Brexit : le coup d’audace de Boris Johnson
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Brexit : le coup d’audace de Boris Johnson

Par Philippe Oswald - Publié le 31/08/2019
Coup de théâtre et coup fumant dans le feuilleton à rebondissements du Brexit : le premier ministre Boris Johnson a demandé à la Reine de suspendre le Parlement à partir de la deuxième semaine de session de septembre jusqu’au 14 octobre. Cette prorogation de la vie parlementaire, à laquelle Élisabeth II ne pouvait que consentir sauf à créer une crise institutionnelle majeure, a déjà fait descendre dans la rue de nombreux Britanniques. Le 30 août, une pétition de protestation avait réuni plus de 1,6 million de signatures. « Coup d'Etat !», « outrage à la Constitution britannique ! » accusent les protestataires, de concert avec les partis d’opposition, des membres du parti conservateur hostiles à Boris Johnson, et le président de la Chambre des Communes, John Bercow. Mais cette opinion n’est pas partagée par de nombreux juristes. Ils concèdent que la suspension du Parlement défie les usages constitutionnels en raison de sa longueur d’un mois, inédite depuis le règne de Victoria, et surtout parce que cette prorogation serait utilisée par l’exécutif pour museler les parlementaires, afin qu’ils ne s’opposent pas à un Brexit sans accord, le 31 octobre. Mais d’une part, il ne s’agit pas d’une suspension totale puisque le Parlement fonctionnera au début du mois de septembre puis de nouveau à partir du 14 octobre, ce qui lui donnerait encore brièvement voix au chapitre sur le Brexit; et, d’autre part, les parlementaires peuvent difficilement faire oublier qu’ils ne sont jamais parvenus à s’entendre sous Theresa May sur les conditions d’un accord ou d’un « no deal » avec l’UE.

C’est pour sortir de ce marasme que Boris Johnson a fait son coup. Il a de bonnes chances d’être gagnant : on ne voit pas comment les parlementaires hostiles au Brexit deviendraient capables de mettre à profit les étroites fenêtres de tir qui leur restent, pour s’opposer au Brexit sans accord. On ne voit pas davantage comment ils pourraient contraindre le gouvernement à demander à l’Union européenne un nouveau report de la sortie, alors que l’UE ne veut pas en entendre parler ! Johnson, quant à lui, espère s’être donné les mains libres pour tenter de renégocier avec Bruxelles, non la date butoir du Brexit (31 octobre), mais les conditions du fameux « backstop », c’est-à-dire du non-retour à une frontière entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord dont ni les Vingt-Sept, ni le Royaume-Uni ne souhaitent le rétablissement.

Incontestablement, Boris Johnson a marqué un point avec la suspension surprise du Parlement. Il faut certes attendre l’issue des recours juridictionnels pour désigner le vainqueur du bras de fer. Mais déjà, vendredi 30 août, une Cour écossaise a rejeté une demande de contrer la suspension du Parlement britannique, première victoire judiciaire pour le gouvernement. En outre, Johnson a l’opinion pour lui. Selon le Daily Mail (30 août), les conservateurs doublent leur avance sur les travaillistes dans les sondages, et 52% des Britanniques considèrent que la Reine a eu raison d’accepter la demande du Premier ministre. Les commentateurs prompts à présenter Boris Johnson comme un échevelé à l’instar de Donald Trump, dont il partage la coiffure en bataille et le caractère « rentre dedans », ne pourront plus se contenter de cette « coupe au bol » en guise de jugement. Quant au procès qu’on lui fait d’agir contre la démocratie, il présuppose que le Parlement soit toujours le garant de celle-ci, alors que les exemples ne manquent pas de dissonances entre « le pays légal et le pays réel » au Royaume-Uni comme en France. Le référendum en faveur du Brexit par 51,89% des votants, le 23 juin 2016, en est un bon exemple (l’autre exemple, de l’autre côté de la Manche, et en sens inverse, étant l’adoption du Traité de Lisbonne par un vote du Congrès au mépris du « non » exprimé par 54,68% des Français sur le traité établissant une constitution pour l'Europe, en mai 2005).

En prorogeant le Parlement, le Premier ministre britannique est bien « dans les clous » de la loi, estime Aurélien Antoine, Professeur de droit à l’université Jean-Monnet (Saint-Etienne) et directeur de l’Observatoire du Brexit, dans un entretien à Libération (en lien ci-dessous).
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