Macron au Kremlin : un coq dans la tanière d'un ours
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Macron au Kremlin : un coq dans la tanière d'un ours

Par Ludovic Lavaucelle - Publié le 10/02/2022
Emmanuel Macron a saisi l’occasion de la crise ukrainienne pour mettre en avant sa posture de « chef » européen. Rien de tel qu’un voyage là où se déroule une crise grave pour parfaire son image de Président-bientôt-candidat et laisser son gouvernement en première ligne pour affronter les multiples problèmes auxquels la France est confrontée. Si les efforts diplomatiques demandent souvent de la patience pour porter leurs fruits, on peut néanmoins déjà dire que Vladimir Poutine semblait très loin d’être impressionné par cette rencontre. Il y a eu d’abord l’accueil glacial réservé au nouveau président du Conseil de l’Union européenne et, pour finir, le démenti cinglant du Kremlin après qu’Emmanuel Macron eut déclaré qu’il avait obtenu des engagements russes d’enclencher une désescalade. Sur 140 000 personnes qui ont participé à un sondage en ligne du Figaro, 60% estiment que ce voyage a été un échec.

La dure réalité géopolitique s’impose : les Russes ne veulent discuter qu’avec les Américains quelles que soient les gesticulations européennes. Outre la question capitale de la puissance militaire, l’influence de la France est minée par un problème fondamental, selon Gavin Mortimer pour The Spectator (voir son article en lien). Quelle légitimité peut avoir un dirigeant occidental, qui vient la tête haute pour donner des leçons « d’État de droit » et de morale à un « despote » – quand, dans son propre pays, une partie de la population ne peut pas manger au restaurant, aller au cinéma ou faire du sport en équipe à cause du refus d’une injection ? La politique sanitaire française est aujourd’hui l’une des plus restrictives au monde et elle est de plus en plus remise en question, en France comme à l’étranger. Au Royaume-Uni, en Espagne, au Danemark et en Irlande, les masques sont tombés et les passeports vaccinaux aussi. Emmanuel Macron, en porte-parole de la démocratie libérale, a eu l’air d’un coq à la crête gonflée d’orgueil face à un ours tout aussi mal léché que méprisant devant un chef d’État qui a déclaré vouloir « emmerder » une partie de son peuple.

La crise de la Covid-19 a dévoilé la situation inquiétante de la France, continue Gavin Mortimer. La violence, l’anxiété générale sont omniprésentes depuis près de 7 ans, comme symptômes d’une maladie qui couvait depuis plus longtemps. Entre les terribles attaques islamistes (130 morts rien qu’en novembre 2015) et les « Gilets Jaune » en 2018, la France est restée dans un « état d’urgence » presque permanent. L’attitude agressive, voire insultante, du Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin confronté aux chiffres catastrophiques de l’insécurité, face à une journaliste de BFM-TV cette semaine, a fait le tour des médias, y compris internationaux.

Le plus surprenant finalement est sans doute cette léthargie dans l’opinion française qui étonne en dehors de nos frontières. Les sondages semblent indiquer une assez large acceptation des mesures liberticides dans un pays pourtant connu pour son goût de la contestation. Les protestations sont restées très calmes, contrairement à ce qui s’est passé à Rotterdam, Bruxelles ou Berlin. Le départ de « convois de la liberté » de plusieurs villes de province indique peut-être un tournant, un retour des « Gilets jaunes » sous une forme différente. Le gouvernement français est nerveux car les élections approchent. Les sondages donnent toujours une confortable avance au candidat putatif Emmanuel Macron. Quelle fiabilité accorder à ces chiffres après les écarts constatés lors des dernières échéances et l’armée silencieuse des abstentionnistes ?

Pour Gavin Mortimer, qui vit en France, le système des parrainages montre à lui seul combien la démocratie française est malade. La candidate Hidalgo a déjà dépassé le seuil des 500 signatures nécessaires alors que les sondages ne lui accordent qu’une part microscopique des voix. Emmanuel Macron, qui « n’a pas encore pris sa décision », en détient déjà près du double. Le candidat communiste (entre 3% et 5% dans les sondages) a plus de 300 noms de maires sur sa liste, le double de Marine Le Pen et Eric Zemmour réunis qui totalisent à eux deux entre 25% et 30% des voix. Ces deux candidats se plaignent du chantage qu’exercent les grands partis sur les édiles locaux. Les administrations territoriales font comprendre à ces derniers que le soutien financier à leurs projets dépend de leur attitude lors des parrainages. Quelle que soit l’opinion qu’on peut avoir sur les candidats et leurs programmes, c’est un système quasi-mafieux qui sclérose la démocratie française.

Comment donc être crédible face à Vladimir Poutine dans une telle situation ? On ne peut pas espérer, conclut Gavin Mortimer, débloquer une crise internationale opposant des géants quand sa propre basse-cour est dans un état aussi déplorable…
La sélection
Macron au Kremlin : un coq dans la tanière d'un ours
Can Macron really lecture Putin about democracy ?
The Spectator
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