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Liban : une dynamique positive mais fragile, après des années de crises

Par Charles Clerc. Synthèse n°2540, Publiée le 06/09/2025 - Illustration : Dans un contexte encore tendu, des signes timides de redressement apparaissent au Liban. Crédits : Shutterstock.
Paralysé par des divisions politiques profondes et un système confessionnel figé, le Liban peine à engager les réformes indispensables pour sortir d'une crise sans précédent. Des indices de changement apparaissent néanmoins : affaiblissement du Hezbollah, premiers retours de réfugiés syriens... Avec la fin annoncée de la FINUL (Force intérimaire des Nations Unies), le pays se retrouve face à un défi majeur : regagner sa souveraineté.

« Si vous comprenez quelque chose à ce qui se passe au Liban, c'est qu'on vous l'a mal expliqué ». Cette phrase aujourd'hui culte, d'Henry Laurens, historien et professeur au Collège de France, spécialiste du monde arabe, en dit long sur ce pays.

« Le Liban est un miracle permanent : on se demande […] comment ses habitants parviennent à rester debout et à reconstruire le matin ce que la violence a détruit la veille », écrit Alexandre Najjar dans son Dictionnaire amoureux du Liban, faisant référence aux multiples crises qu'a subies le Liban, et notamment une guerre civile dévastatrice de 1975 à 1990. Pendant 15 ans, sur un territoire plus petit que l'Île-de-France, chrétiens et musulmans se sont affrontés, laissant derrière eux près de 200 000 morts. Cette guerre est, encore aujourd'hui, présente dans tous les esprits, et en particulier pour les chrétiens qui ont perdu beaucoup de leur rôle politique (Accords de Ta´if – 1989). C'est également à cette période qu'est créé le izb Allāh ou Hezbollah (1982 – Parti de Dieu ; chiite) en réponse à l'invasion d'Israël, alors allié du parti Katā'ib (Les Phalanges libanaises ; chrétien). Israël n'aura, à partir de ce moment, jamais complètement quitté le territoire libanais. Sa présence, non seulement interroge encore sur la souveraineté de Beyrouth, mais alimente également le discours victimaire et combatif du Hezbollah, qui refuse officiellement de déposer les armes pour cette raison.

Le nouveau président chrétien, Joseph Aoun, élu en janvier 2025, et son Premier ministre sunnite, Nawaf Salam, insufflent aujourd'hui une nouvelle dynamique au pays. Soutenu par les États-Unis, le gouvernement a la responsabilité immédiate de désarmer le Parti de Dieu. L'armée libanaise présentait ce vendredi 5 septembre un plan d'action visant à regagner sa souveraineté sur le Sud-Liban, alors que le Conseil de sécurité a annoncé la fin prochaine de la FINUL, présent depuis près de 50 ans. La thématique reste sensible en interne. Aoun et Salam font face à des contestations, notamment de la part du président du Parlement Nabih Berri, chef du Mouvement Amal (Mouvement de l'Espoir ; chiite), allié au Hezbollah.

Anéanti par la guerre menée par Israël à l'automne dernier, le Hezbollah n'est plus ce qu'il était avant, omnipotent et mieux équipé que l'armée libanaise. Parmi les 2 500 morts se trouve notamment Hassan Nasrallah, l'un des fondateurs du Parti de Dieu, et l'un des hommes les plus influents du Liban jusqu'à sa mort. Le nouveau gouvernement a l'opportunité de mettre fin, sur la scène politique libanaise, à la suprématie d'un Hezbollah affaibli, mais également de regagner sa légitimité dans le sud, face à Israël qui continue de bombarder son territoire. Pour y arriver et pour réparer les dégâts colossaux (14 Mds $, Banque Mondiale), Nawaf Salam fait appel aux financements de la communauté internationale et arabe, qui reste sceptique sans réforme concrète et structurelle.

Outre le phénomène militaire, le Liban fait face à de nombreux autres défis, dont la gestion des réfugiés palestiniens et syriens, ou encore la nécessaire réforme économique.

Sujet de nombreuses discussions, conférences et papiers en tout genre, la crise économique libanaise passionne autant qu'elle étonne par sa « banalité » (Liban : quelles perspectives économiques – iReMMO). Dès les années 2 000, le Liban fait face à un déficit annuel de sa balance commerciale de dix milliards de dollars. Son système économique repose alors sur les dépôts de sa diaspora qui finance une partie de cette dette. Le système fonctionnait jusqu'à ce qu'en 2015, un élément exogène – une récession économique dans les pays du golfe où vit une grosse partie de la diaspora – entraîne une baisse des dépôts. La pyramide s'effrite et de fil en aiguille, la banque centrale puis les banques commerciales élèvent leurs taux d'intérêt, qui atteignent 9 %. Lorsque la crise éclate en 2019, les caisses de l'État sont déjà vides depuis quelques années. L'explosion du port de Beyrouth en août 2020 ne fait ensuite qu'accélérer une chute inévitable, entraînant avec elle le gouvernement de l'époque. Avec l'hyperinflation, la crise devient alimentaire et touche plus de 75 % de la population. L'économie est aujourd'hui dollarisée. Le nouveau gouvernement de Aoun entend cependant redonner confiance aux investisseurs, par des réformes bancaires et des institutions juridiques.

Les réfugiés syriens présents sur le sol libanais ont également commencé à prendre le chemin du retour. L'ONU en dénombre plus de 200 000 pour ce début d'année 2025. Pour inciter au départ, le gouvernement libanais leur propose une légère aide financière contre une promesse de non-retour. Concernant les réfugiés palestiniens présents dans les 12 camps libanais, Joseph Aoun a signé avec son homologue Mahmoud Abbas, en mai dernier, un accord historique prévoyant la remise des armes présentes dans les camps. Ces derniers bénéficiaient d'une certaine autonomie depuis 1969.

Prochaine échéance pour le Liban : les élections législatives qui devraient avoir lieu en mai 2026. Un sujet qui est déjà source de tensions, notamment concernant le vote de la diaspora, pointée du doigt par le camp du Hezbollah pour avoir contribué en 2022 à la perte de sa majorité parlementaire.

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Au Liban, le vote de la diaspora aux législatives de 2026 suscite de fortes crispations
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