Au nom de l'inclusivité, l'UE veut supprimer Noël
Culture

Au nom de l'inclusivité, l'UE veut supprimer Noël

Par Louis Daufresne - Publié le 03/12/2021
Méfions-nous des mots d'au moins quatre syllabes. L’écrivain Jean Dutourd (1920-2011) se plaisait à moquer la vanité et la vacuité du « jargon de prestige », ce langage bouffi, bronzé, botoxé par les injections d’une pensée apparemment positive mais réellement toxique. Ce jargon conjugue une volonté de paraître – les codes du snobisme managérial et dominateur – et une volonté de cacher – l’extrémisme sociétal fondé sur l’obsession et le rejet de la norme. Cet extrémisme ne peut se dire comme tel. Le snobisme l’encapsule pour le rendre assimilable par une opinion peu formée et peu vigilante.

On ne détruit que ce qu’on remplace. Changer les normes d’une société doit être perçu comme le produit d’une évolution des mentalités, non comme le résultat d’une pression militante. Il s’agit d’impulser et d’accompagner un mouvement, d’obtenir un consentement. Toute étreinte visible, de nature policière, compromettrait l’adhésion à ce projet de déconstruction. Mais l’intention y est : il s’agit bien d’anéantir un modèle jugé « dominant ».

Récemment, nous avons chroniqué cette guerre faite aux usages et aux visages. L’inscription du pronom « iel » dans Le Robert (LSDJ n°1426) ou la campagne pro-hijab de l’UE sidérèrent une partie de l’opinion (LSDJ n°1426), y compris journalistique, un peu comme une sentinelle assoupie se laisse désarmer par un commando nocturne. Comme le dit le politologue François-Bernard Huygue, « la guerre ne consiste pas à rentrer des morceaux de fer dans des morceaux de chair mais aussi des idées dans des esprits et elle suppose autant de moyens de propagation que de destruction ».

Le langage sera un Waterloo pour les uns, un Austerlitz pour les autres.

Des mots tels que mobilité (LSDJ n°844), inégalités, discrimination, diversité, intégration et inclusivité sont autant de mines posées sur le champ de bataille. Le dernier obus sorti des usines conceptuelles, c’est l’inclusivité. Qui refuse de goûter à ce beau fruit tout lisse de bien-pensance ? L’Union européenne vient de le poser sur l’étalage de ses principes directeurs. Au point d’en élaborer toute une communication pour ses fonctionnaires.

Ce document interne de 30 pages est un guide (en anglais) de ce qu’il faut dire et ne pas dire. Il comprend six chapitres (gender, LGBTIQ, racial & ethnic background, cultures-lifestyles or beliefs, disabilities, age) jalonnés de tableaux à trois entrées verticales (guideline, avoid, do this instead). À la page 19, le guide préconise d’abandonner la formule « période de Noël » au profit de « période de vacances », car de nombreux Européens, n’étant pas chrétiens, ne célèbrent pas Noël. À la case en dessous, le document recommande de « ne pas choisir des prénoms typiques d’une religion », et cite comme exemple « Maria et John » qui pourraient être remplacés par « Malika et Julio ».

Ces injonctions firent scandale sous certaines latitudes : « Au nom de l'inclusivité, la Commission européenne va jusqu'à annuler Noël », s'indigna le quotidien Il Giornale. « Effacer Noël n’est pas la façon de lutter contre la discrimination », renchérit le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Saint-Siège. Observons que la France n’eut pas besoin de l’UE pour remplacer « les vacances de Pâques » par « les vacances de printemps ».

Un certain souci du détail parcourt ces lignes, quand il est suggéré par exemple de remplacer cette phrase : « Les immigrants africains ne peuvent chercher que des emplois non qualifiés » par celle-ci, hyper-jargonnante : « Les aspects structurels, tels que le manque d’égalité des chances, conduisent à une surreprésentation des migrants africains dans les emplois non qualifiés. »

Pourquoi pas ? Les chrétiens refusent justement la logique du bouc émissaire. Alors pourquoi s'en prendre à leur fête qui, de surcroît, est largement paganisée par le commerce au point qu'on ne sache plus très bien de quoi il s'agit ? En quoi l'attention aux autres justifie-t-elle de dévaloriser les coutumes indigènes ?

Sans l'attaque contre le symbole de Noël, le document de l'UE n'aurait pas forcément fuité ni eu un tel écho. Mais comme pour la campagne pro-hijab, les institutions européennes ne se dédirent point ni ne se montrèrent compréhensives envers l'émoi provoqué dans une partie de l'opinion.

Cette opération de police lexicale émane du commissariat à l'égalité dirigé par la Maltaise Helena Dalli (Malte, où le catholicisme est encore religion d’État…). Dans un tweet, le commissaire précisa bien son intention après le retrait de son texte : « Nous examinons ces préoccupations en vue d'y répondre dans une version mise à jour de ces lignes directrices. » En clair : nous avons raison mais vous nous avez mal compris.

Interrogé sur le caractère contraignant du guide, le porte-parole de la Commission, Éric Mamer, souligna que « ce n'était pas du tout un document qui aurait eu une quelconque valeur obligatoire ».

Dont acte.
La sélection
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Wokisme : Noël, Maria... Ces mots que déconseille la Commission européenne
Le Figaro
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1 commentaire
Elena
Le 17/11/2023 à 03:15
Bonjour ! On trouve chez vous des articles plus qu'intéressantes les unes que les autres, merci pour tout ce que vous avez nous offert jusqu'à maintenant !
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