Écologie

La belle idée de permaculture après les illusions et déceptions

Par Olivier Bonnassies - Publié le 03/07/2023 - Photo : jardin avec tomates et calendulas en permaculture

L’idée de « permaculture » est née dans les années 1970, de deux Australiens, Bill Mollison et David Holmgren, qui se sont rencontrés à l'université de Tasmanie. Mollison était biologiste et naturaliste, et Holmgren étudiant en environnement. Tous deux, préoccupés par les effets jugés négatifs de l'agriculture intensive, cherchaient des moyens de créer des systèmes agricoles plus durables et écologiques. Leur livre, « Permaculture One », publié en 1978, a introduit le concept. Il s’agissait de concevoir de nouveaux systèmes agricoles durables et autonomes, en s'inspirant des modèles de la nature, avec trois ambitieux objectifs éthiques : prendre soin de la Terre ; prendre soin des gens ; et partager équitablement les richesses et les ressources.

Si le terme « permaculture » combinant les mots « permanent » et « agriculture » est un peu un mot-valise, la très attractive idée sous-jacente a été rapidement perçue comme un projet de société et a tenté de se développer comme tel. Tous les beaux idéaux affirmés ont généré un mouvement international ambitieux qui cherchait à innover par de nouvelles voies en combinant les connaissances issues de l'agriculture biologique, de la biologie, de la géologie, de l'architecture, de l'économie, de l'écologie et de la sociologie pour parvenir à créer des écosystèmes fonctionnels et diversifiés, appliqués à une grande variété de domaines, tels que l'agriculture, la construction, l'urbanisme, la gestion des ressources naturelles, l’éducation et la vie communautaire.

50 ans après, malheureusement, les résultats concrets sont décevants. Ironiquement, les seuls qui parviennent à vivre de la permaculture sont les organisateurs de stages d’initiation, qui ont toujours un bon succès, mais la concrétisation sur le terrain apparaît très difficile à mettre en œuvre à grande échelle et à rentabiliser. Les expérimentateurs se heurtent au problème de la pénibilité du travail de la terre et à la pénurie de main d’œuvre. La volonté initiale de contourner la mécanisation n’est pas tenable. La conception de systèmes permaculturels s’avère plus complexe que prévu (difficile de faire face aux imprévus en matière de ravageurs, de bactéries, de météo chaudes ou froides, etc). Elle nécessite une planification minutieuse, une gestion intensive et des coûts de mise en place plus élevés que les méthodes conventionnelles d'agriculture intensive. Le documentaire Demain semblait décrire un avenir radieux, mais il ne s’est pas révélé prophète. Sans soutien institutionnel particulier, les choses avancent difficilement et selon les entrepreneurs chevronnés du domaine, comme Alain Pitten, dans le Nord de la France, s’il s’agit de proposer une technique agricole à des jeunes qui veulent s’installer, ça ne marche pas : « faire croire qu’on peut en vivre actuellement, relève de la démagogie, de l’illusion, du fantasme ».

Peut-être les problèmes étaient-ils mal posés ? La permaculture rêvait d’apporter immédiatement une solution à des sujets qui méritent, pour chacun d’eux, une réflexion scientifique approfondie, des essais et des tâtonnements : la gestion des sols ; la conservation de l'eau ; la culture en polyculture et l'utilisation de la biodiversité … et tant d’autres. La permaculture rêvait d’un homme vertueux et d’une société idéale, et cela a conduit à séduire beaucoup d’idéalistes ou d’adeptes du communisme, du marxisme, de l’autogestion, des kibboutz ou même des grands monothéismes, mais c’était trop ambitieux et il a fallu redescendre sur Terre. D’autant qu’il n’y a jamais eu aucune règlementation favorable, ni aucune aide des pouvoirs publics, à l’inverse de la filière « bio » qui est soutenue et organisée.

Les grands principes fondateurs ne sont cependant pas à rejeter. Questionner nos actions, remettre en cause le primat du rendement, vouloir redonner du sens au travail, avec des solutions pérennes et plus de justice sociale, en lien avec la nature et avec les autres, en intégrant une dimension spirituelle dont l’homme a besoin, est forcément juste et les jeunes le ressentent fortement aujourd’hui. Cette ambition rejoint la règle de Saint-Benoît, qui n’a pas changé depuis 1500 ans. Son principe « ora et labora », appliqué à une société laïcisée, rejoint l’idée de la permaculture : « médite en travaillant ». Si les promoteurs de la permaculture, trop préoccupés par les dérives productivistes, en sont arrivés à oublier les bienfaits des progrès scientifiques et technologiques qui manifestent aussi la noblesse de la vocation de l’homme à participer de manière responsable à son intervention dans le monde, ils ont raison en affirmant que toute activité humaine gagne à reconstruire des relations saines entre tous ces facteurs complexes qui nous sont donnés par la nature. L’idée de « permaculture » portera certainement moins de fruit du fait de ses prouesses et innovations techniques que dans sa capacité à susciter de l’humain, du sens et du lien. Laudato si, (n°91 et 138) s’inspirant des mêmes principes, le dit fort justement : « tout est lié ».

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1 commentaire
Le 04/07/2023 à 01:02
merci
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