Politique

L'avortement dans la Constitution : une diversion sociétale potentiellement liberticide.

Par Philippe Oswald - Publié le 02/11/2023 - Photo :  Matthieu Mirville DPPI via AFP. Emmanuel Macron le 28 octobre 2023 au Stade de France  (lors du match final de rugby entre la Nouvelle-Zélande et l'Afrique du Sud de la coupe du monde 2023)

Le dimanche 29 octobre, le président de la République a annoncé sur X (ex-Twitter) l'examen d'un projet de loi constitutionnelle pour rendre irréversible la liberté des femmes d'avoir recours à l'avortement. Le projet de loi devrait être présenté en Conseil des ministres « d'ici la fin de l'année », avant d'être soumis au Parlement au printemps. Il consistera à ajouter cette clause à l'article 34 de la Constitution : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. » 

 « La ficelle est grosse comme un tronc d'arbre », a commenté le lendemain, 30 octobre, Vincent Trémolet de Villers dans son éditorial politique d'Europe 1. Jugeant ce projet de loi « ni utile, ni nécessaire », l'éditorialiste y voit « une opération politicienne », une pure « diversion sociétale ». Et d'expliquer : « La diversion sociétale, c'était la martingale des socialistes quand ils ont cessé de faire du social. C'est facile, les diversions sociétales, c'est gratuit et pendant 48 heures, on oublie tout le reste ». Tout le reste, à savoir, énumère-t-il, une grande instabilité intérieure et extérieure, une inflation persistante, une pression migratoire vertigineuse que notre Constitution empêche de contenir… mais ce n'est pourtant pas sur ce point que le président de la République veut la faire modifier mais sur l'IVG. Comme si la liberté pour les femmes d'avoir recours à l'avortement était menacée en France ! La Direction de la recherche des études de l'évaluation et des statistiques (DREES) a enregistré en 2022 une hausse de 7 % des IVG, soit 234 300 avortements (le plus haut niveau depuis 1990). En 2018, rappelle Vincent Trémolet de Villers, une centaine de députés de La République en marche avaient voté contre l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution, alors que cette proposition émanait de la gauche. A l'époque, Yaël Braun-Pivet, à l'époque présidente de la commission des Lois de l'Assemblée nationale de la majorité (et aujourd'hui présidente de l'Assemblée nationale), avait justifié ainsi cette opposition : « Les droits des femmes à l'égard de la contraception et de l'avortement sont aujourd'hui extrêmement bien assurés dans notre pays. Je ne crois pas que l'inscription de ces droits dans la Constitution d'une part soit nécessaire, d'autre part, soit utile. » Elle avait même ajouté : « Nul besoin de brandir des peurs relatives à ce qui se passe dans d'autres pays [NDLR : aux États-Unis cf. LSDJ n°1582] pour estimer que ces droits sont menacés dans le nôtre. » Mais ça, c'était avant… qu'Emmanuel Macron n'éprouve le besoin de faire diversion. A présent, c'est pour trouver un marqueur de gauche en réponse à La France insoumise qui a inscrit une nouvelle proposition de loi constitutionnelle pro-IVG dans sa niche parlementaire du 30 novembre, que le président de la République annonce triomphalement sur X : « En 2024, la liberté des femmes de recourir à l'IVG sera irréversible ».

Cette instrumentalisation de l'avortement est « en total décalage avec les urgences de la France en matière sociétale » pointe Alliance Vita. La DREES avait révélé, en 2020, que les femmes aux revenus les plus faibles ont davantage recours à l'IVG que les plus aisées. « Dans un contexte économique marqué par une inflation persistante érodant le pouvoir d'achat des Français, peut-on se satisfaire que l'avortement devienne un marqueur d'inégalité sociale ? » 

Enfin, graver l'avortement dans la Constitution menacerait la liberté de conscience et la clause des personnels de santé, avait alerté une trentaine de juristes signataires, en janvier 2023, d'une tribune au Figaro reprise par le site Gènéthique (en lien ci-dessous). « Aujourd'hui, en droit, l'avortement reste une exception et le respect de la vie le principe. (…) Si l'avortement est institué droit constitutionnel, alors l'ensemble du droit relatif à l'IVG et à la vie prénatale devra être réorganisé autour de ce principe. D'exception, l'IVG deviendrait principe, tandis que le principe de la liberté de conscience, à l'inverse, deviendrait, au mieux, une exception. » 


La sélection
« L’inscription de l’IVG dans la Constitution menace la liberté de conscience du personnel médical »
Lire la tribune sur : Gènéthique
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3 commentaires
Honoré
Le 03/11/2023 à 01:45
Je pense qu'une inscription de l'IVG dans la constitution doit passer par un référendum et non pas par la voie parlementaire c'est-à-dire par le congrès. Je note que nous devenons une génération "interdite de référendum" ce qui paraît tout à fait anormal considérant le fonctionnement de la démocratie.
Honoré
Le 03/11/2023 à 01:43
Je pense qu'une inscription de l'IVG dans la constitution doit passer par un référendum et non pas par la voie parlementaire c'est-à-dire par le congrès. Je note que nous devenons une génération "interdite de référendum" ce qui paraît tout à fait anormal considérant le fonctionnement de la démocratie.
Honoré
Le 03/11/2023 à 01:43
Je pense qu'une inscription de l'IVG dans la constitution doit passer par un référendum et non pas par la voie parlementaire c'est-à-dire par le congrès. Je note que nous devenons une génération "interdite de référendum" ce qui paraît tout à fait anormal considérant le fonctionnement de la démocratie.
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