Sciences

Arc-en-ciel nocturne, ou de l'origine des aurores boréales

Par Janus Maat - Publié le 01/06/2024 - Photo : Durban, France, 2024-05-11. Un moulin à vent avec une aurore boréale dans le sud-ouest de la France. (Sébastien Lapeyreyre/ Hans Lucas via AFP)
Après les épisodes d'aurores boréales survenus fin mai, le ciel de l'Hexagone pourrait flamboyer de nouveau en juin. Analyse des causes de ce phénomène irisé stupéfiant.

Tenez-vous prêts. En juin, il sera sans doute possible de les observer à nouveau ! Il est près de minuit ce 11 mai 2024. De retour de soirée, je croise plusieurs personnes, les yeux rivés au ciel. Curieux, je lève à mon tour la tête, et le spectacle auquel j'assiste me laisse bouche bée. Des traînées vertes, violettes et mauves dessinent un drapé féerique sur fond étoilé : j'observe pour la première fois une aurore boréale, à deux pas du du Mont St-Michel. À peine croyable. Il me suffit de parcourir les titres des journaux du lendemain pour comprendre que je suis bien loin d'être le seul témoin du phénomène. Ce spectacle cosmique était prévu de longue date par les scientifiques, mais devait a priori faire son apparition en 2025. Le Soleil a sans doute voulu faire une répétition générale, un peu en avance.

Quel est le lien entre le Soleil et les aurores polaires — qu'elles soient boréales (au nord) ou australes (au sud) ? Il faut vous imaginer le Soleil comme un cœur (très) chaud battant à un rythme régulier, tous les 11 ans environ. Au milieu de chaque cycle, sa surface connaît une activité magnétique très intense. Ce gain d'énergie a pour conséquence des exposions multiples, d'une puissance hors du commun. Imaginez-vous : chacune de ces colères chaudes éjecte une quantité colossale de particules chargées (électrons, protons et autres ions) à des vitesses dépassant allègrement les 800 km/s (soit près de 3 millions de km/h, bonjour les excès de vitesse !) L'énergie ainsi libérée durant plusieurs minutes correspond à plus d'un milliard de fois la puissance générée lors de l'explosion de la bombe à Hiroshima. Terrifiant. D'autant plus quand la Terre se trouve sur la trajectoire de ces particules chargées ! Lorsque l'éruption a lieu, il y a intérêt pour les spationautes de la station orbitale de flotter à l'abri, et vite !

Si certaines coupures électriques peuvent survenir (comme en 2003), le danger est pourtant écarté. La Terre, comme d'autres planètes, doit son salut à son propre champ magnétique. Cette enveloppe agit comme un bouclier face aux flèches supra-énergétiques en provenance du Soleil. Celles-ci sont déviées de leur trajectoire à la manière de l'eau d'un fleuve qui rencontre un pilier de pont. À la différence près que si le flux solaire est trop important, le flux de particules est capable de déformer le pilier magnétique. C'est le cas durant ces éruptions tous les 11 ans qui déforment le bouclier protecteur de la Terre.

Quelles sont les conséquences ? La création de trous magnétiques, véritables entonnoirs dans lesquels s'engouffrent les rayons solaires. Ils suivent alors les lignes du champ magnétique qui sortent du pôle Nord et du pôle Sud. Mais notre planète possède une seconde ligne de défense : l'ionosphère, couche haute de notre atmosphère, entre 60 et 1000 kilomètres au-dessus de nos têtes. Les gaz qui s'y trouvent (oxygène et azote principalement) absorbent les particules chargées émises par le Soleil, ce qui a pour effet d'exciter ces molécules de gaz (les « chauffer » si vous préférez) durant un cours instant. Il suffit d'un clignement de cil pour que les atomes se désexcitent en émettant des particules appelées les photons. Inoffensives, leur longueur d'onde (et donc leur couleur) est déterminée par l'atome qui les émet : vert et rouge pour l'oxygène ; bleu, rouge et violet pour l'azote, etc. La densité des atomes dépend de l'altitude. La toile s'imprimera donc de couleurs correspondant aux densités des atomes. Dans les hautes couches de l'atmosphère, au-delà de 200 km, l'oxygène prédomine. Les aurores sont donc principalement rouges puis vertes. Sous les 100 km, elles ont le beau teint rosé de l'azote. Un peu plus bas encore, les gaz légers comme hydrogène ou hélium se mélangent pour rayonner de teintes allant du mauve au bleu.

Le dernier battement solaire violent a eu lieu en 2014 (après 2003 qui était bien plus intense). Aussi, les scientifiques s'attendaient à voir une multiplication des aurores polaires l'année prochaine. Début plus tôt que prévu donc, et d'une puissance telle que des atomes d'oxygène et d'azote ont été excités jusqu'aux latitudes de la France ! D'ordinaire, le cône de rayonnement est plus resserré autour du pôle Nord.

Les aurores boréales ont toujours fasciné les peuples qui les ont observées, surtout lors d'intensités semblables au 11 mai dernier. Les explications ont varié selon les lieux et les époques : passage d'un dragon pour les Chinois, queue d'un renard blanc remuant la poussière pour des peuplades finlandaises, âmes d'enfants mort-nés pour les Inuits, présage de catastrophes guerrières en Europe au Moyen Âge... Ce n'est qu'en 2008 que la NASA a su développer une simulation fiable du phénomène et les explications données dans cet article. Rappelons que ces aurores existent sur toute planète dotée d'un champ magnétique. Les astronomes en ont observé sur Jupiter, Saturne, Uranus, Vénus... Aussi incroyable que cela puisse paraître, ils en ont même trouvé sur des exoplanètes à des dizaines d'années-lumière de la Terre. Quant à moi, l'idée d'un renard polaire secouant sa queue sur la scène des astres au-dessus du Mont St-Michel m'enchante. Et vous ?

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Tempête solaire « extrême » : ces sublimes aurores boréales qui ont illuminé le ciel français cette nuit
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