Économie

Chine : main basse sur les métaux rares

Par Judikael Hirel - Publié le 26/10/2023 - Sans métaux rares, pas de voitures électriques. Crédit photo : Pixabay

Sans lithium, pas de batteries, et donc pas de voitures électriques. Qui en contrôle les gisements contrôle l'avenir. Si l'invasion en Ukraine aura mis en lumière la dépendance européenne au gaz et au pétrole russes, une autre guerre a en fait déjà commencé : celle des métaux rares.

Transition énergétique oblige, les besoins en terres rares de l'Union Européenne devraient être multipliés par cinq d'ici 2030. L'interdiction à la vente des véhicules thermiques à l'horizon 2035 actuellement officielle ne fait qu'accélérer le mouvement : une voiture électrique type nécessite six fois plus de minéraux qu'une voiture conventionnelle. Mais comment diable l'Europe va-t-elle faire, sachant qu'un seul pays contrôle presque la totalité du marché en la matière : la Chine ? Nous risquons, tout simplement, de passer d'une dépendance aux énergies fossiles à une dépendance aux métaux rares.

Qu'il s'agisse de fabriquer nos smartphones ou des voitures électriques, le recours aux métaux rares est indispensable à l'heure actuelle. Or à elle seule, la Chine représente 85 % de la production mondiale des terres rares. 65 % du cobalt et 58 % du lithium sont raffinés chez elle. Pourtant, dans les années 1970, le plus gros raffineur de terres rares au monde était français : il s'agissait de Rhône-Poulenc qui, depuis La Rochelle, raffinait plus de la moitié des terres rares de la planète… La mondialisation dite heureuse est passée par là : les sociétés américaines et européennes n'ont été que trop heureuses d'encaisser leurs bénéfices, en délaissant ces métaux, dont l'exploitation a été confiée, sous-traitée auprès e la Chine, à la main d'œuvre bon marché et aux normes environnementales plus arrangeantes.

Récemment, l'Empire du milieu a décidé d'imposer des restrictions d'exportation sur le gallium et le germanium. Deux métaux rares essentiels en matière de technologies de défense, mais aussi de fabrication de fibres optiques et même d'éoliennes. Et si demain, comme elle le fit jadis en raison d'un conflit insulaire avec le Japon, la Chine décidait de nous couper l'accès à ses métaux rares ? L'effet serait tout simplement dévastateur. Si la Suède vient récemment d'identifier un gisement très prometteur sur son sol, l'exploiter prendra des années. La France peut ouvrir ou de rouvrir des mines. Mais qui acceptera leur existence et leur exploitation près de chez soi ? À l'acceptation sociale tout sauf évidente s'ajoute la question environnementale : besoin stratégique oblige, exploitera-t-on demain l'un des plus gros gisements de lithium de l'Hexagone, en Bretagne, à Tréguennec… en pleine zone Natura 2000 ? « En France, on n'a pas de pétrole, mais on a du lithium », affirmait Emmanuel Macron le 26 octobre 2022, en annonçant l'ouverture d'une mine de lithium dans l'Allier à l'horizon 2028. En la matière, l'indépendance française suppose encore une longue marche.

Selon l'Agence internationale de l'énergie, en 2040, le monde consommera 40 fois plus de lithium, 25 fois plus de graphite et 20 fois plus de cobalt et de nickel. Mais si l'on veut bien des métaux rares, on préfère que les mines dont on les extrait soient lointaines, hors de vue. En Afrique, par exemple. Seul hic : là aussi, c'est la Chine qui fait main basse sur le sous-sol africain. Ainsi, la République démocratique du Congo, ex-Zaïre, est le principal producteur mondial de cobalt, avec 70 % des réserves mondiales. De quoi faire du pays le futur Qatar en termes de richesses… De même, 68 % du cobalt est extrait de son sol. En 2020, comme le rapporte Le Point (voir notre sélection), la Chine a acheté 43 % des exportations minérales d'Afrique subsaharienne, selon l'hebdomadaire The Economist. Elle exploite une bonne partie de la production régionale. Cobalt, coltan et cuivre en RDC ; cuivre, or, bauxite et platine en Afrique du Sud ; cuivre et cobalt en Zambie ; lithium et uranium en Namibie ; nickel, lithium et diamants au Zimbabwe ; cuivre, graphite et titane du Mozambique… Par ailleurs, « pour s'installer en Afrique, la Chine n'a pas hésité à “cadeauter” », rappelle Frédéric Lejeal, auteur du livre Le Déclin franco-africain. L'impossible rupture avec le pacte colonial (L'Harmattan, 2022).

Aucun pays d'Europe n'est présent parmi les dix premiers producteurs des métaux clés de la transition énergétique. Dans ces conditions, comment remporter la guerre des métaux rares ? D'autant plus quand on sait que, pour satisfaire les besoins d'un seul Européen, il faut extraire du sous-sol 20 tonnes de matières par an…
La sélection
Comment la Chine fait main basse sur le sous-sol africain
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