2023 : le début d'une nouvelle
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2023 : le début d'une nouvelle "Odyssée de l'espace"

Par Ludovic Lavaucelle - Publié le 18/05/2023 - Illustration : Shutterstock
Le tout premier vol de Starship a eu lieu le 20 avril dernier. Il n’a duré qu'un peu moins de 4 minutes avant que le système d’autodestruction ne soit déclenché par le centre de contrôle de SpaceX (société d’Elon Musk). Mais ce n’est qu’une péripétie qui ne doit pas masquer la révolution orchestrée par ce nouvel entrant dans la conquête de l’espace, estime le chercheur franco-espagnol Tomas Pueyo (voir son article en lien)… Les problèmes techniques seront résolus et Starship va finir par atteindre l’orbite basse de notre planète.

Pourquoi Starship change-t-il les règles du jeu ? Par sa taille gigantesque (120 mètres de haut) mais plus encore par sa capacité de transport : jusqu’à 150 tonnes par envoi alors que Soyouz a une capacité de 7 tonnes d’emport, Ariane 5 en a 20, le lanceur lourd chinois Long March 5, 25... En outre, le lanceur Starship est réutilisable puisqu’il atterrit une fois sa mission conclue. Ce lanceur change radicalement l’équation économique du transport spatial.

La chute des coûts de transport dans l’espace a été exponentielle ces 35 dernières années. Et le nombre d’objets emportés, leurs masses et leurs poids ont suivi la tendance inverse… à laquelle Starship va donner un coup d’accélérateur très puissant. Dans les années 1980, envoyer un kilogramme dans l’espace coûtait plus de 75 000 dollars. C’est-à-dire que le budget pour envoyer un astronaute était supérieur à 5 millions de dollars. Le lanceur lourd de SpaceX Falcon Heavy, déjà en service, a fait baisser le prix du kilo dans l’espace à 1 500 dollars – 50 fois moins. Le nouveau lanceur SpaceX aura une capacité d’emport de 50% supérieure à celle de l’actuel Falcon Heavy. Elon Musk prétend qu’avec des lancements réguliers (une sorte de ligne de cargo spatial) le coût pourra descendre à 100 dollars le kilo. Or, insiste Tomas Pueyo, le coût du transport est un paramètre essentiel pour prévoir des progrès scientifiques ou des changements civilisationnels.

Les grandes civilisations se sont construites à partir de capacités de transport sûres et efficaces… Sur Terre, la maîtrise de la navigation a été un critère essentiel. L’Empire romain s’est constitué autour d’une « mare nostrum », une Méditerranée que ses navires contrôlaient. Les voies romaines étaient les artères de l’Empire construites pour atteindre ses frontières en 5 semaines maximum. Les zones les plus riches du monde actuel, les États-Unis, l’Europe, sont celles qui bénéficient d’un réseau dense de fleuves navigables. Tout cela parce que le transport fluvial a été le plus efficace – le moins coûteux – pour joindre les communautés humaines établies prioritairement sur les rives. Le rôle du transport côtier et fluvial dans l’essor des civilisations montre à quel point le coût du transport est capital dans l’histoire humaine. Starship change les paramètres du transport spatial dans notre orbite, et au-delà vers d’autres planètes, voire des nouveaux mondes…

Starship (et ses potentiels concurrents à venir) sera comparable à un tapis roulant vers l’orbite basse de la Terre… La chute vertigineuse des coûts de transport rend obsolètes les modèles existants. Les ingénieurs ont été obsédés pendant des décennies par la nécessité d’alléger les objets à envoyer dans l’espace – au milligramme près… Le choix des matériaux, la protection thermique, l’électronique embarqué, tout a gravité autour de la priorité donnée au poids. Chaque mission de la NASA par exemple était une prouesse de miniaturisation. On a pensé l’espace autour d’une contrainte qui n’existe plus avec Starship. Elon Musk avait prévenu en envoyant à bord du vol inaugural du Falcon Heavy en février 2018 une Tesla avec un mannequin d’astronaute au volant (et l’écran de la voiture affichait : « don’t panic »). Ce n’était pas juste une facétie. Or, le message ne semble pas avoir été entendu par les organismes publics coordonnant l’exploration spatiale. Le programme international Artemis entend renvoyer des astronautes sur la Lune avec l’objectif d’établir une base à long-terme. Mais il a été conçu avec l’ancienne mentalité : son Space Launch System utilise des fusées à usage unique et à capacité bien plus limitée. Le concept de Starship crève ce plafond en permettant – avec un coût analogue – d’envoyer beaucoup plus de matériel et donc de raccourcir les délais de construction d’une base. Et les fournisseurs de machines nécessaires à la construction d’une base lunaire – Caterpillar par exemple – auront moins d’efforts à fournir en R&D puisque le poids, la masse deviennent des critères secondaires…

Les programmes gouvernementaux, d’Artemis à Ariane, ne semblent pas avoir saisi la révolution en cours. Ils pourraient rejoindre – faute de s’adapter en coopérant avec les acteurs privés plus innovants – le cimetière des éléphants industriels, de Motorola à Kodak en passant par Yahoo ou Polaroid… Le modèle économique de SpaceX fonctionne déjà grâce à sa capacité d’emport : la constellation Starlink de 3 457 satellites garantit l’accès à internet partout sur Terre.
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