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Libération ment sur les meurtres commis par l'extrême droite

Par Stanislas Gabaret. Synthèse n°2555, Publiée le 24/09/2025 - Photo : Le journal Libération, référence médiatique, est pris en défaut par une fake news. Crédits : Shutterstock.
« Hé fasciste attrape ! » L'assassin de Charlie Kirk avait pris le soin de graver sa vindicte sur ses projectiles. Mais le journal Libération s'est empressé de prendre l'actualité à contre-pied : 93 % des assassinats « extrémistes » aux États-Unis seraient commis par des individus d'extrême droite. Un chiffre qui ne résiste à aucune analyse. Il ne correspond même pas à l'étude citée par Libé...

Ce lundi 22 septembre, Donald Trump a signé un décret classant le mouvement antifa dans la liste des organisations terroristes. Certains, à gauche, s'en sont indignés, accusant le président américain de diaboliser l'opposition. Pourtant, les faits ne lui donnent pas tort. En témoigne cette liste non exhaustive : Aldo Moro, (président de la Démocratie chrétienne, exécuté par les Brigades Rouges en 1978) ; Georges Besse (patron de Renauld, tué par Action Directe en 1986) ; Alfred Herrhausen (président de la Deutsche Bank, mort en 1989 aux mains des Fractions Armées Rouges) ; et aujourd'hui Charlie Kirk, figure de proue de la jeunesse MAGA. L'assassinat politique est une tradition chez une frange de l'extrême gauche. Donald Trump avait lui-même subi deux tentatives de meurtre avant d'être réélu.
On pourrait extrapoler les comparaisons et arguer que ces attentats ne sont rien, comparés aux crimes des dictatures réputées de droite. Mais alors, il faudrait aussi se pencher sur l'histoire de la Kolyma, entre autres, ce désert de glace au nord-est de la Russie, où étaient déportés les dissidents politiques sous Staline.

Trois jours après la mort de Charlie Kirk, le journal Libération s'est distingué par l'affichage d'une statistique attribuée à l'Anti Defamation League (ADL) : 93 % des meurtres extrémistes aux États-Unis seraient commis par l'extrême droite. Le deuil aura été de courte durée. L'ADL se présente en « leader mondial dans la lutte contre l'antisémitisme, l'extrémisme et le sectarisme, où qu'il se produise et à tout moment ». Source non reconnue par Wikipédia à cause de ses positions sur le conflit israélo-palestinien, cette ONG a produit une étude – sans données officielles – concluant au résultat de 76 % (notre sélection). Un premier constat montre donc que Libération a confondu les chiffres et les dates de façon consternante. Et le suivant indique que, loin d'une observation impartiale, les chiffres de l'ADL étaient déjà faussés.

Premier problème, l'étude reconnaît comme une limite le fait d'avoir identifié plus facilement les suprémacistes blancs : « Les liens entre meurtres et extrémisme sont plus faciles à établir pour certains groupes que pour d'autres. Par exemple, les suprémacistes blancs, qui affichent souvent de nombreux tatouages racistes ou sont identifiés comme tels par les enquêteurs [...] ».
De plus, l'ADL range pêle-mêle dans l'extrême droite : les mouvements complotistes, le masculinisme toxique, ainsi que les « citoyens souverains » (antigouvernementaux). Mais où sont classés les féministes toxiques et les anarchistes de gauche ? « Il est probable que les meurtres non idéologiques commis par des extrémistes autres que des suprémacistes blancs ou des sovereign citizens soient sous-représentés dans les données de l'ADL », souligne le rapport, sans expliquer pourquoi les motivations des « autres extrémistes » seraient moins idéologiques que celles d'un suprémaciste blanc.

Une autre faiblesse majeure : l'Anti Defamation League fait des liens plus que hâtifs entre l'idéologie du meurtrier et le motif du crime. Plusieurs des homicides cités ont lieu dans des contextes intrafamiliaux, où les tensions et les circonstances peuvent dépasser le cadre des idées politiques. D'autres concernent des vols à main armée, des prisonniers en évasion (l'ADL affirme ne pas disposer des sources pour un bilan complet des meurtres en prison) et la mise à mort atroce d'une fillette de 11 ans (sans plus de précisions sur ce qui l'a motivée). Libération résumait : « Les causes des meurtres sont multiples, allant du terrorisme aux crimes haineux, ou liées au trafic de drogue ou au crime organisé. » On note une confusion des genres manifeste, du moins dans l'expression. Est-ce parce qu'un meurtre est haineux qu'il est forcément motivé par une idéologie ?

Troisième biais : le rapport de l'ADL reconnaît que les chiffres sont périmés. Aujourd'hui, le faible nombre de meurtres présentés comme extrémistes (13 en 2024) rendent la statistique très variable dès qu'une tuerie a lieu. Le 1er janvier 2025, à la Nouvelle-Orléans, un islamiste à bord d'un pick-up a tué 14 personnes. À un jour près, pour l'année précédente, 50 % d'entre eux seraient d'origine islamiste. Sans compter que l'étude part de 2015. Quel aurait été le résultat si elle avait commencé en 2001 ?

Et surtout, l'extrême droite n'est en aucun cas la principale cause des meurtres aux États-Unis. Selon les données récentes, les meurtres extrémistes selon l'ADL représentent 0,10 % au regard de la masse des homicides.

On pourra reconnaître à l'ADL, citée par Libération, le mérite de décrédibiliser ses propres conclusions. Le service Fact checking du journal n'a pourtant rien trouvé à redire, lui d'habitude si prompt à séparer le bon grain de l'ivraie. Le meurtre de Charlie Kirk a déclenché l'ire de la droite américaine, autant qu'il a fait disjoncter une partie de la gauche (Voir LSDJ n°2550). Une émission de France Télévision a comparé le rassemblement lui rendant hommage à une grand-messe nazie. Libération avait déjà choisi de remettre en question l'affiliation politique du tueur, pourtant manifestement revendiquée.

À retenir
  • Libération affirme que 93% des meurtres extrémistes aux États-Unis sont commis par des individus d'extrême droite. La source citée par le journal donne 76%.
  • L'étude citée présente des failles méthodologiques qui lui font perdre toute crédibilité.
  • La mort de Charlie Kirk prouve que l'assassinat politique reste une tradition chez une frange de l'extrême gauche. 
La sélection
Murder and Extremism in the United States in 2024
Lire sur le site de l'Anti Defamation League
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