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Jeffrey Epstein, l'origine de sa fortune et ses liens avec les services secrets

Par Raphaël Lepilleur. Synthèse n°2537, Publiée le 03/09/2025 - Photo : Jeffrey Epstein, à l'âge de 27 ans. Crédits : Wikimédia Commons.
Jeffrey Epstein, professeur sans diplôme devenu financier de l'élite mondiale, était-il seulement un prédateur isolé ou l'intermédiaire d'un réseau de chantage mêlant argent, pédocriminalité, affaires d'État et renseignement ? Certains avancent qu'il aurait agi pour le compte d'Israël. Dans cet article, découvrez l'origine de sa fortune et des soupçons de ses liens avec le Mossad.

Pour comprendre le personnage, il faut remonter à ses origines. Jeffrey Epstein naît le 20 janvier 1953 à Brooklyn, dans une famille juive ashkénaze modeste. Son père, Seymour (jardinier ou éboueur), et sa mère, Pauline (femme de ménage, aide scolaire, secrétaire), étaient issus d'Europe de l'Est et de Russie. Leurs familles décimées par la Shoah, ils émigrèrent aux États-Unis pour fuir les persécutions. Jeffrey fréquente les écoles publiques de Brooklyn, où il se distingue en mathématiques. Au lycée, il rejoint le club de maths où il est décrit comme brillant, mais réservé. Ses capacités lui ouvrent les portes d'une université très cotée de New York, où il entame des études de physique et de mathématiques, sans jamais obtenir de diplôme.

Malgré ce manque, il débute en 1974 comme professeur de mathématiques et de physique à la prestigieuse Dalton School, grâce à son directeur, adepte d'embauches de profils atypiques… Mais très vite, son comportement ambigu avec les élèves (séduction ostentatoire, proximité avec des adolescentes, plaintes informelles à l'administration) attire l'attention. Officiellement renvoyé en 1976 pour « incompétence pédagogique », il profite néanmoins de ce passage pour approcher l'élite new-yorkaise. En donnant des cours particuliers au fils d'Alan Greenberg, PDG de Bear Stearns, il décroche un poste dans sa banque d'affaires, où il gravit rapidement les échelons. Il quitte la banque en 1981, après avoir été sanctionné pour entorses aux règles financières internes. Il fonde ensuite IAG, où il se présente comme « bounty hunter » (personne chargée de récupérer de l'argent volé). Il y aura des activités très opaques, avant de rejoindre en 1987 Towers Financial, qui s'avérera la plus vaste arnaque de l'histoire des USA, de type Ponzi : un système où l'argent des nouveaux investisseurs sert à payer les anciens (ils seront détrônés par un certain Madoff). Son patron, Steven Hoffenberg, sera condamné à 20 ans de prison, tandis qu'Epstein, pourtant accusé de toutes parts, en ressortira libre et non inculpé. Hoffenberg sera retrouvé mort en 2022 dans une chambre d'hôtel, et la version officielle l'imputera au Covid.

En 1988, Epstein rebondit rapidement en créant sa propre société de gestion de fortune, « J. Epstein & Co. », censée ne travailler qu'avec des milliardaires. En réalité, un seul client est documenté, il s'agit de Leslie Wexner, fondateur de L Brands (Victoria's Secret, Abercrombie & Fitch…), l'un des hommes les plus riches d'Amérique. En 1991, Wexner lui signe une procuration générale, ce qui l'autorise à utiliser sa fortune comme si c'était la sienne. Wexner, c'est aussi la Wexner Foundation, réseau d'influence visant à renforcer le leadership juif et à faire rayonner Israël (décrit comme tel). C'est le point de départ de son ascension professionnelle fulgurante.

Année charnière, c'est aussi en 1991 qu'Epstein rencontre Ghislaine Maxwell, héritière franco-britannique, qui deviendra son alter ego et sa complice dans le plus vaste réseau de pédocriminalité et d'esclavage sexuel (organisé au service des puissants) jamais révélé. Son père, Robert Maxwell, magnat de la presse (parfois considéré comme le « super-espion » israélien), avait bâti un empire colossal (avec l'aide de capitaux israéliens, pour racheter le très connu Mirror Group par exemple). Il menait une vie de démesure, entre fêtes grandioses, où l'on soupçonnait l'usage de documents compromettants pour faire chanter des puissants, et influence internationale entre Washington, Moscou, Londres et Tel-Aviv. Homme opaque, il avait joué un rôle décisif dès 1948, en aidant Israël à se procurer des armes et des pièces d'avion, contribuant à son avantage militaire dans la guerre d'indépendance. Mais, à la fin des années 1980, il était sur le déclin, fragilisé et rattrapé par des soupçons d'espionnage (Londres le suspectant d'être agent double, voire triple). Il avait été mêlé à l'affaire « PROMIS », ce logiciel judiciaire piraté et revendu à différents pays, dont les USA, avec des accès secrets, dont aurait profité notamment le Mossad. La même année 1991, le Parlement britannique demande une enquête sur les accusations visant un rédacteur du Mirror, présenté comme agent israélien ayant trahi le lanceur d'alerte nucléaire Mordechai Vanunu (menant à sa condamnation à 18 ans de prison en Israël). Le journaliste Danny Casolaro, qui enquêtait sur ce scandale surnommé « la pieuvre », est retrouvé mort en août 1991, officiellement suicidé. Robert Maxwell meurt en novembre 1991, tombé de son yacht au large des Canaries, officiellement par accident (thèse contestée), alors qu'éclatait un scandale de détournement de plus de 400 millions de dollars. Notre sélection vous permettra de mieux cerner le personnage et son influence sur Epstein. Les neuf enfants Maxwell reflètent, pour beaucoup, l'ombre de leur père : tech et cybersécurité (Christine, Isabel, avec des liens israéliens stratégiques), finance et scandales (Ian, Kevin). En tout cas, c'est à partir de là que Jeffrey assemble ses personnalités et ses pouvoirs, à son service, mais aussi à celui de son réseau désormais élargi.

Comme le souligne un ancien agent français dans un entretien accordé à Legend, ces méthodes de chantage sont universelles dans le renseignement, et reposent sur 4 leviers appelés « MICE » (Money, Ideology, Compromise, Ego). Présenter Jeffrey Epstein et Robert Maxwell comme uniquement liés au Mossad est réducteur, alors qu'il est démontré qu'ils avaient des relations avec d'autres services secrets. Certes, leurs engagements et leurs actions ont largement servi les intérêts israéliens, mais leur place et leur rang les rendaient incontournables à l'échelle mondiale. Les cibles étaient des personnalités politiques, économiques et culturelles de premier plan, avec un rôle direct dans la géopolitique mondiale. Par simple logique, chaque service secret des pays concernés se retrouvait impliqué (ou au minimum informé), et parfois dans l'obligation de négocier.

Cela occulte notamment le rôle de la France, où la famille Maxwell était solidement implantée, et où le système trouvait une base majeure. Le « recrutement » des jeunes filles passait par l'industrie de la mode et les réseaux de Jean-Luc Brunel (officiellement suicidé en prison), qui constituent le « volet français » de l'affaire. Imaginer un tel dispositif sur le sol français, avec les noms et les réseaux en jeu, sans que les services ni les autorités n'en soient au courant paraît hautement improbable.

La sélection
Honey Traps and Kompromat — a Closer Look at the Life of Ghislaine Maxwell and Her Father, Robert Maxwell - Frank Report
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