Sport

Une jeunesse dopée aux extrêmes : la tentation des stéroïdes

Par Raphaël Lepilleur. Synthèse n°2562, Publiée le 02/10/2025 - Photo : Si les produits dopants ne manquent pas, le trenbolone est assurément le plus controversé.  Crédits : Shutterstock.
Passer de Timon à Hulk en un éclair, c'est la promesse des stéroïdes, dont l'usage se répand. La réalité est glaçante : organes détruits, mort, crime organisé. Le trenbolone, non conçu pour l'humain, en est le symbole extrême. Les réseaux ne suffisent pas à tout expliquer : banalisation des modifications corporelles, exclusion des hommes et incohérences sociales semblent aussi nourrir le phénomène.

Derrière ce terme de stéroïde anabolisant se cache une famille de substances chimiques dérivées de la testostérone, l'hormone masculine. Leur promesse est simple et séduisante, un gain musculaire fulgurant à moindres frais, la belle affaire ! Ces derniers se présentent sous différentes formes (gélules, patchs ou injections à l'aide de seringues), mais tous ont un même objectif, celui d'imiter ou d'amplifier les effets de la « testo ». Ils agissent de deux façons principales. D'un côté, l'effet anabolique : les muscles fabriquent plus de protéines, ce qui les fait grossir plus vite. De l'autre, l'effet androgène qui renforce les traits masculins.

Il semble évident que toute solution miracle mène inéluctablement à des conséquences tragiques. La première barrière devrait donc être une éducation à la nocivité de toutes formes de facilité. Recourir à ces produits revient à dérégler artificiellement son corps. Cela traduit une volonté d'émancipation et de contrôle de sa réalité physiologique. Si vous vous posez la question, oui, ça fonctionne. Dans une vidéo à ce sujet, le vulgarisateur Dr Nozman rappelle une étude menée en 1996 dans laquelle un groupe d'hommes ayant reçu des stéroïdes, sans faire le moindre sport, a pris plus de masse musculaire qu'un autre groupe de sportifs réguliers. Selon lui, « là où un corps fabrique 250 mg de testostérone par mois, certains s'en injectent jusqu'à 2 000 mg par semaine ». L'utilisation de tels produits entraîne des conséquences graves et irréversibles : atteintes au cœur (en moyenne 75 % plus gros que la normale, selon des autopsies) et au foie, troubles de la fertilité, dépendance, agressivité, anxiété, gynécomastie, dépression, jusqu'au décès.

Après une cure de stéroïdes, le corps, saturé par la testostérone de synthèse, réduit ou interrompt sa production naturelle et les testicules se mettent « au repos ». Résultat, comme l'explique Tibo InShape, « le corps ne fabrique plus de testostérone, il est donc quasi impossible d'avoir des érections ». On doit alors recourir à des médicaments comme le viagra et rentrer dans un engrenage pour contrer les effets indésirables. Si des usages légaux existent (par exemple en cas d'insuffisance, de transition, de retard de puberté, ou pour endiguer la fonte musculaire de certaines maladies graves), l'usage récréatif est illégal en France. L'achat se fait donc par des voies occultes, ce qui accroît les risques et crée un nouveau marché pour le crime organisé. À la clé, des saisies record, à l'étranger comme en France.

S'il y a un nom à retenir dans cet univers, c'est le trenbolone. Surnommé le « crack du dopage », il est cinq à dix fois plus puissant que la testostérone et n'a jamais été conçu pour l'homme. Développé aux États-Unis dans les années 70 par l'industrie pharmaceutique vétérinaire, il sert à accélérer la croissance du bétail pour les rendre plus massifs et plus rentables. Cela a fonctionné au-delà des espérances, au point que certains décrivent des animaux quasi irréels (une pratique encore légale aux États-Unis pour le bétail). Ce produit surpuissant est devenu l'un des plus recherchés. Personne ne s'imagine accomplir un geste sain en se piquant avec une seringue. Si ce choix persiste, c'est qu'il répond à quelque chose de plus fort. L'utilisation du « tren » est mise en scène sur les réseaux. Le produit permet de faire du contenu attrayant (avant/après spectaculaires, évolution, FAQ). La folle histoire en sélection.

Si les réseaux ont un rôle central, analyser le phénomène à travers ce prisme unique paraît partial. On fera l'économie des explications récurrentes (masculinité toxique, culte de l'homme, narcissisme, impatience) dont l'hégémonie pourrait renforcer le problème. Depuis peu, la parole autour de la modification du corps, de la chirurgie plastique à la mutilation volontaire, s'est largement libérée. L'essor des discours sur les transitions a contribué à véhiculer l'idée qu'un corps puisse être réinventé par des moyens non naturels. S'ajoute la dimension de la séduction, cruciale pour comprendre pourquoi ces produits attirent surtout les jeunes garçons. On observe une asymétrie criante, car les mouvances d'acceptation, voire de revendication, type « body positive », incluent peu les hommes. L'homme en surpoids demeure condamné à la solitude et au célibat. Les critères de beauté masculine semblent peu discutés, et figés autour d'une minceur et d'une carrure athlétique relative. On trouve beaucoup de micros-trottoirs où des jeunes filles, parfois en surpoids, disent avoir des standards masculins stricts. Leur position de force, sur les apps de rencontre (bien qu'en déclin) et dans les discours moraux, semble renforcer ces exigences unilatérales. Un « biais anti gros » qui serait encore plus fort chez les homosexuels. Une exclusion paradoxale, car elle cohabite avec un discours prônant l'homme « déconstruit » jusqu'à être féminisé (considéré par certains comme le « fléau de l'humanité »). Pourtant, le réel ne semble pas corroborer le succès de ces néo-hommes. Pris en étau entre une culture où la violence est banalisée, voire promue, et des injonctions contradictoires, les jeunes hommes semblent revenir à des instincts anciens, dopés à l'extrême.

À retenir
  • Les stéroïdes anabolisants sont des substances dérivées de la testostérone, elles promettent une prise de masse musculaire accélérée et une force décuplée.
  • Risques multiples et souvent irréversibles : cœur hypertrophié (jusqu'à +75% de volume), foie fragilisé, troubles de la fertilité, atrophie testiculaire, agressivité, dépression, dépendance, voire décès.
  • Le symbole "Trenbolone" : Conçu dans les années 70 pour engraisser le bétail, ce stéroïde 5 à 10 fois plus puissant que la testostérone est devenu le « crack du dopage ». Il est très populaire sur les réseaux.
  • Les hommes semblent exclus des mouvements de tolérance corporelle, soumis à des injonctions contradictoires (être musclés, virils, mais aussi «déconstruits») et exposés à une culture violente et incohérente. Résultat : une jeunesse masculine tiraillée, qui se tourne vers des raccourcis chimiques (dans l'air du temps aussi).
La sélection
Le produit dopant le plus mortel jamais créé !
A regarder sur la chaine Youtube de Tibo Inshape
S'abonner gratuitement
Ajoutez votre commentaire
Pourquoi s'abonner à LSDJ ?

Vous êtes submergé d'informations ? Pas forcément utiles ? Pas le temps de tout suivre ?

Nous vous proposons une sélection pour aller plus loin, pour gagner du temps, pour ne rien rater.

Sélectionner et synthétiser sont les seules réponses adaptées ! Stabilo
Je m'abonne gratuitement
Une jeunesse dopée aux extrêmes : la ten...
0 commentaire 0
LES DERNIÈRES SÉLECTIONS
Lire en ligne
Lire en ligne
Lire en ligne
Lire en ligne
Lire en ligne
Lire en ligne
Lire en ligne