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The Lancet fête ses 200 ans : une histoire très politique depuis sa naissance

Par Ludovic Lavaucelle - Publié le 17/10/2023 - Photo : Shutterstock

C'est la publication scientifique qui est devenue la « bible » des chercheurs… Son image prestigieuse l'a transformée en passeport pour les postes académiques les plus en vue. The Lancet était en 2022 la publication la plus influente du monde scientifique, doublant son indice d'impact par rapport à 2021. Le 5 octobre 2023, The Lancet a fêté ses 200 ans d'existence et – sans surprise – cet anniversaire a été l'occasion d'une édition spéciale reprenant toutes les grandes découvertes mises en avant par la revue. Aucun récapitulatif des faux-pas, on pouvait s'y attendre… La célébration en fanfare pourrait surprendre néanmoins : la réputation du Lancet a été battue en brèche par des rétractations spectaculaires pendant la crise du Covid. L'honnêteté de la revue a même été remise en cause. Et pourtant… The Lancet est dans son élément rappelle Ashley Rindsberg pour UnHerd (voir l'article en lien).

Cette vieille dame de 200 ans a eu une vie remplie de controverses et de scandales ! Celui qui lui a donné naissance est un médecin au tempérament bien trempé. Thomas Wakley, né en 1795, était aussi un activiste radical qui concevait la science – la médecine en particulier – comme un champ éminemment politique… Marié à une riche héritière, fille d'un directeur d'hôpital, il a profité de l'appui de son beau-père pour ouvrir son cabinet à Londres. Installé luxueusement, tout s'annonçait bien pour Wakley jusqu'à un soir de 1820. On frappe à la porte : un gang s'engouffre et casse tout. Il en sort indemne mais l'hôtel particulier qui abrite son cabinet est en cendres… Les assaillants ont cru (sans doute à tort) que Wakley avait trahi les conspirateurs de Cato Street. Le Royaume-Uni traversait une grave crise sociale et économique à la sortie des guerres napoléoniennes. Les idées révolutionnaires avaient infusé dans le pays inspirant ces conspirateurs qui comptaient assassiner les membres du gouvernement et installer un « comité de salut public ». Des informateurs ont permis leur arrestation suivie de l'exécution de 5 meneurs le 1er mai 1820. Les agresseurs de Wakley connaissaient ses opinions radicales mais son implication dans le complot n'a jamais été prouvée… Bref, il sort de cette histoire ruiné et la légende dit que The Lancet est né de la révolte contre une injustice : la compagnie d'assurance refusa de verser une indemnité. Wakley dut engager un procès qu'il gagna. Sa réputation émergea – littéralement – des cendres de son cabinet comme un pourfendeur d'injustice et The Lancet fut lancé en 1823. Revue militante, elle a dès sa première parution mené un combat contre les institutions conservatrices de son pays.

La vision de Wakley était en ligne avec ses opinions progressistes : la science est une lumière devant guider la politique. The Lancet s'est fait le porte-voix des rebelles de la médecine contre l'institution conservatrice : une lutte manichéenne du « Bien » contre le « Mal ». L'hyperbole ne faisait pas peur à Wakley qui dénonçait en 1828 « l'hydre de la corruption médicale », personnifiée par les chirurgiens accusés de conduire des expériences sur les plus pauvres. As de la promotion, Wakley racontait dans le détail des opérations ayant échoué avec le style d'un procureur. Il en a perdu des procès en diffamation ! Mais le roublard Wakley savait que c'était la meilleure des promotions pour son journal. La véracité des faits passait après le but politique : la science était un instrument politique pour changer la société…

200 ans plus tard, le monde a bien changé, mais il est remarquable de constater que The Lancet est resté fidèle à son ADN : les scandales n'effraient pas la revue médicale. Rebelle quand les radicaux comme Wakley affrontaient l'Angleterre conservatrice de l'ère victorienne, elle a juste sauté la barrière pour servir un système aujourd'hui dominé par les progressistes. La crise du Covid a démontré cette volte-face. Début juin 2020, The Lancet s'est vu obligé de retirer un article contre l'hydroxychloroquine – le médicament anti-malaria que l'administration Trump (et le professeur Raoult en France) avaient mis en avant. La raison : cet article qui dénonçait violemment ce traitement comme inefficace et même dangereux était fondé sur des données faussées. Une telle fraude a fait scandale comme tant d'articles dans l'histoire de la revue mais le mal était fait : pendant 2 mois, les médias se sont appuyés sur The Lancet pour marteler que l'hydroxychloroquine devait être proscrite… Pas moins de 8 articles sur le Covid ont été rétractés par la revue ces 3 dernières années. L'intégrité des informations passe après l'agenda idéologique : le « progrès social » prime sur les découvertes scientifiques. Horton, le dirigeant actuel du Lancet, est un militant : « la communauté scientifique doit se politiser encore plus » a-t-il déclaré au Financial Times. Ami de la Chine (Horton a été récompensé par Pékin en 2015), The Lancet avait qualifié en février 2020 de « raciste » l'hypothèse d'un accident de laboratoire …

La sélection
The Lancet was made for political activism
Lire l'article sur : UnHerd
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