Écologie

Dune, une saga de science-fiction écologique

Par Judikael Hirel - Publié le 19/03/2024 - Image : L'affiche du film ''Dune'' réalisé par Denis Villeneuve (© Warner Bros).

Un bon livre est une porte éternellement ouverte sur un autre monde, celui de notre imagination. La saga de Dune, rédigée par Frank Herbert à partir des années 1960 est un monde en soi. Une saga dont la deuxième partie est arrivée sur les écrans le 28 février et qui aura dû attendre des décennies avant de pouvoir être décemment adaptée sur grand écran par Denis Villeneuve. La profondeur de ses messages est plus proche de l'univers complexe de la saga Star Trek que de la vision binaire de Star Wars. Bien sûr, rien n'empêche d'en rester à ce drame digne de la Grèce antique, jusqu'au nom d'une des deux familles belligérantes, les Atréides. Une histoire éternelle d'empire, d'argent, de guerre et de vengeance. Et pourtant… Le vrai personnage de la saga n'est pas là : c'est Dune, nom soufflée par son épouse et première lectrice à Frank Herbert. Une planète désertique, peuplée de Fremen (littéralement hommes libres en anglais) et qui pourrait devenir un paradis verdoyant si elle ne produisait pas la substance la plus essentielle de l'univers : l'Épice. Changer le climat pour le rendre habitable en ruinerait la production, et la fortune qu'elle génère pour ceux qui l'exploitent, les Harkonnen. Mais, comme le rappelle le jeune Paul Atréides dans le tome 2, cette œuvre concernant le contrôle de l'Épice, « ce sont ceux qui peuvent détruire une chose qui la contrôlent vraiment. »

Pourquoi Dune est-elle en fait le personnage central de cette œuvre ? Parce que la planète Arrakis, avec les vers géants qui hantent ses déserts, est surhumaine. Au fond, l'homme n'est qu'un grain de sable face à la nature sauvage. Ici, il ne maîtrise pas son environnement, c'est l'inverse. Et dans un écosystème aussi impitoyable, l'eau est le plus précieux des biens. L'idée est née dans l'esprit de l'auteur en 1959, en étudiant les dunes de Florence, dans l'Oregon, sur lesquelles il devait écrire un article qu'il ne finira jamais. Son sujet : comment endiguer l'érosion des dunes de sable sur la côte en plantant des multitudes de plantes vertes et de buissons. « L'écologie est une véritable préoccupation et le projet de Florence a nourri mon intérêt, expliquait Frank Herbert en 1980. Parce qu'avec ce que nous infligeons à notre planète, je peux commencer à distinguer la forme d'un problème global. »

« Dune est avant tout un grand livre écologiste qui parle de la raréfaction des ressources, dont l'eau », confiait récemment Brian Herbert, son fils et continuateur du cycle. Une thématique terriblement contemporaine et réelle de nos jours. Tel est en effet le rêve secret de l'écologiste impérial Liet Kynes : voir les nouveaux administrateurs d'Arrakis « verdir » la planète, modifier son écosystème pour la rendre viable. Pionnier en la matière, Herbert évoque ainsi la résilience des écosystèmes, expliquant qu'il suffit de modifier certains paramètres pour que la dynamique de l'intervention humaine tourne au désastre, ou non. « Depuis longtemps, les hommes et leurs œuvres ont été le fléau des planètes, écrit-il. La nature tend à compenser l'effet des fléaux, à les repousser ou à les absorber pour les incorporer dans le système d'une façon qui lui est propre. » À la surface d'Arrakis, modifier le cycle de l'eau initierait des « harmonies susceptibles de s'entretenir elles-mêmes ». Un concept que l'on retrouve dans l'effet Tansley et le concept de climax anthropogénique dynamique du botaniste britannique. Cette question des écosystèmes et de leur préservation tient une place centrale dans le roman de Frank Herbert, véritable fable écologique.

Dans la préface de la nouvelle traduction de Dune, toujours aux éditions Robert Lafont, le réalisateur canadien Denis Villeneuve évoque d'ailleurs la place de l'écologie dans la saga : « Nous entendons quotidiennement les échos apocalyptiques des scientifiques qui prédisent un effondrement de l'équilibre de nos écosystèmes. Mais nous ne bronchons qu'à peine, demeurant convaincus que notre maîtrise de la technologie viendra finalement à bout de la nature. Ce fantasme de domination des éléments ne date pas d'hier. [...] C'est une des raisons pour lesquelles je crois que Dune est complétement actuel. » Et puisque Dune imagine un peuple ayant une « relation sacrée très sophistiquée » avec son environnement, « c'est donc par un rapport sacré au monde naturel que j'aborde l'écologie dans le film. J'y vois une porte d'espoir pour notre futur », confie Denis Villeneuve. Mais, comme l'avait également prophétisé Frank Herbert en 1980, « l'écologie pourrait devenir la prochaine bannière des démagogues et des héros-en-devenir, de ceux en quête de pouvoir et des autres prêts à prendre une dose d'adrénaline en se lançant dans de nouvelles croisades. Notre société, après tout, repose sur la culpabilité, qui ne sert souvent qu'à obscurcir son fonctionnement réel et à empêcher des solutions évidentes. » Moralité : bien souvent, la science-fiction n'est pas que de la SF…

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Dune, une fable écologique
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1 commentaire
Thomas
Le 29/03/2024 à 06:52
Je suis abonné mais je ne reçois plus LSDJ depuis 8 jours. Merci d’y remédier. Je suis très reconnaissant de ce que vous faites pour relayer des infos vraies, aller en profondeur, tout en étant très synthétique.
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