La disputatio : une technique millénaire pour mettre ses idées au clair
Société

La disputatio : une technique millénaire pour mettre ses idées au clair

Par Cécile Labrousse - Publié le 07/05/2022
Qui dit disputatio, dit philosophie scolastique. Cette méthode de discussion était en vogue chez les intellectuels du Moyen-Âge qui en faisaient une véritable méthode de recherche.La scolastique est un courant de la philosophie médiévale qui va du XIe au XIVe siècle, avant que la philosophie des Lumières ne domine en Europe. Elle consistait à faire du lien entre la théologie et la philosophie réaliste héritée des Grecs. Deux illustres figures de cette philosophie étaient Albert le Grand et Thomas d’Aquin qui écrivit : « Il est plus beau d'éclairer que de briller seulement ». La disputatio consistait en une discussion qui prenait la forme d’un débat. Dans les universités médiévales, lorsqu’une disputatio devait se tenir, son importance était telle que les étudiants y assistaient et leurs cours étaient suspendus. Cette confrontation méthodique des opinions visait à faire progresser la recherche de la vérité. Concrètement, trois personnes étaient nécessaires : celui qui expose une opinion (opponens), celui qui y répond (respondens), et le maitre qui pose la question. La disputatio demande quelques règles à suivre pour en faire un débat de qualité qui fasse avancer la réflexion et nourrisse son public.

Peu d’hommes politiques acceptent de se confronter publiquement à leurs adversaires. Ils courraient le risque de se mettre en danger. Avec eux, ce sont les entretiens avec un journaliste qui sont davantage pratiqués. Parfois, ceux-ci sont le lieu de monologues dont l’enjeu est de séduire plutôt que d’exposer une argumentation. La méthode de la disputatio semble être tombée aux oubliettes. Pourtant, le débat contradictoire est un outil indispensable à la démocratie. Les citoyens doivent être informés des enjeux et, pour ce faire, des moyens pédagogiques sont utiles. Confronter des avis divergents constituera toujours un atout pour comprendre le monde, soi-même et les autres. C’est dans la relation que l’on peut mesurer les forces et faiblesses de sa propre argumentation et de celle de son interlocuteur. C’est aussi dans cet exercice de disputatio qu’on ouvre son champ de vision à une autre manière d’aborder une même réalité. On découvre des dimensions qu’on avait jusque-là ignorées ou négligées ; en accédant à tout ou partie d’une logique qui n’est pas la sienne. La disputatio rend visible la pluralité des idées. Accepter le débat, c’est donc accepter les divergences d’opinion. Ce qui peut inquiéter, c’est lorsqu’il n’y en a qu’une. Toute vision unilatérale du monde dans lequel nous vivons enferme l’esprit humain et mène au totalitarisme.

La disputatio a des bienfaits tant pour les décideurs politiques que pour les citoyens. Les débats, notamment télévisés, sont un lieu idéal pour réaliser la disputatio, si toutefois l’intention des débatteurs est de discuter de leur opinion plutôt que de séduire leur public. Il est même des hommes et femmes politiques qui refusent le débat contradictoire. Pourtant, se prêter à ce jeu est utile à l'approfondissement de ses propres idées et pour mieux comprendre les enjeux véritables. Politique intérieure, relations internationales, choix de société : tous ces domaines intellectuels peuvent trouver leur place dans une disputatio.

La liberté d’expression est indispensable à la disputatio. Pouvoir affirmer publiquement ses désaccords constitue l’une des libertés fondamentales qu'est la liberté d’expression. La libre confrontation des idées fait la fierté des sociétés démocratiques, notamment avec le processus électoral. Dans le contexte du conflit qui oppose l’Ukraine à la Russie, les médias ne manquent pas de traiter le sujet. Mais la profusion d’informations nuit à la clarté. Devant la profusion d’information, une expression claire des points de vue, de ce qui les rassemble et de ce qui les oppose ne peut qu’aider tout un chacun à mieux comprendre les enjeux réels.

Le 11 mai prochain, deux experts des relations internationales, Alexandre Del Valle et Harold Hyman, se prêteront à une disputatio autour de la figure de Poutine. La question posée sera « Poutine, est-il l’homme qu’on n’écoutait pas ? » D’accord ou pas d’accord, il s’agira pour les participants de dire pourquoi. Un bon test de l'intérêt de la formule !
La sélection
La disputatio : une technique millénaire pour mettre ses idées au clair
Poutine : L’homme que l’on n’écoutait pas ? Débat entre Alexandre Del Valle et H. Hyman le 11 mai
Institut Ethique et Politique Montalembert
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