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Les femmes sont-elles l'avenir du djihadisme ?

Par Judikael Hirel - Publié le 21/02/2024 - La terroriste de Daesh Soumaya Raisso, interpellée à Adana, en Turquie, le 16 octobre 2020. (Photo : Eren Bozkurt / Anadolu Agency via AFP)

Si la femme est l'avenir de l'homme, il semble qu'elle soit également l'avenir du terrorisme islamiste. Et que, comme ce fut les cas pour les femmes de nazis, on a largement sous-estimé leur dangerosité jusque-là, parce que ce sont des femmes. Une étude transnationale (Allemagne, Belgique, France, Pays-Bas) publiée le 31 janvier dernier par le Centre International pour le contre-terrorisme est consacrée aux « femmes djihadistes face à la justice ». En effet, ces « délinquantes extrémistes violentes affiliées au djihad » sont de plus en plus prise en compte par la justice, et leur implication dans les projets terroristes n'a pas cessé de s'accroître ces dernières années.

Ces dernières années, la France a pourtant fait le choix de rapatrier dans la plus grande discrétion ces « revenantes » françaises du djihad. Le protocole Cazeneuve permettait de les extrader depuis la Turquie. Pour les autorités, elles devaient être « judiciarisées et incarcérées chez nous ». En juillet 2022, au lendemain de la réélection d'Emmanuel Macron à l'Elysée, 16 femmes et 35 enfants ont ainsi été exfiltrés des camps kurdes du nord-est de la Syrie. Au total, sur 1 450 djihadistes sur zone, 320 adultes dont 108 femmes et 200 mineurs ont été rapatriés au total depuis 2012. Pourtant, au moment de la chute de l'État islamique en mars 2019, un sondage Odoxa-Dentsu réalisé pour Le Figaro et France Info montrait que 82 % des personnes interrogées en France approuvaient le jugement des djihadistes français en Irak.

Que faire de ces femmes ? Trop souvent, leur rôle et leur endoctrinement ont été minorés, au point parfois de les placer en détention classique. « Officiellement, devant leurs magistrats instructeurs, elles regrettent. C'était une erreur, elles se sont perdues. Et en reviennent, dans tous les sens du terme. » Telle Sophie Koenig, recruteuse très active de candidates au départ en Syrie, et l'une des figures les plus connues de ces femmes djihadistes. Mais la repentance affichée façon Taqiya devant les juges s'accompagne d'un islam rigoriste en détention… En juillet 2023, Paris a tout de même cessé les rapatriements de femmes de djihadistes et de leurs enfants faute de volontaires, après que dix femmes et 25 enfants aient été rapatriés le 4 juillet 2023.

Dans un premier temps, l'implication des femmes dans le djihadisme était bien souvent sous-estimée. Elles étaient réduites à un rôle de « ventre du califat », suivant en cela la propagande djihadiste. Comme le soulignait récemment Sébastien Boussois, chercheur, spécialiste du monde arabe et des questions de terrorisme, sur l'antenne de Sud Radio, « des femmes de djihadistes, on en est passé à des femmes djihadistes. » Pour lui, « du début de Daesh jusqu'à la proclamation du califat, les femmes étaient considérées, dans l'opinion et pour nous, comme des personnes n'ayant pas une idéologie très affutée. En réalité, elles étaient là-bas pour peupler la terre sanctuarisée de Daesh. » Mais « le rôle des femmes djihadistes a fortement évolué. Aujourd'hui, elles représentent un enjeu majeur. » Face à la justice et au contre-terrorisme, on trouve désormais de plus en plus de converties, de femmes et de jeunes mineures. « Des post-adolescentes un peu candides, idéalistes, dont les recruteurs savent très bien instrumentaliser leur mal-être pour les retourner contre les sociétés européennes qui les ont vues naître. »

Pour Louise El Yafi, avocate franco-libanaise et auteure de Lettre à ma génération – La jeunesse face aux extrêmes (éditions de l'Observatoire), « notre tendance à ne voir les femmes que comme des victimes nous a rendus borgnes face au phénomène djihadiste. En fait, l'État islamique n'aurait jamais vu le jour sans elles. (…) Que dire de ces femmes-fantômes, tantôt sincèrement repenties, tantôt toujours convaincues de leur fanatisme, mais rapatriées parce que mères et à qui l'on donne désormais le nom révélateur de « revenantes » ? Toutes ces femmes, longtemps ignorées des policiers, des renseignements, des juges et de la société entière, sont devenues en l'espace de quelques années le visage du djihad au féminin. Et d'un coup, la réalité a fait surface : « Les femmes sont aussi dangereuses que les hommes » »

Comment ne pas faire le parallèle avec le régime nazi et les sept millions de citoyennes allemandes ayant accordé leur voix au parti nazi en 1932 ? Elles furent pourtant bien peu à comparaître devant la justice après-guerre. Le nazisme reste aussi une histoire de femmes. Comme le souligne très bien James Wyllie, auteur de Femmes de nazis, on ne tient pas les femmes pour autant responsables de l'Histoire que les hommes. Pourquoi ? Et surtout, ne commettons pas la même erreur aujourd'hui avec les femmes djihadistes.




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