
Malades Covid long, les grands oubliés de la pandémie
Il suffit de faire le test avec une recherche Google « témoignage Covid long ». L'internaute tombe à la première ligne sur l'histoire de Cloé : la jeune femme raconte sa longue descente aux enfers après avoir contracté le Covid fin 2020. « J'ai perdu ma vie, j'ai perdu mes amis, mon travail », dit-elle. L'histoire de Cloé ressemble à celle de milliers de Français.
Dans le parcours d'un malade Covid long, l'histoire commence par une première exposition au virus. Mais au lieu de se rétablir en 7 à 10 jours, la personne voit ses symptômes durer au-delà de 4 semaines après la phase dite aigüe. C'est ainsi que le définit la Haute Autorité de Santé. Et là, les difficultés commencent, car les symptômes qui suivront pour le malade ne sont pas forcément associés à l'infection au Covid, et le patient peut être en errance thérapeutique pendant des mois. Nombreux sont ceux qui s'entendent dire « C'est dans la tête ». En effet, la maladie ne peut pas être détectée par une simple prise de sang : il n'existe pas de marqueurs biologiques comme pour le diabète ou le VIH.
Restent les symptômes : on en recense près de 200 pour le Covid long, et ils peuvent évoluer en permanence. La liste déroulée sur le site Ameli est impressionnante : fatigue extrême, essoufflement, douleurs multiples, problèmes cutanés ou oculaires, troubles digestifs, difficultés de concentration et brouillard mental… Les formes sont plus ou moins graves, mais « en France, on estime que 2 millions de patients ont développé cette maladie, dont 600 000 à 700 000 cas très sévères ou ayant de lourdes conséquences sur leur vie quotidienne », explique dans cette interview à France Info le Dr Jérôme Larché – un des spécialistes du Covid long dans l'Hexagone.
Parmi les signes révélateurs : les malaises post-effort, que les patients appellent le « crash ». Que se passe-t-il ? La personne malade, soucieuse de maintenir un semblant de vie, va fournir un effort conséquent pour une activité (sortie en famille, rendez-vous médical…) mais à la suite de cet effort – parfois 48 h après – la personne vit un crash, c'est-à-dire qu'elle est littéralement à terre, incapable de sortir de son lit pendant des jours. Beaucoup de malades ont dû arrêter leur activité professionnelle, toute activité sociale, leurs études.
Les malades sont touchés sans distinction d'âge et des jeunes – enfants ou adolescents – sont aussi concernés. Le témoignage de deux jeunes sœurs – Johanna et Laetitia – sur le site de Paris Match, est bouleversant. Avant le Covid, les deux jeunes filles avaient une vie active : études brillantes, sport, scoutisme. Terrassées toutes deux par le Covid long, elles vivent aujourd'hui recluses, en fauteuil roulant et sous oxygène régulièrement. La fatigue est constante : Laetitia et Johanna se lèvent vers midi, puis sont forcées de faire une sieste et de se coucher vers 21 h.
Le plus difficile pour les malades est l'absence de perspectives : il n'existe pas d'espoir de guérison à court terme, et les traitements restent symptomatiques. Parmi les moyens en place : la méthode du pacing. Dans ce reportage (à partir de 3 min 50 sec), on voit Caroline en parler à son médecin : le pacing consiste à ménager ses efforts et alterner les moments d'activité avec les temps de repos. L'objectif principal est d'éviter le crash. Comme l'explique ici le Professeur Dominique Salmon-Ceron, grande spécialiste du Covid long : « Il y a une chose très importante, ce qu'on appelle le pacing, c'est-à-dire que le patient doit bien comprendre que son niveau d'énergie est plus faible qu'une autre personne. Donc, il ne peut pas faire comme avant. Il faut adapter sa vie et fractionner ses activités. Si on arrive à faire ce pacing qui nécessite de se reposer entre ses activités, on passe à un Covid long moins sévère et encore moins sévère. »
Tout récemment, des cures thermales sont testées pour aider les malades à récupérer un peu d'énergie et de souffle. A plus long terme, d'autres pistes sont envisagées : combinaison d'antiviraux, d'anti-inflammatoires, d'antihistaminiques. Il existe même des tests par aphérèse, une « méthode qui consiste à nettoyer le sang – c'est un système de filtration externe – et à réinjecter le sang une fois filtré », explique encore le Pr Salmon-Ceron.
Reste le travail des associations pour accompagner les malades. La plus connue s'appelle Après J20 et permet aux patients d'être moins isolés : partage d'expériences, informations auprès des malades et des médecins qui sont parfois mal formés au Covid long, échanges sur les réseaux sociaux. Dans les groupes Facebook, on lit des messages de remerciement : « Très bon soutien, et de très bons conseils. Les articles publiés m'aident à ouvrir certaines portes pour mon suivi ». Et toujours de la colère vis-à-vis des pouvoirs publics : « Nous sommes, nous et nos enfants atteints de Covid long, les oubliés de la France ! Les oubliés de cette pandémie dont il ne faut surtout plus parler ! Honteux ! » Pour tous ces malades, il y a urgence à trouver un traitement.