Éducation

L'École publique est en danger, confirme un rapport sénatorial

Par Philippe Oswald - Publié le 17/04/2024 - Photo : Plaque à la mémoire de Samuel Paty, enseignant assassiné le 16 octobre 2022, dans la cour de l'école Boulle, à Paris. (Crédits: Xose Bouzas / Hans Lucas via AFP).

Ce n'est pas un « sentiment d'insécurité » mais une « école de la République en danger » que pointe un rapport sénatorial issu d'une commission d'enquête lancée après l'assassinat de Samuel Paty. Les deux sénateurs co-rapporteurs, François-Noël Buffet (LR) et Laurent Lafon (Union centriste) ont présenté les conclusions de leur rapport, le 6 mars dernier, après plusieurs mois d'enquête, 45 auditions et de nombreux déplacements dans toute la France (cf. Le Figaro du 06/03/2024).

Les deux sénateurs soulignent un « décalage entre les chiffres de l'Éducation nationale et la réalité du terrain » ou du moins entre la présentation de ces statistiques et ce qu'elles signifient concrètement. Exemple d'une « minimisation de la réalité » donné par Laurent Lafon : « Les chiffres de l'Éducation nationale nous disent que 0,2 % des enseignants des collèges et lycées déclarent avoir été menacés par une arme sur une année scolaire (2021-2022). Ça peut paraître très faible mais c'est près de 900 enseignants. Soit 4 par jour. »

Son collègue François-Noël Buffet a brossé l'étendue des « formes de pressions et d'agressions », allant des insultes aux coups, et dénoncé leurs conséquences, la plus courante étant « l'autocensure des enseignants » sur certains sujets. Ces intimidations touchent aussi les chefs d'établissement confrontés à des incursions de parents venus les menacer dans leurs bureaux. Directeurs, professeurs, surveillants, agents d'accueil, c'est l'ensemble du personnel éducatif qui se sent aujourd'hui « très vulnérable » face aux élèves ou à leurs parents.

Mais quels élèves et quels parents ? On l'aura deviné, beaucoup sont adeptes d'un « islam radical en train de se banaliser ». Certains élèves n'hésitent pas à menacer un enseignant de lui « faire une Paty », rapporte le sénateur Buffet. L'amplification par les réseaux sociaux rend ces menaces de mort plus angoissantes.

Dans leurs 38 recommandations, les deux sénateurs prônent un renforcement de l'enseignement de la « laïcité », un élargissement de l'interdiction du port de signes et tenues religieux, un durcissement et une « harmonisation des sanctions au niveau national », ou encore l'instauration d'une charte, à signer par les parents, stipulant qu'un enseignement « ne se conteste pas et qu'il n'a pas à être justifié ». Plus généralement, ils appellent de leurs vœux la fin du « pas de vagues » qui préside au peu de réactivité de l'Éducation Nationale. Ils préconisent enfin la généralisation de moyens de protection, caméras de surveillance et lignes d'alerte entre les établissements scolaires et les commissariats ou gendarmeries. Bref, davantage de dispositifs sécuritaires auxquels les milieux éducatifs sont traditionnellement rétifs…

« L'école demeure une cible prioritaire de l'islamisme », confirme l'écrivain et essayiste Naëm Bestandji, qui a longtemps travaillé dans le domaine socio-culturel auprès des enfants et adolescents des quartiers « sensibles ». Analysant les conclusions du rapport sénatorial dans Atlantico (9 mars, en lien ci-dessous), il confirme que le développement d'une interprétation extrémiste de l'islam « infuse parmi une part de plus en plus importante des musulmans (…) au sein même de l'école laïque. » Cette interprétation de l'islam « s'attache moins au spirituel qu'à l'application de rites, d'attitudes et du port de tenues (dont le sexisme du voile est central). L'ambition est l'obsession de normes et de pratiques par mimétisme, en abdiquant tout esprit critique… » Toutefois, l'esprit critique se réveille pour contester l'enseignement de la science ou de l'Histoire au profit de la « vérité divine » des prédicateurs, quitte à retourner contre l'Éducation nationale le droit à la liberté de conscience.

Naëm Bestandji estime que le rapport sénatorial met bien en lumière les pressions exercées sur les enseignants, mais néglige celles qui s'exercent contre les élèves, jugés pas assez ou pas du tout musulmans par certains de leurs camarades. Il pointe surtout une erreur courante, selon lui : camper sur la « laïcité » au lieu de s'attaquer au sexisme misogyne des islamistes. Ceux-ci se font fort de retourner la supposée neutralité laïque contre ses promoteurs en présentant les musulmans en victimes d'une intolérance contraire à la liberté religieuse. En revanche, démasquer la misogynie dont le port du voile est emblématique, serait bien plus efficace. Encore faudrait-il que cette cause mobilise plus de féministes, beaucoup étant encore accaparées par leur combat exclusif pour une laïcité « inclusive ».

Reste enfin posé le rôle du politique, à commencer par celui de la ministre de l'Éducation nationale, Nicole Belloubet. À l'époque où elle était garde des Sceaux, Le Point (10-02-2024) rappelle qu'elle avait désavoué la jeune Mila, une adolescente menacée de mort pour avoir critiqué l'islam dans une vidéo. Loin de la soutenir, Nicole Belloubet avait déclaré sur RTL (29/01/2020) : « L'insulte à la religion, c'est évidemment une atteinte à la liberté de conscience, c'est grave. » Et Le Point de conclure : « Ainsi une ministre de la République, agrégée de droit public et membre du Conseil constitutionnel de 2013 et 2017, rétablissait-elle un délit de blasphème… »

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Naëm Bestandji : "L’école demeure une cible prioritaire de l'islamisme"
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