
La saga de l'été se jouera sur les terrains Américains et bien au-delà !
Créée en 2000, la Coupe du Monde des Clubs oppose chaque année les vainqueurs des principales compétitions continentales (Ligue des Champions, Copa Libertadores...). Réunissant d'abord 8, puis 7 équipes à partir de 2005 (les champions des six confédérations et 1 club du pays hôte), cette compétition a toujours souffert d'un désintérêt manifeste en Europe, où elle est perçue comme un trophée anecdotique, mais utile pour renforcer la visibilité des clubs ou leur image de marque. Cependant, en Amérique latine par exemple, où le football est profondément ancré, elle revêt une importance symbolique bien plus forte. Car elle offre à leurs clubs l'occasion de défier l'élite européenne, dans un système qui pille leurs talents et relègue leurs équipes au second plan.
La nouvelle formule aura lieu tous les 4 ans et verra 32 équipes s'affronter sur un mois. La 1ère édition se tiendra aux USA entre juin et juillet prochain (sélection d'équipe basée sur les résultats des compétitions continentales entre 2021 et 2024, avec un quota par confédération et une place pour le pays hôte). La FIFA et Gianni Infantino (GI) veulent transformer ce tournoi mineur en mastodonte, notamment en mettant en jeu plus d'un milliard de dollars de récompenses, du jamais-vu. 475 millions pour les performances, 525 pour la simple participation. Le vainqueur toucherait environ 125 millions (contre 95 pour la Ligue des Champions). Un modèle de redistribution (consultable ici et décrypté en détail dans cette vidéo) qui soulève des questions, tant sur sa viabilité que sur ses effets potentiels sur les championnats, où il risque d'accentuer les inégalités financières, comme le montre le cas d'Auckland City, qui touchera 3,58 millions d'euros, une somme hors d'atteinte pour les autres clubs de la ligue néozélandaise.
Cet argent doit convaincre les clubs d'aligner leurs meilleurs joueurs. Il vient en grande partie d'un accord massif de droits TV, signé avec DAZN, et de fonds saoudiens, accusés d'avoir appuyé le projet pour faciliter l'octroi de la Coupe du Monde 2034, obtenue sans opposition (pour leur stratégie de soft power sportif, déjà évoquée en LSDJ n°2408). La compétition sera diffusée gratuitement à travers le monde, un point dont GI s'est félicité, promettant « le tournoi de clubs le plus accessible de l'histoire, regardé par des milliards de fans ». À cela s'ajoutent des sponsors traditionnels comme Coca-Cola, Adidas ou Bank of America, dont l'engagement a parfois été forcé ou juridiquement discuté.
Inédit, 250 millions de dollars seront reversés à des clubs qui ne participent pas. Pour Romain Molina (vidéo en sélection), cette prime sans logique sportive incarne l'artificialité du projet, motivé par des intérêts politiques. GI justifie cette mesure par un « programme de solidarité sans précédent » et affirme que « la FIFA ne gardera pas un centime » des revenus générés. Mais qui sont ces clubs, sur quels critères seront attribués ces fonds ? Les questions demeurent, autant que la supposée philanthropie d'une organisation comme la FIFA, souvent jugée opaque et criblée de scandales anciens ou récents (Coupe du monde 2022 et Qatargate, Fifagate 2015…).
C'est peut-être des effets d'annonce destinés à faire accepter une compétition que ni les clubs, ni les diffuseurs, ni les sponsors ne voulaient. Javier Tebas, président du championnat Espagnol, a même demandé son annulation. Pour Molina, cette volonté unilatérale traduit une dérive profonde, « La FIFA aujourd'hui n'est pas au service du football, mais au service de l'idéologie et des lubies de son président ». Il y voit un projet mégalomane, totalement déconnecté des réalités sportives et économiques, imposé par le haut sans aucune concertation.
Le mur de la réalité concerne d'abord les joueurs, déjà en proie à un rythme effréné, et à des conséquences de plus en plus lourdes sur leur santé physique et mentale. Beaucoup se sont exprimés à ce sujet, dénonçant une cadence intenable et un manque total de considération. Un problème loin d'être nouveau, mais qui ne cesse d'empirer. Aurélien Tchouaméni, avait déclaré « évidemment qu'on joue trop de matches, c'est une surprise pour personne. Les organismes sont mis à rude épreuve, mais c'est aux instances de faire quelque chose. Et si ce n'est pas le cas, ce sera à nous, joueurs, de taper du poing sur la table ».
Le sujet est explosif et une grève générale est régulièrement évoquée. Rodri, dernier ballon d'or, estimait que « un joueur peut évoluer à son meilleur niveau entre 40 et 50 matchs par saison. Ensuite, vous déclinez car ce n'est pas possible de maintenir son niveau physique ». Aujourd'hui, ce seuil est largement dépassé, avec parfois plus de 70 matchs par an. La compétition sera en pleine intersaison, juste avant la reprise des championnats, ce qui paraît totalement insensé. Comme le résume bien le célèbre youtubeur Zack Nani à sa façon « Les mecs terminent fin mai, ils repartent le 15 juin… oh là là là là. C'est une blague ». A cela s'ajoutent d'autres zones d'ombre, notamment l'ouverture d'une période de mercato spécifique, le choix controversé de l'Inter Miami de Messi, et le rôle central de Nasser Al-Khelaïfi, président du PSG. Malgré tout, le coup d'envoi sera donné le 14 juin prochain, deux semaines après la finale de la Ligue des Champions. Un tournoi hors norme, mais à quel prix ?