La campagne électorale plombée par la guerre
Politique

La campagne électorale plombée par la guerre

Par Philippe Oswald - Publié le 03/03/2022
L’affaire semble entendue : la guerre en Ukraine mobilise toute l’attention de l’opinion publique et des médias. Subitement, la crise sanitaire est effacée par une guerre sur le sol européen. Du coup, la campagne électorale a du plomb dans l’aile. La réélection d’Emmanuel Macron paraît lui être acquise sans qu’il ait besoin de rendre compte de son bilan. Les Français apeurés se tournent vers le « chef de guerre » et « protecteur ». Ils le jugent majoritairement – 58% – « à la hauteur » dans cette fonction selon un sondage Harris Interactive du 28 février. Son intervention télévisée du 2 mars, entièrement consacrée à la guerre en Ukraine (avec les trois drapeaux ukrainien, européen et français en toile de fond), ne peut que renforcer cette adhésion. Cerise sur le gâteau, le Président a fait annoncer par le Premier ministre, ce jeudi 3 mars, la suspension (mais non l’abrogation) du passe vaccinal le 15 mars. Sa double casquette de « chef de guerre » contre le Covid et contre l’intervention russe en Ukraine, couronne déjà de laurier le très prochain candidat (il doit annoncer sa candidature dans une lettre aux Français publiée ce soir même, 3 mars).

En revanche, ses principaux adversaires selon les derniers sondages, Le Pen, Zemmour à droite, Mélenchon à gauche, sont fragilisés par des déclarations plutôt favorables à Poutine, avant son offensive contre l’Ukraine. Invité à s’expliquer au micro de RTL le lundi 28 février, Eric Zemmour a précisé sa position : « Poutine est l'agresseur, il est le seul coupable mais pas le seul responsable », a-t-il déclaré, pointant le rôle des États-Unis, via l’OTAN, dans la mise sous pression de la Fédération de Russie depuis l’éclatement de l’URSS. Il a aussi jugé « néfaste » la montée aux extrêmes », à propos de la fourniture d’armes de la France à l’Ukraine : « Nous devons au contraire ne pas ajouter la guerre à la guerre et nous montrer pacificateurs et tout faire pour qu'il y ait des négociations ». Zemmour a explicité cette position lors de sa longue interview sur Cnews, juste après l’intervention télévisée du chef de l’État, le soir du 2 mars. Il a souligné à ce propos son accord avec Emmanuel Macron sur la volonté de laisser la France en dehors de la guerre et de maintenir coûte que coûte un dialogue avec Poutine, mais réitéré son souhait d’« un traité consacrant la fin de l'expansion de l'Otan ».

Jean-Luc Mélenchon tient peu ou prou le même discours sur Poutine. Interviewé sur LCI, Mélenchon a dit qu’il partageait « la gravité du président Macron sur le caractère imprévisible des décisions que pourrait prendre Vladimir Poutine », tout en affirmant sa volonté de contrer « le puissant parti du va-t-en-guerre » en France. Dans un tweet, Marine Le Pen est restée quant à elle dans un registre polémique à l’encontre du chef de l'État : « Emmanuel Macron incarne autant qu'il constate les politiques qui ont affaibli la France et l'Europe. Candidat ce soir d'un ancien monde qui échoue sous nos yeux, il ne représente plus aucune promesse de protection pour les Français » – ce dernier trait ne cadrant pas avec les enquêtes d’opinion.

Quant à Valérie Pécresse, elle a stigmatisé ses trois principaux concurrents pour leurs positions antérieures sur Poutine estimant qu’elles les ont « discrédités » pour la présidentielle, mais elle n’en profite pas selon les sondages : ils la situent pour la plupart à la quatrième place, derrière Le Pen et Zemmour, et même, pour certains, derrière Mélenchon, tous loin derrière Macron. Bref l’unité nationale derrière le Président – hier contre le Covid, aujourd’hui contre Poutine – ouvre un boulevard à sa réélection.

Mais à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire… et sans perspective d’un « état de grâce ». La réélection probable, sauf coup de théâtre, d’Emmanuel Macron va laisser entières les questions politiques fondamentales, régaliennes et sociales. Nul doute qu’elles lui reviendront en boomerang s’il était élu dans un fauteuil, sans véritables débats. Toutefois, le second tour de la présidentielle présente un vrai suspense. Si Valérie Pécresse n’y accédait pas, l’explosion prévisible du parti LR, déjà affaibli par des ralliements à Zemmour (Guillaume Pelletier ex-numéro 2 de LR) ou à Macron (ces derniers temps, les anciens ministres LR Éric Woerth et Jean-Pierre Raffarin), ouvrirait à Zemmour une porte historique pour cette recomposition de la droite qui est son principal objectif. Des prises de guerre LR équilibreraient l’opération déjà largement engagée aux dépens du parti de Marine Le Pen : Stéphane Ravier, unique sénateur RN, Nicolas Bay nommé numéro 2 du parti « Reconquête » aux côtés de l’ex-LR Guillaume Peltier, les députés européens Jérôme Rivière et Gilbert Collard, Damien Rieu, fondateur de Génération Identitaire, Jean Messiha… et Marion Maréchal, la propre nièce de Marine Le Pen, qui doit annoncer son ralliement lors du prochain rassemblement de Zemmour, dimanche 6 mars, à Toulon.
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