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L'Union européenne ajoute un 19e paquet de sanctions contre la Russie

Par Ludovic Lavaucelle. Synthèse n°2560, Publiée le 30/09/2025 - Photo : Ursula von der Leyen le 20 juin 2023 lors d'une conférence à Bruxelles. Crédits : Shutterstock (photo d'Alexandros Michailidis).
L'Union européenne semble empiler les sanctions contre la Russie, comme les étages d'une tour de Babel... Le 19e étage, en fait, qui – à partir de janvier 2027 – devrait encore plus affecter l'économie européenne. Tout en profitant largement aux États-Unis, dont l'Europe devient toujours plus dépendante pour se fournir en hydrocarbures. La Russie, par ailleurs, se tourne résolument vers l'Asie.

C'est le 19 septembre que la Commission européenne a proposé l'adoption d'un 19e train de sanctions contre la Russie, juste deux mois après le précédent. L'idée reste la même : briser l'économie russe en visant spécifiquement les hydrocarbures, qui seraient interdits à l'importation à partir de janvier 2027. Et cette mesure s'appliquerait aussi aux raffineurs et importateurs de pays tiers, comme la Chine, l'Inde ou la Turquie, accusés d'offrir des débouchés à Moscou. Selon Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, ce serait le coup final porté à l'effort de guerre russe. Le 19e « coup final » en fait, et la continuation d'une stratégie qui a poussé Vladimir Poutine à trouver d'autres sources de revenus, tout en mettant à genoux l'économie européenne devenue dépendante de Washington.

Avant l'offensive de février 2022, l'UE était le premier importateur d'hydrocarbures russes. Depuis, la part du pétrole russe acheté en Europe est tombée de 29 % à 2 % et le gaz de 48 % à 12 % ! Il reste deux pipelines en service : l'oléoduc Droujba, qui fournit la Hongrie et la Slovaquie, et le gazoduc TurkStream pour la Bulgarie, la Hongrie, la Grèce et la Roumanie. L'UE s'est déjà précipitée vers le gaz liquéfié, beaucoup plus onéreux, qui est passé de 20 % à 50 % de ses importations de gaz. Et presque la moitié provient des États-Unis, faisant de l'UE le premier client de Washington. Comble de l'hypocrisie, les pays européens ont discrètement augmenté leurs achats de gaz liquéfié russe (surtout pour la France, l'Italie, l'Espagne, la Belgique et les Pays-Bas). La raison est économique : le gaz russe reste bien moins cher, et les conditions contractuelles imposeraient de fortes amendes en cas de rupture. Plus absurde encore : l'UE continue d'importer du pétrole russe via des pays tiers comme l'Inde, à des prix fortement majorés. Pendant les six premiers mois de 2025, l'UE et la Turquie ont fait venir 2,4 millions de tonnes de produits pétroliers venant d'Inde, dont on estime que les deux tiers provenaient de Russie. Pour 1,5 milliard d'euros tout de même !

Les Européens s'infligent une double punition : ils paient plus cher le pétrole russe qu'ils achetaient déjà avant les sanctions, et ils importent du gaz liquéfié plus onéreux que le gaz naturel. La conséquence économique est déjà brutale : trois ans de stagnation, et le moteur allemand fortement grippé. Près de 125 000 emplois ont été supprimés par les industriels allemands ces six dernières semaines. La Russie, pour sa part, a proportionnellement bien moins souffert de ces mesures : ses exportations visent l'Asie, et les liens se sont renforcés avec la Chine. De fait, l'Europe semble engagée dans une voie qui ne la rend que plus dépendante de Washington. Et Donald Trump l'a bien compris : ce n'est pas une coïncidence si ce nouveau train de sanctions est annoncé quelques jours après son ultimatum aux membres de l'OTAN. Le « deal » : il serait prêt à imposer de nouvelles sanctions contre Moscou, à la condition que les Européens cessent toute importation d'hydrocarbures russes. Il a aussi suggéré que l'UE impose des droits de douane massifs à l'Inde et la Chine, accusés d'offrir des débouchés à Moscou.

Si l'intérêt pour Washington paraît évident en rendant l'Europe encore plus dépendante, on voit mal comment les sanctions douanières pourraient fonctionner. Les représailles – surtout chinoises – enterreraient des pans entiers de l'industrie européenne. La diplomatie américaine sous Donald Trump est devenue ultra transactionnelle. Le géant ExxonMobil attend avec appétit sa part des 750 milliards de dollars promis par l'UE en achats d'hydrocarbures. On constate un revirement majeur dans la politique européenne qui, dans les faits, semble avoir oublié toute ambition dans la « transition énergétique ». Loin de se détourner de l'énergie fossile, plusieurs géants européens signent des contrats colossaux de gaz liquéfié aux Américains. L'italien Eni a signé un contrat pour 20 ans avec Venture Global par exemple...

Le comble est que les Américains discutent secrètement avec les Russes pendant ce temps. ExxonMobil aurait pris mèche avec le russe Rosneft, pour exploiter d'énormes gisements aux îles Sakhaline. L'objectif serait de damer le pion aux Indiens dans la revente du pétrole russe... Le PDG d'ExxonMobil a démenti cette rumeur, mais c'est un autre exemple de la voracité américaine qui cherche à gagner économiquement du conflit ukrainien, sur le dos des Européens. Il reste que la stratégie américaine de long terme, qui consiste à creuser un fossé toujours plus profond entre la Russie et l'Europe, fonctionne. Moscou et Pékin se rapprochent et viennent de signer un accord pour construire un pipeline reliant les deux pays par la Mongolie. Un projet long de 2 600 kilomètres et pesant 13,6 milliards de dollars. C'est la limite de la stratégie américaine : elle conduit des rivaux à forger des alliances se détachant de plus en plus de l'économie globale, dominée depuis des décennies par les États-Unis.

À retenir
  • Un 19e paquet de sanctions a été annoncé par l'UE visant les hydrocarbures russes.
  • L'UE a acheté pour 1,5 milliards d'euros de pétrole russe via l'Inde au premier semestre 2025.
  • Washington pousse l'UE à imposer des taxes douanières sur les importations indiennes et chinoises.
  • Moscou se tourne résolument vers Pékin et l'Asie.
La sélection
Europe's boneheaded sanctions regime
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