).

Et ce qui devait arriver arriva : les manifestations du 23 mars ont tourné à l’émeute dans plusieurs villes de France, capitale en tête. Faut-il pour autant tout faire endosser à Macron et à sa (paramétrique) réforme des retraites ? L’embrasement qui a pris prétexte des propos présidentiels et du recours à l’article 49,3 révèle une crise sociale et politique bien plus profonde, souligne Vincent Trémolet de Villers dans son éditorial du Figaro (en lien ci-dessous) : la «  grande déglingue (…) d’un pays hanté par son déclin économique, sa fragmentation culturelle, son vieillissement  (…), un pays qui donne l’impression, lui aussi, de vouloir prendre sa retraite… »
La sélection
Macron tel qu’en lui-même, la France dans tous ses états
Grande déglingue et malaise français
Le Figaro
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