
Les pâtes carbonara sont-elles sectaires ?
« Le monde devient de plus en plus inclusif. La nourriture devrait l'être également » explique Barilla. Mais au fond, qui s'est jusque-là posé la question de savoir si cette recette était ou non « inclusive », si tant est que cela veuille vraiment dire quelque chose ? A contrario, se sentir obligé de proposer une nouvelle recette pour un plat aussi basique et populaire sous-entend que la recette actuelle exclut, serait discriminatoire… Mais quel ingrédient faut-il donc accuser de sectarisme ? La carbonara traditionnelle, plat d'origine romaine, associe spaghettis, guanciale (viande séchée à base de joue de porc), pecorino romano, œufs et poivre. De quoi, sans doute, écarter de la table toute personne mangeant halal ou casher. Certes, les amateurs de régime végétalien, sans gluten voire sans lactose, sont également concernés par la question.
Alors, comment faire pour que personne ne se sente discriminé si vous osez servir des pâtes carbonara ? Il suffit de changer entièrement la recette tout en prétendant qu'elle est identique. Comme on démonte les statues ou l'on réécrit les livres, Barilla invente ici une sorte de wokisme culinaire, bien sûr animé des meilleures intentions du monde. Ainsi, « Barilla et sa Food Academy ont puisé profondément dans leurs racines italiennes et ont fait appel à une équipe d'experts en alimentation pour créer une recette de Carbonara à savourer par tous », explique la marque. Dirigés par le célèbre chef Marco Martini, ces experts « venus de divers horizons culturels » ont ainsi créé une nouvelle recette : pâtes sans gluten, pommes de terre, flocons de soja, safran et céleri-rave… « Ils ont soigneusement sélectionné la nouvelle version pour préserver l'intégrité, la texture et la saveur de Carbonara », affirme, sans rire, Barilla. Il eut sans doute été trop simple de proposer de partager le même plat de pâtes à ses amis ou collègues, avec la préparation carbonara servie à part, à mélanger aux pâtes, laissant le convive concerné ajouter un peu de tomates, de fromage ou d'huile d'olive ou autre, selon ses goûts et ses croyances. Dans cet exercice de « cancel culture » culinaire, s'ouvrir à l'autre passe-t-il obligatoirement par le fait d'effacer ses propres traditions ? Faut-il vraiment changer la cuisine italienne pour la partager et l'apprécier partout à travers le monde ? Sans doute pas. Les gastronomes Français attendent en tout cas avec impatience la future recette du cassoulet inclusif…